AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Pierre Leyris (Traducteur)
EAN : 9782020860932
241 pages
Seuil (09/03/2006)
4.21/5   72 notes
Résumé :

Ce volume, présenté dans une traduction de Pierre Leyris qui fait référence, se compose de plusieurs groupes de poèmes suivis de notes (certaines établies par T. S. Eliot lui-même). Premiers poèmes, Mercredi creux, Mercredi des cendres, Poèmes d'Ariel, Quatre quatuors, éclairent une œuvre poétique qui a dominé la première moitié du siècle. La Terre vaine, le chef-d'œuvre ... >Voir plus
Que lire après La terre vaine Et autres poèmes - Edition bilingue français-anglaisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Ça commence très très fort avec La Chanson d'amour de J. Alfred Prufock...
Et c'est encore un de ces mystères inexplicables de l'existence: comment j'ai bien pu passer, pendant si longtemps, à côté d'un texte pareil??
J'ai été complètement embarquée, dès l'invitation qui ouvre le poème:
«Allons-nous en donc, toi et moi,
Lorsque le soir est étendu contre le ciel
Comme un patient anesthésié sur une table :
Allons par telles rues que je sais, mi-désertes
Chuchotantes retraites
Pour les nuits sans sommeil dans les hôtels de passe
Et les bistrots à coquilles d'huîtres, jonchés de sciure :
Ces rues qui poursuivent, dirait-on, quelque dispute interminable
Avec l'insidieux propos
De te mener vers une question bouleversante…»
Bon je sais, ça fait long comme citation... Mais c'est tellement mieux qu'essayer vainement de vous expliquer pourquoi j'ai trouvé ça si puissant, si touchant, dans ce poème, la façon dont s'exprime une tension entre une aspiration à s'occuper de questions bouleversantes et une réalité jonchée de sciure et de coquilles d'huîtres.
En fait, j'avais assez envie de ne faire que des citations, et de ne pas écrire d'avis. Vu que je dois bien avouer aussi que je me suis juste perdue (envoûtée mais perdue) dans La Terre vaine, dans son foisonnement de références, son côté éclaté, bref son sens pas évident à capter. Mais ce n'est pas grave, après tout, T.S. Eliot explique qu'il aimait «déjà passionnément une partie de la poésie française bien avant d'être capable d'en traduire correctement deux strophes», et que l'essentiel, avant d'accéder à la compréhension du «projet, de la philosophie, du sens caché», c'est bien d'éprouver des «chocs immédiats d'intensité poétique» - et pour ça c'est gagné. Maintenant, c'est sûr, me voilà de nouveau tombée dans un puits sans fond, appelant moult relectures - mais ce n'est pas forcément pour me déplaire.
Commenter  J’apprécie          493
Rien n'est plus difficile à critiquer que la poésie. Il y a bien sûr la pirouette de le faire sous forme de poème, ce qui pose l'intéressant challenge de rendre hommage à l'auteur sans l'imiter ; mais dans le cas de T.S. Eliot, ce serait courir à l'échec. Car ce cadeau de notre amie Nathalie m'a fait découvrir un style qui m'était inconnu, et qui s'apparente à un monde.

Eliot ne cherche pas refuge dans la beauté, auprès de la Belle Dame sans Merci comme un Keats ; il ne repeint pas le quotidien de noir et de vinasse renversée comme un Baudelaire ; il ne peaufine pas minutieusement chacun de ses vers comme un Heredia. Telle l'hirondelle du prince heureux, il plane au-dessus de la ville, la peignant de ses couleurs ternes et la décrivant de ses mots triviaux. En revanche, on sent l'influence de Mallarmé – ‘Little Gidding' contient d'ailleurs une référence au ‘Tombeau d'Edgard Poe', la seule que j'ai su identifier parmi toutes celles que l'on devine.

Comment lui viennent à l'esprit ces incroyables assemblages de mots ? On ne saurait le dire. Un poème d'Eliot, c'est un caribou attelé avec un lama à un omnibus, et cela a plus de sens et d'élégance qu'une voiture de luxe. Les rencontres des morts comme celles des vivants lui inspirent des vers. Les uns et les autres errent de par le monde, et ont-ils plus de but ? Peu lui importe. Il les observe, écoute leurs discussions. le thème religieux revient également souvent. Pour le reste,

A un mot suit
Un autre mot
Le temps passe
Et la cendre s'entasse.

La traduction me fut indispensable. Comme souvent en poésie, il faut la voir comme une aide aussi bien qu'un hommage. Merci Nathalie, ton choix était parfait.
Commenter  J’apprécie          270
Le temps est un arbitraire de l'esprit, l'expiration asthmatique captive d'un soupir normalisé.

Et le poète admoneste l'impermanence, assiège la transcendance en silence, captif des prières déjà prononcées mais qu'il lui faut improviser. C'est la plainte muette des paysages qui se hasardent mouvement, espace de l'instant, caprice des lieux. Car si la plainte est muette, la physique est cantique...

La vieillesse ?, diront-ils...
J'arriverai demain à une destination perdue hier et qu'importe ? J'ai déjà accosté au rivage stagnant, j'avais mémoire de mon dernier soupir en entonnant mon premier cri.
Quels sens donnerez-vous aux mots anciens pour que vos destinées face sens ? L'histoire est-elle rébus des pas de l'homme sur un sable à marée basse ?

Ô Sordide nuit de mon âme... Je vomirai l'ivresse gerbe d'or et dormirai au coeur de l'Eveil, à vos pieds endiablés, Ô mon interdite Divinité...

(Forgive me for my impulsiveness, sublime cantor of more than luminous
darkness)
Commenter  J’apprécie          283

Terre Vaine

C'est un long poème difficilement accessible que Terre vaine. T.S. Eliot a rajouté des notes explicatives, mais nombre de "fragments", puisqu'il s'agît de cela, restent inexpliqués. Il n'est pas toujours possible de faire une lecture au premier degré

Longtemps j'ai été gênée par la nécessité de recourir à des "explications". Je trouvais désagréable de ne pouvoir me laisser aller à prendre les vers comme il venaient, en toute immédiateté.

Mais voilà, c'était un sujet d'étude, et il fallait commenter, disséquer, extraire du texte tout ce qu'il recelait. Il fallait savoir que "those are pearls that were his eyes" venaient de Shakespeare, "Good night sweet ladies, d'Ophélie, "Hurry up please it's time", des pubs à l'heure de la fermeture.

Il fallait savoir que Téree avait séquestré Philomèle dans une bergerie, l'avait violée, puis lui avait coupé la langue pour l'empêcher de révéler son crime ("Philomel so rudely forced") et enfin que Philomel avait été changée en rossignol (tout ceci en 2 vers).

Il y a les cartes du Tarrot, Madame Sosostris , une soi-disant liseuse de bonne aventure ( Madame Sosostris is a mock Egyptian name suggested to Eliot by “Sesostris, the sorceress of Ecbatana in Aldous Huxley's novel Chrome Yellow”).

Madame Sosostris voit dans les cartes "marin phoenicien"qui avait toujours échappé à ma sagacité. Grâce à Internet, enfin, eurêka ! " The drowned Phoenician sailor is a type of fertility god whose image was thrown into the sea annually as a symbol of the death of summer".

Donc, qu'on ne me raconte pas d'histoires, c'est abscons.

Heureusement tout n'est pas de la même eau. Il est facile par moments de décrypter les signes du passé, même si Tiresias est vu comme une vieille femme. Les éléments relevant du passé et de la mythologie sont ancrés dans les temps modernes.

Bon, j'ai la fâcheuse impression que je l'ai mis à la rue ce "waste land", pas moyen de remettre la main dessus.

Enfin voici quelques miettes:

Dernière tournée!
Quand le mari de Liz a été démobilisé
Je n'ai pas mâché mes mots, je lui ai dit moi-même
Maintenant qu'Albert revient ,attife toi un peu
Il voudra savoir ce que t'as fait de l'argent qu'il t'a donné
Pour te refaire les dents. Ah oui! J'étais là!
Il a dit, j'te jure je supporte plus de te voir comme ça
..........
......
Bonsoir charmantes dames, bonsoir, ciao..

Il y a d'autres passages plus poétiques comme celui-ci:

Let us go then, you and I
When the evening is spread out against the sky
Like a patient etherized upon a table
Let us go through certain half deserted streets
The muttering retreats of restless nights in cheap hotels
And sawdust restaurants with oyster shells

In the room, the women come and go, talking of Michelangelo

Un patchwork, donc, à travers lequel il faut trouver son chemin

Ce que je pense vraiment? : si T.S Eliot était tombé à l'agrégation à la place de Moby Dick, j'aurais gagné beaucoup plus de sous ! :)
Commenter  J’apprécie          62
Une poésie des profondeurs qui mêle les références du Passé au monde contemporain de ce jeune XX° siècle. La fleur des mots se nourrit d'humus et TS Eliot considère cette beauté née du laid, du déplaisant et du morne.
Ainsi, c'est la vie moderne et son aspect terne qui deviennent les espaces d'un genre poétique qu'on voudrait cantonner à l'imaginaire et au rêve. le brouillard, la vitre sale imposent leur présence à travers le verbe qui leur donne un nouveau poids, presque une valeur nouvelle.
Un classique anglo-saxon à déguster en traduction ou dans la langue originale!
Commenter  J’apprécie          100

Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
La chanson d'amour de J. Alfred Prufrock

"S’io credesse che mia risposa fosse
A persona che mai tornasse al mondo
Questa fiamma staria senza piu scosse.
Ma perciocche giammai di questa fondo
Non torno vivo alcun, s’i’odo il vero,
Senza tema d’infamia ti respondo."

Allons-nous en donc, toi et moi,
Lorsque le soir est étendu contre le ciel
Comme un patient anesthésié sur une table :
Allons par telles rues que je sais, mi-désertes
Chuchotantes retraites
Pour les nuits sans sommeil dans les hôtels de passe
Et les bistrots à coquilles d’huîtres, jonchés de sciure :
Ces rues qui poursuivent, dirait-on, quelque dispute interminable
Avec l’insidieux propos
De te mener vers une question bouleversante…
Oh! ne demande pas : « Laquelle ? »
Allons plutôt faire notre visite.

Dans la pièce les femmes vont et viennent
En parlant des maîtres de Sienne.

Le brouillard jaune qui frotte aux vitres son échine,
Le brouillard jaune qui frotte aux vitres son museau
A couleuvré sa langue dans les recoins du soir,
A traîné sur les mares stagnantes des égouts,
A laissé choir sur son échine la suie qui choit des cheminées,
Glissé le long de la terrasse, bondi soudain,
Et voyant qu’il faisait un tendre soir d’octobre,
S’est enroulé autour de la maison, puis endormi.

Et pour sûr elle aura le temps,
La jaunâtre fumée qui glisse au long des rues,
De se frotter l’échine aux vitres ;
Tu auras le temps, tu auras le temps
De te préparer un visage pour les visages de rencontre ;
Le temps de mettre à mort et de créer,
Le temps qu’il faut pour les travaux et jours des mains
Qui soulèvent, puis laissent retomber une question sur ton assiette :
Temps pour toi et temps pour moi,
Temps pour cent hésitations,
Pour cent visions et révisions,
Avant de prendre une tasse de thé.

Dans la pièce les femmes vont et viennent
En parlant des maîtres de Sienne.

Et pour sûr j’aurai bien le temps
De me demander: « Oserai-je ? » et « Oserai-je ? »
Le temps de me retourner et de descendre l’escalier
Avec une couronne chauve au sommet de ma tête…
(Et l’on dira : « Mais comme ses cheveux se font rares! »)
Ma jaquette, mon faux col montant avec fermeté jusqu’au menton,
Ma cravate riche et modeste rehaussée d’une discrète épingle…
(« Voyez comme ses bras et ses jambes sont grêles ! »)
Oserai-je
Déranger l’univers ?
Une minute donne le temps
De décisions et de repentirs qu’une autre minute renverse.

Car je les ai connus, je les ai tous connus –
J’ai connu les soirées, les matins, les midis,
J’ai mesuré ma vie avec des cuillers à café;
Je sais les voix mourantes dans une mourante retombée
Sous la musique venue d’une pièce lointaine
Comment, dès lors, me risquerais-je ?

Et j’ai connu les yeux, je les ai tous connus –
Ceux qui vous rivent au moyen d’une formule
Et une fois mis en formule, une fois étalé sur une épingle,
Une fois épinglé et me tordant au mur,
Comment, dès lors, commencerais-je
A cracher les mégots de mes jours et détours ?
Comment, dès lors, me risquerais-je ?

Et j’ai connu les bras déjà, oui, tous connus…
Les bras cernés de bracelets et blancs et nus
(Mais sous la lampe duvetés de châtain clair !)
Est-ce un parfum de robe
Qui me fait ainsi divaguer ?
Les bras couchés sur une table, les bras qui enroulent un châle.
Devrais-je dès lors me risquer ?
Comment devrais-je commencer ?

Dirai-je : j’ai passé à la brune par des rues étroites,
Et j’ai vu la fumée qui s’élève de la pipe
Des hommes solitaires penchés en bras de chemise à leur fenêtre ?

Que n’ai-je été deux pinces ruineuses
Trottinant par le fond des mers silencieuses.

L’après-midi, le soir dort si paisiblement !
Lissé par de longs doigts,
Assoupi… épuisé… ou jouant le malade,
Couché sur le plancher, près de toi et de moi.
Devrais-je, après le thé, les gâteaux et les glaces,
Avoir le nerf d’exacerber l’instant jusqu’à sa crise ?
Mais bien que j’ai pleuré et jeûné, pleuré et prié,
Bien que j’ai vu ma tête (qui commence à se déplumer) offerte sur un plat,
Je ne suis pas prophète… et il n’importe guère ;
Ma grandeur, j’en ai vu le moment vaciller,
Mais j’ai vu l’éternel Laquais tenir mon pardessus et ricaner,
En un mot j’ai eu peur.

Aurait-ce été la peine, après tout,
Après les tasses, le thé, la marmelade d’orange
Parmi les porcelaines et quelques mots de toi et moi,
Aurait-ce été la peine
De trancher bel et bien l’affaire d’un sourire,
De triturer le monde pour en faire une boule,
De le rouler vers une question bouleversante,
De dire : « Je suis Lazare et je reviens d’entre les morts,
Je reviens pour te dire tout, je te dirai tout » –
Si certaine, arrangeant un coussin sous sa tête,
Avait dit : « Non, ce n’est pas ça du tout;
Ce n’est pas ça du tout que j’avais voulu dire. »

Aurait-ce été la peine, après tout,
Aurait-ce été la peine,
Après les arrière-cours, les couchers du soleil et les rues qu’on arrose,
Après les tasses de thé et les romans, après les jupes qui traînent sur le plancher –
Et ceci et tant d’autres choses ?
Ah! comment exprimer ce que je voudrais dire ?
Mais comme si une lanterne magique projetait le motif des nerfs sur un écran:
Aurait-ce été la peine si certaine,
Arrangeant un coussin ou rejetant un châle,
S’était tournée vers la fenêtre en déclarant:
« Ce n’est pas ça du tout,
Ce n’est pas ça du tout que j’avais voulu dire. »

Le Prince Hamlet ? Non pas, je n’ai jamais dû l’être ;
Mais un seigneur de la suite, quelqu’un
Qui peut servir à enfler un cortège
A déclencher une ou deux scènes, à conseiller
Le prince ; assurément un instrument commode,
Déférent, enchanté de se montrer utile,
Politique, méticuleux et circonspect ;
Hautement sentencieux, mais quelque peu obtus ;
Parfois, en vérité, presque grotesque –
Parfois, presque, le Fou.

Je vieillis, je vieillis…
Je ferai au bas de mes pantalons un retroussis.

Partagerai-je mes cheveux sur la nuque ? Oserai-je manger une pêche ?
Je vais mettre un pantalon blanc et me promener sur la plage.
J’ai, chacune à chacune, ouï chanter les sirènes.

Je ne crois guère qu’elles chanteront pour moi.
Je les ai vues monter les vagues vers le large
Peignant les blancs cheveux des vagues rebroussées
Lorsque le vent brasse l’eau blanche et bitumeuse.

Nous nous sommes attardés aux chambres de la mer
Près des filles de mer couronnées d’algues brunes
Mais des voix d’hommes nous réveillent et nous noient.

*

The Love Song of J. Alfred Prufrock

S’io credesse che mia risposta fosse
A persona che mai tornasse al mondo,
Questa fiamma staria senza piu scosse.
Ma percioche giammai di questo fondo
Non torno vivo alcun, s’i’odo il vero,
Senza tema d’infamia ti rispondo.

Let us go then, you and I,
When the evening is spread out against the sky
Like a patient etherized upon a table;
Let us go, through certain half-deserted streets,
The muttering retreats
Of restless nights in one-night cheap hotels
And sawdust restaurants with oyster-shells:
Streets that follow like a tedious argument
Of insidious intent
To lead you to an overwhelming question …
Oh, do not ask, “What is it?”
Let us go and make our visit.

In the room the women come and go
Talking of Michelangelo.

The yellow fog that rubs its back upon the window-panes,
The yellow smoke that rubs its muzzle on the window-panes,
Licked its tongue into the corners of the evening,
Lingered upon the pools that stand in drains,
Let fall upon its back the soot that falls from chimneys,
Slipped by the terrace, made a sudden leap,
And seeing that it was a soft October night,
Curled once about the house, and fell asleep.

And indeed there will be time
For the yellow smoke that slides along the street,
Rubbing its back upon the window-panes;
There will be time, there will be time
To prepare a face to meet the faces that you meet;
There will be time to murder and create,
And time for all the works and days of hands
That lift and drop a question on your plate;
Time for you and time for me,
And time yet for a hundred indecisions,
And for a hundred visions and revisions,
Before the taking of a toast and tea.

In the room the women come and go
Talking of Michelangelo.

And indeed there will be time
To wonder, “Do I dare?” and, “Do I dare?”
Time to turn back and descend the stair,
With a bald spot in the middle of my hair —
(They will say: “How his hair is growing thin!”)
My morning coat, my collar mounting firmly to the chin,
My necktie rich and modest, but asserted by a simple pin —
(They will say: “But how his arms and legs are thin!”)
Do I dare
Disturb the universe?
In a minute there is time
For decisions and revisions which a minute will reverse.

For I have known them all already, known them all:
Have known the evenings, mornings, afternoons,
I have measured out my life with coffee spoons;
I know the voices dying with a dying fall
Beneath the music from a farther room.
So how should I presume?

And I have known the eyes already, known them all—
The eyes that fix you in a formulated phrase,
And when I am formulated, sprawling on a pin,
When I am pinned and wriggling on the wall,
Then how should I begin
To spit out all the butt-ends of my days and ways?
And how should I presume?

And I have known the arms already, known them all—
Arms that are braceleted and white and bare
(But in the lamplight, downed with light brown hair!)
Is it perfume from a dress
That makes me so digress?
Arms that lie along a table, or wrap about a shawl.
And should I then presume?
And how should I begin?

Shall I say, I have gone at dusk through narrow streets
And watched the smoke that rises from the pipes
Of lonely men in shirt-sleeves, leaning out of windows? …

I should have been a pair of ragged claws
Scuttling across the floors of silent seas.

And the afternoon, the evening, sleeps so peacefully!
Smoothed by long fingers,
Asleep … tired … or it malingers,
Stretched on the floor,
Commenter  J’apprécie          20
Erratum : j'ai retrouvé mon livre...

.....
Sur le manteau ancien de la cheminée on pouvait voir
Comme une fenêtre s'ouvrant sur une scène sylvestre
Le changement de Philomèle, par le roi barbare
Si violemment abusée: pourtant le rossignol
Emplissait tout le désert de sa voix inviolable
Et toujours elle criait et toujours le monde poursuit
Son ragtime dans de dégoûtantes oreilles.
Et d'autres tronçons de temps flétris
Étaient narrés sur les murs
.....



Je me souviens
Ces perles étaient ses yeux
"Es-tu vivant, ou non? N'y-a-t-il rien dans ta tête?"
Mais Ô Ô Ô Ô ce ragtime shaspearien
Si élégant
Si intelligent
"Que ferai-je maintenant? Que ferai-je?
Je me précipiterai dehors comme je suis, et je marcherai dans les rues
Avec mes cheveux détachés, comme ça. Que ferons-nous demain?
Que ferons nous jamais?
L'eau chaude à dix heures.
Et s'il pleut, une voiture fermée à quatre heures
Et nous jouerons aux échecs
Pressant nos yeux sans paupières et attendant qu'on frappe à la porte.


Quand le mari de Lil a été démobilisé, je lui ai dit--
Je ne lui ai pas mâché mes mots, je le lui ai dit
DERNIÈRES COMMANDES S'IL VOUS PLAIT
Maintenant qu'Albert revient, attife toi un peu
Il voudra savoir ce que tu as fait de l'argent qu'il t'a donné
Pour te refaire les dents. C'est ce qu'il a dit, j'étais là.
Tu te les fais toutes arracher, Lil, et tu te paieras un beau dentier
Pauvre Albert, il est dans l'armée depuis quatre ans
Il veut se payer du bon temps, et si tu ne lui donnes pas
Il y en a d'autres je lui ai dit
Oh, vraiment, qu'elle a dit, ça ou autre chose j'ai dit
Alors je saurais qui remercier, qu'elle a dit
Et elle m'a regardée droit dans les yeux
DERNIÈRES COMMANDES S'IL VOUS PLAIT
Si ça ne te plaît pas tant pis, j'ai dit
Il y en a d'autres qui peuvent choisir si tu tu ne peux pas.
Mais si Albert te quitte, ça sera pas faute d'être prévenue.
Tu devrais avoir honte, j'lui ai dit, de faire si vieille
(Et dire qu'elle n'a que 31 ans)
J'y peux rien qu'elle a dit, en faisant une tête de trois pieds
C'est ces pilules que j'ai prises pour le faire passer
(Elle en a déjà eu cinq et elle a failli mourir quand elle a eu Georges
Le pharmacien a dit que ça irait, mais je ne m'en suis jamais remise
Tu es vraiment idiote que je lui ai dit
Si Albert ne peut pas te laisser tranquille, c'est comme ça
Pourquoi tu t'es mariée si tu ne veux pas d'enfants?
DERNIÈRES COMMANDES S'IL VOUS PLAIT
DERNIÈRES COMMANDES S'IL VOUS PLAIT
Bonsoir Bill, bonsoir Lou. Bonsoir May. Bonsoir.
Tchao. Bonsoir. Bonsoir

Bonsoir Mesdames, bonsoir, belles dames, bonsoir, bonsoir.
Commenter  J’apprécie          70
Les Hommes creux (The Hollow Men, 1925)

I

Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre. Hélas !
Nos voix desséchées, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont sourdes, sont inanes
Comme le souffle du vent parmi le chaume sec
Comme le trottis des rats sur les tessons brisés
Dans notre cave sèche.

Silhouette sans forme, ombre décolorée,
Geste sans mouvement, force paralysée ;

Ceux qui s’en furent
Le regard droit, vers l’autre royaume de la mort
Gardent mémoire de nous – s’ils en gardent – non pas
Comme de violentes âmes perdues, mais seulement
Comme d’hommes creux
D’hommes empaillés.

II

Les yeux que je n’ose pas rencontrer dans les rêves
Au royaume de rêve de la mort
Eux, n’apparaissent pas:
Là, les yeux sont
Du soleil sur un fût de colonne brisé
Là, un arbre se balance
Et les voix sont
Dans le vent qui chante
Plus lointaines, plus solennelles
Qu’une étoile pâlissante.

Que je ne sois pas plus proche
Au royaume de rêve de la mort
Qu’encore je porte
Pareils francs déguisements: robe de rat,
Peau de corbeau, bâtons en croix
Dans un champ
Me comportant selon le vent
Pas plus proche –

Pas cette rencontre finale
Au royaume crépusculaire.

III

C’est ici la terre morte
Une terre à cactus
Ici les images de pierre
Sont dressées, ici elles reçoivent
La supplication d’une main de mort
Sous le clignotement d’une étoile pâlissante.

Est-ce ainsi
Dans l’autre royaume de la mort:
Veillant seuls
A l’heure où nous sommes
Tremblants de tendresse
Les lèvres qui voudraient baiser
Esquissent des prières à la pierre brisée.

IV

Les yeux ne sont pas ici
Il n’y a pas d’yeux ici
Dans cette vallée d’étoiles mourantes
Dans cette vallée creuse
Cette mâchoire brisée de nos royaumes perdus

En cet ultime lieu de rencontre
Nous tâtonnons ensemble
Evitant de parler
Rassemblés là sur cette plage du fleuve enflé

Sans regard, à moins que
Les yeux ne reparaissent
Telle l’étoile perpétuelle
La rose aux maints pétales
Du royaume crépusculaire de la mort
Le seul espoir
D’hommes vides.

V

Tournons autour du fi-guier
De Barbarie, de Barbarie
Tournons autour du fi-guier
Avant qu’le jour se soit levé.

Entre l’idée
Et la réalité
Entre le mouvement
Et l’acte
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Entre la conception
Et la création
Entre l’émotion
Et la réponse
Tombe l’Ombre

La vie est très longue

Entre le désir
Et le spasme
Entre la puissance
Et l’existence
Entre l’essence
Et la descente
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Car Tien est
La vie est
Car Tien est

C’est ainsi que finit le monde
C’est ainsi que finit le monde
C’est ainsi que finit le monde
Pas sur un Boum, sur un murmure.

*

The Hollow Men

I

We are the hollow men
We are the stuffed men
Leaning together
Headpiece filled with straw. Alas!
Our dried voices, when
We whisper together
Are quiet and meaningless
As wind in dry grass
Or rats’ feet over broken glass
In our dry cellar

Shape without form, shade without colour,
Paralysed force, gesture without motion;

Those who have crossed
With direct eyes, to death’s other Kingdom
Remember us—if at all—not as lost
Violent souls, but only
As the hollow men
The stuffed men.

II

Eyes I dare not meet in dreams
In death’s dream kingdom
These do not appear:
There, the eyes are
Sunlight on a broken column
There, is a tree swinging
And voices are
In the wind’s singing
More distant and more solemn
Than a fading star.

Let me be no nearer
In death’s dream kingdom
Let me also wear
Such deliberate disguises
Rat’s coat, crowskin, crossed staves
In a field
Behaving as the wind behaves
No nearer—

Not that final meeting
In the twilight kingdom

III

This is the dead land
This is cactus land
Here the stone images
Are raised, here they receive
The supplication of a dead man’s hand
Under the twinkle of a fading star.

Is it like this
In death’s other kingdom
Waking alone
At the hour when we are
Trembling with tenderness
Lips that would kiss
Form prayers to broken stone.

IV

The eyes are not here
There are no eyes here
In this valley of dying stars
In this hollow valley
This broken jaw of our lost kingdoms

In this last of meeting places
We grope together
And avoid speech
Gathered on this beach of the tumid river

Sightless, unless
The eyes reappear
As the perpetual star
Multifoliate rose
Of death’s twilight kingdom
The hope only
Of empty men.

V

Here we go round the prickly pear
Prickly pear prickly pear
Here we go round the prickly pear
At five o’clock in the morning.

Between the idea
And the reality
Between the motion
And the act
Falls the Shadow
For Thine is the Kingdom

Between the conception
And the creation
Between the emotion
And the response
Falls the Shadow
Life is very long

Between the desire
And the spasm
Between the potency
And the existence
Between the essence
And the descent
Falls the Shadow
For Thine is the Kingdom

For Thine is
Life is
For Thine is the

This is the way the world ends
This is the way the world ends
This is the way the world ends
Not with a bang but a whimper.
Commenter  J’apprécie          20
MERCREDI DES CENDRES (extrait)

Bien que je n'espère plus me tourner à nouveau
Bien que je n'espère plus
Bien que je n'espère plus me retourner

Flottant de-ci de-là entre profit et perte
Pendant ce bref passage où les rêves se croisent
Ce demi-jour croisé de rêves entre le naître et le mourir
(Père bénissez-moi) encore qu'à cette heure
Je n'aie plus le désir de désirer ces choses
Par la fenêtre ouverte sur la rive de granit
Toujours cinglent les voiles, ailes blanches au large
Dans leur vol imbrisé

Et le cœur perdu se raidit, se réjouit
Du lilas perdu, des voix marines perdues
Et l'ardeur alanguie se ranime et s'insurge
Pour recouvrer la verge d'or et la senteur marine perdue
Pour recouvrer
Le cri des cailleteaux, le tournoyant pluvier
Et l'œil aveugle crée
Les formes vides entre les portes ivoirines
Et l'odeur renouvelle
La saline saveur de la terre sablonneuse

Voici le temps de tension entre le mourir et le naître
Le lieu de solitude où trois rêves se croisent
Entre les rochers bleus
Mais quand les voix tombées de l'if secoué s'éloignent
Que l'autre if soit secoué et qu'il réponde.

Sœur bénie, sainte mère, esprit de la fontaine et esprit du jardin,
Ne souffrez point que nous nous leurrions de fausseté
Apprenez-nous à nous soucier et à cesser de nous soucier

Apprenez-nous à rester en repos
Même parmi ces rocs,
Notre paix dans Sa volonté
Et même parmi ces rocs
Sœur, mère
Esprit de la lumière et esprit de la mer
Ne souffrez point que je sois séparé

Et clamor meus ad Te veniat.
Commenter  J’apprécie          80
Les hommes creux

Mistah Kurtz-he dead
Un penny pour le Old Guy


I

Nous sommes les hommes creux
Nous sommes les hommes empaillés
Appuyés ensemble
Casque rempli de paille. Hélas!
Nos voix sèches, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont silencieuses et vides de sens
Comme le vent dans l'herbe sèche
Ou les pattes de rats sur le verre brisé
Dans notre cave sèche

Forme sans forme, ombre sans couleur,
Force paralysée, geste sans mouvement ;

Ceux qui ont traversé
Avec les yeux directs, l'autre royaume de la mort Souvenez-vous de nous - si pas du tout - pas comme des âmes violentes
perdues , mais seulement

Comme les hommes creux
Les hommes empaillés.


II

Yeux que je n'ose rencontrer dans les rêves
Dans le royaume des rêves de la mort
Ceux-ci n'apparaissent pas :
Là, les yeux sont
Lumière du soleil sur une colonne brisée
Là, est un arbre qui se balance
Et les voix sont
Dans le chant du vent
Plus lointaines et plus solennelles
Qu'une étoile déclinante.

Laisse-moi ne pas être plus près
Dans le royaume des rêves de la mort
Laisse-moi aussi porter
De tels déguisements délibérés
Manteau de rat, peau de corbeau, bâtons croisés
Dans un champ
Comportant comme le vent se comporte
Pas plus près-

Pas cette dernière rencontre
Dans le royaume crépusculaire


III

C'est la terre morte
C'est la terre des cactus
Ici les images de pierre
Se dressent, ici elles reçoivent
La supplication de la main d'un mort
Sous le scintillement d'une étoile qui s'éteint.

Est-ce ainsi
Dans l'autre royaume de la mort
Se réveiller seul
A l'heure où l'on
tremble de tendresse Des
lèvres qui s'embrasseraient
Forment des prières à la pierre brisée.


IV

Les yeux ne sont pas ici
Il n'y a pas d'yeux ici
Dans cette vallée d'étoiles mourantes
Dans cette vallée creuse
Cette mâchoire brisée de nos royaumes perdus

Dans ce dernier des lieux de rencontre
Nous tâtonnons ensemble
Et évitons la parole
Rassemblés sur cette plage du fleuve

tumide Aveugles, à moins que
Les yeux ne réapparaissent
Comme l'étoile perpétuelle
Rose multifoliée
Du royaume crépusculaire de la mort
Le seul espoir
Des hommes vides.


V

Ici on fait le tour du figuier de barbarie
Figue de barbarie figuier de barbarie
Ici on fait le tour du figuier de barbarie
A cinq heures du matin.

Entre l'idée
et la réalité
Entre le mouvement
Et l'acte
Tombe l'Ombre
Pour Toi est le Royaume

Entre la conception
Et la création
Entre l'émotion
Et la réponse
Tombe l'Ombre
La vie est très longue

Entre le désir
Et le spasme
Entre la puissance
Et l'existence
Entre l'essence
Et la descente
Tombe l'ombre
Car à toi est le royaume

A toi est la
vie est à
toi

C'est ainsi que finit le monde
C'est ainsi que finit le monde
C'est ainsi que le monde se termine
Pas avec un bang mais un gémissement.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de T.S. Eliot (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de T.S. Eliot
Le miracle est arrivé ! Il se nomme Mirèio, le poème que Frédéric Mistral, le fondateur du Félibrige, publie en 1859, au mitan du siècle des nationalités. À partir de là, et jusqu'à aujourd'hui, va fleurir, au Sud, une immense renaissance des langues et des littératures. En Provence, mais aussi dans le Languedoc, la Gascogne, le Limousin et l'Auvergne. C'est cette saga culturelle du Midi que raconte ici, avec science et style, Stéphane Giocanti.
Qui sont ces rebelles en butte au jacobinisme et à la stigmatisation des « patois » ? Quelle a été leur fabuleuse aventure héroïque et collective ? Quel rôle l'occitanisme a-t-il joué au sein de ce réveil ? Comment ce renouveau a-t-il influencé Alphonse Daudet, Jean Giono ou Marcel Pagnol ? Que reste-t-il de ce rêve à l'heure où les locuteurs naturels connaissent un crépuscule ? Et que nous dit cette résistance alors que la France s'interroge sur son avenir ?
Avec ce panorama inégalé, complet et clair, alerte et accessible, Stéphane Giocanti nous initie comme jamais au Sud, à sa terre et à son ciel, à ses peuples et à ses parlers. Une célébration lumineuse.
Essayiste et romancier, Stéphane Giocanti est, entre autres, l'auteur de T. S. Eliot ou le monde en poussières, C'était les Daudet, Une histoire politique de la littérature ainsi que de Kamikaze d'été.
+ Lire la suite
Dans la catégorie : Poésie anglaiseVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature anglaise et anglo-saxonne>Poésie anglaise (101)
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (197) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1220 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}