Ellory a beau être anglais, il nous décrit l'Amérique comme un vrai yankee, à la différence qu'il a du recul pour analyser plus en profondeur sa face cachée, sa face sombre, celle qui est à mille lieues du clinquant ou des airs vertueux de ce pays qui veut jouer le gendarme du monde alors qu'il est un grand voleur…
Le Vietnam… Une sacrée boucherie, un putain de merdier et monstrueuse erreur monumentale selon John Gaines, ancien combattant devenu le shérif de la petite ville tranquille qu'est Whytesburg, Mississippi. Un crime tous les ans et le coupable qui attend les flics tranquillement, des contraventions… Voilà son quotidien. Cool.
Une petite ville tranquille jusqu'au jour où l'on découvre, enterré sur les berges de la rivière, le cadavre d'une adolescente qui avait disparu 20 ans plus tôt.
Notre pauvre shérif va faire face à la plus terrible affaire de sa carrière, les morts tombant comme des mouches sous l'action combinée d'un « pchitt » de Baygon Vert et Bleu. C'est vous dire si le croque-mort va avoir du boulot.
Les années 70, dans les romans, j'adore parce que c'est une période sans nouvelles technologies, sans toutes les facilités que nous avons maintenant et cela rend les enquêtes plus « vraies ».
Si en plus on me parle des années 70 en Amérique, là, je kiffe à mort !
L'auteur a su trouver les mots justes pour nous parler de l'ambiance assez plombée de cette époque "post guerre du Vietnam", où les anciens combattants souffraient de ce mal non encore étiqueté qu'est le stress post-traumatique.
On perdait une partie de son humanité à la guerre, et on ne la récupérait jamais.
Cette époque où des mots tels que "respect", "tolérance" ou "égalité des hommes" étaient considérés comme des gros mots et où les membres du sinistre Klan, bien que ne se promenant plus avec des taies d'oreillers sur leurs tronches, étendait encore leurs ombres sur le territoire.
J'apprécie que l'on décortique ces années où la déségrégation, qui aurait dû commencer, n'avait pas eu lieu parce que les hommes Blancs étaient trop cons que pour se rendre compte que nous sommes tous les mêmes ou alors, ne voulaient pas voir la vérité car elle leur faisait peur.
Ellory nous plonge en plein dans ces années que ce grand pays, sois-disant « démocratique », aimerait oublier.
À travers les souvenirs du Vietnam de Gaines, nous allons mener l'enquête avec lui, à son rythme, entrant dans les maisons et les vies de certains des habitants, traquant les indices quasi inexistants, remontant le fil des événements 20 ans plus tôt.
Bien qu'écrit à la troisième personne, on a l'impression que le narrateur, c'est Gaines, comme si c'était lui qui nous racontait l'histoire.
Les personnages sont forts, le shérif Gaines est un homme que l'on a envie d'aimer (en tant qu'ami), un homme qui m'a ému au travers d'un événement de son existence, un policier qui ne laisse pas tomber son affaire, même s'il n'est pas infaillible et commet des erreurs.
Un homme qui n'a pas peur de s'attaquer à un plus fort que lui.
La plume de
Ellory fait mouche et dresse un portrait au vitriol de cette Amérique un peu profonde, où les grandes familles font la loi, où les hautes sphères sont corrompues, où il était si facile d'envoyer les gens en taule… Cette grande nation qui envoya ses jeunes se faire massacrer pour rien au Vietnam.
Amis du trépidant, perdez pas votre temps dans ce roman, ici, tout n'est que lenteur calculée, profondeur délibérée, psychologie planifiée, indices proportionnés, récits de guerre calibrés, entremêlés dans une enquête bien ficelée, le tout servi par une plume acérée qui assènera quelques vérités que nous devrions nous méditer.
Deux
Ellory en peu de temps, deux orgasmes littéraires. Ce mec est fort !
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