J'avais déjà partagé les pensées de tueurs froids et insensibles dans les romans de
Jim Thompson "
1275 âmes" et "
L'assassin qui est en moi", sans compter celui de "
American Psycho" de
Bret Easton Ellis (que j'ai abandonné), "
Un employé modèle" de
Paul Cleave et "
Au-delà du mal" de
Shane Stevens; mais ces tueurs sont des agneaux, comparé au Martin Plunkett d'
Ellroy !
Déjà du point de vue "score", Martin est hors catégorie car on parle de au moins 40 à 50 morts...
Niveau froideur, il dépasse aussi le Lou Ford de "
L'assassin qui est en moi" (Thompson).
Avantage de notre sérial-killer ? Contrairement aux assassins de
Jim Thompson, il tue des gens auxquels ont ne peut pas le rattacher : des autostoppeurs, un couple dans la montagne, un automobiliste, un couple de culturistes... bref, il laisse ses envies le guider et il voyage beaucoup à travers les États-Unis, ce qui le rend insaisissable.
Ce qui m'a plu, dans ce roman, c'est que nous sommes dans la tête de Plunkett : depuis son enfance et son premier meurtre jusqu'à son arrestation finale, le tout entrecoupé d'articles de journaux, de rapport de police et des notes d'un des enquêteurs.
Cette manière de nous narrer l'histoire lui donne un aspect véridique, sans compter que Plunkett croisera même la route d'un certain Charles Manson...
Non, je n'ai pas spolié en vous disant qu'il se faisait arrêter ! le début du roman commence par des articles de journaux qui relatent son arrestation pour 4 meurtres tout frais. Ses 4 derniers.
Plunkett s'emmure dans le silence et décide qu'il racontera son histoire sous forme de livre, mais en faisant en sorte qu'on ne le prenne pas en pitié, qu'on ne lui trouve aucune circonstances atténuantes.
Plunkett est froid, méthodique, calculateur, schizophrène, intelligent (frôlant le génie), il ne possède aucun sentiment de pitié ou d'empathie, aucune once de gentillesse. Pire, il ne ressent aucun regrets de ces actes. C'est une machine à tuer.
Son écriture est tranchante comme un scalpel et en effet, il ne se cherche pas des excuses. le récit n'en est que plus glaçant à la première personne que conté par un narrateur ou bien les flics chargés des enquêtes. C'est vraiment un portrait de l'intérieur qu'
Ellroy nous livre !
Mais pourquoi donc ce gamin est-il devenu un tueur en série ?
Martin, lorsqu'il était jeune, plutôt que de jouer dans l'équipe de football ou avec des gamins de son âge, il se crée un cinéma mental et il s'identifie à Super Saigneur, le méchant d'un comics de son enfance... Un super méchant qui aime le sang et le sexe…
C'est lui qui permettra à Martin d'échapper à sa folie intérieure, celle qui le rend malade et le tourmente. Il veut se faire connaitre à la face du monde en tant que "Super Saigneur" dont il utilise les initiales "SS" pour signer ses crimes.
Martin croit qu'il va se sentir mieux et oublier ses traumas d'enfance dont il a refoulé un acte important. Nous l'apprendrons sur la fin.
Pourtant, comme je vous le disais, Martin n'a aucune excuse, le Mal existe, c'est tout.
La preuve en est qu'un jour, au hasard des tueries, il tue un homme dans le Wisconsin et se retrouve accusé du viol et du démembrement post-mortem de deux adolescentes.
La tournure dramatique de l'histoire est là : accusé d'un crime qu'il n'a pas commis.
Toute l'horreur arrivera avec la rencontre qu'il fera dans sa cellule : le véritable tueur se tient devant lui, il sait que Martin a tué un homme et en a tiré une photo. Cet homme exerce un boulot dans les forces de l'ordre et lui n'a pas eu de traumas dans son enfance. Mais le Mal existe, c'est ainsi...
Leur rencontre au sommet vous fera dresser les cheveux sur la tête tant ils sont froids et parce que le violeur admire le tueur qui en compte déjà 40 à son actif.
Il fera en sorte que Martin soit relâché. "Lis les nouvelles, on va parler de moi", lui déclare-t-il. Puis, par une suite d'articles de journaux et de rapports de police, nous suivrons leurs cheminements sanglants et meurtriers.
Âmes sensibles, abstenez-vous de lire ce roman, non pas à cause du sang et des descriptions des meurtres - l'auteur ayant eu l'intelligence de ne pas abuser de l'hémoglobine en sauce et des détails trop scabreux - mais en raison du voyage cauchemardesque où Plunkett sema la mort sur son passage, durant 10 ans (entre 1974 et 1984).
Je pensais sortir de ma lecture dégoûtée, mais au final, je m'en sors bien, ayant réussi à garder mes distances avec l'âme tourmentée de Plunkett et sa logique froide qui n'est logique que pour lui. Mon blindage était solide !
Sans problème, je pourrais me plonger dans un récit de Jack l'Éventreur... Mais je ne vais pas tenter le Diable tout le temps !
Un livre fort qui, bien que fiction, vous donnera l'apparence d'un récit véridique ou "comment accompagner un tueur en série pas à pas"...
Du tout grand art...
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