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EAN : 9782330053123
480 pages
Actes Sud (19/08/2015)
  Existe en édition audio
3.3/5   848 notes
Résumé :
Insomniaque, sous le choc d'un diagnostic médical alarmant, Franz Ritter, musicologue viennois, fuit sa longue nuit solitaire dans les souvenirs d'une vie de voyages, d'étude et d'émerveillements. Inventaire amoureux de l'incroyable apport de l'Orient à la culture et à l'identité occidentales, Boussole est un roman mélancolique et enveloppant qui fouille la mémoire de siècles de dialogues et d'influences artistiques pour panser les plaies du présent.

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Critiques, Analyses et Avis (231) Voir plus Ajouter une critique
3,3

sur 848 notes
Encore un sommet d'érudition publié abusivement et malhonnêtement dans la catégorie des Romans. C'est une THÈSE racontée sous formes de mémoires. Paradoxalement, ce récit d'un insomniaque est puissamment soporifique. Ce qui est ici raconté n'est certes pas sans intérêt. Simplement, c'est comme une valise trop pleine sur laquelle il faut s'asseoir pour parvenir à la fermer : c'est plein à craquer.
En quelques mots, la thèse démontre très efficacement et solidement l'Histoire des relations entre un Orient et un Occident qui s'attirent et se repoussent tout à la fois, où chacun existe par rapport à l'autre dans des apports féconds allant dans les deux sens et se construit par l'image que lui renvoie l'autre. C'est donc un livre éminemment académique au sujet grand, noble et vaste. Mais ce n'est pas un roman ! Par moments, on oscille même entre la thèse et le journalisme.
Je me suis fait violence pour aller au bout de ce calvaire de lecture. Les phrases se délaient détestablement. L'auteur a quelque difficulté avec la ponctuation : trop de virgules ; pas assez de points ; pas de point d'interrogation à la fin des questions. Il use de digressions allant à l'emporte-pièce. Quant au caractère hypnotique de ce « roman », il est dû à la grande longueur des phrases : on se perd dans un dédale de détails tout engraissés dans une syntaxe pâteuse. Il y a cependant quelques images poétiques beaucoup trop rares disséminées entre celles de mauvais goût : la première page, celle de la description de la façon de fumer l'opium et la scène d'amour (enfin) assouvi, entre autres, sont réellement poétiques ; la description de la société iranienne est très intéressante. Mais dans l'ensemble, l'effet hypnotique est obtenu plus par saturation que par la qualité des images.
Les jugements de valeur musicaux me soûlent et ne m'enivrent pas. Les activités du voisinage me rasent. Une masse de détails parfois polluants m'incite plus d'une fois à laisser tomber ce livre gangrené par les digressions. C'est une logorrhée écrite vomissant des anecdotes ad nauseam. C'est une mélasse encombrée de tableaux surchargés et fugaces, un tas d'anecdotes assenées à la mitrailleuse. On apprend certes des choses mais la lourdeur et le foisonnement font que ça glisse devant les yeux et qu'on a hâte d'abréger cet état d'engourdissement qui confine à l'anesthésie. Bien que je n'en aie jamais fumé, j'ai l'impression de ressentir l'épaisseur de la fumée lourde de l'opium encombrer mon cerveau.
La littérature est actuellement si pauvre qu'on porte aux nues des livres denses et pleins de matière mais dénués de mesure. On ne raconte plus d'histoires ; il n'y a plus d'intrigue ni d'actions. Il n'y a plus que des observateurs sentencieux et désenchantés qui n'expriment qu'une mélancolie vaporeuse, le tout avec une maladresse crasse. Il n'y a plus aucune subtilité, plus aucune finesse. Et comme le laid met en valeur le beau par effet de contraste, le foisonnement est ici mis en valeur par l'indigence de ses voisins sur les étagères des librairies.
On écrit les phrases exactement comme elles viennent à l'esprit ; on ne se relit pas ; on déverse sa logorrhée et on décrète que le travail est fini. On croit par trop au mythe de la noblesse du premier jet exprimant sa sacro-sainte spontanéité. Ce n'est pas ça qui fait une oeuvre. N'en déplaise à M. Pierre Assouline pour qui ce bouquin, qui ne passera sûrement pas à la postérité, est un « Grand livre ». Enard aurait mieux fait d'élaborer une « Anthologie de l'Orient vu par l'Occident » ou un « Tristes tropiques » en version orientale. Dans ce cas, c'aurait peut-être été un grand livre.
Un bouquin qui vous plombe à ce point et qui est de plus encensé par la critique a de quoi rendre pessimiste sur l'état de ce pays. On essaie de nous faire passer du plomb pour de l'or.
J'ai même vu un parallèle établi avec les Mille et Une Nuits. Sérieusement, avez-vous lu les Mille et Une Nuits pour oser une telle comparaison ? Dans ces contes arabes, il y a des histoires, des intrigues, des actions, de l'émerveillement. On n'y est pas assommé durant presque 400 pages par le vagabondage mental d'un gars malade chouineur et plein de regrets. Les Mille et Une Nuits suscitent le rêve véritable tandis qu'ici ce ne sont que souvenirs amers, décousus et parfois morbides. On dirait un long gémissement qui prélude à l'agonie du narrateur. C'est étouffant !
Ce bouquin ne fait pas honneur à la littérature. Simplement, son sujet est brûlant d'actualité et ce critère pèse lourd dans les considérations des sélections pour les prix littéraires. Leur choix n'étant pas illimité et le talent si rare de nos jours, ils récompensent le meilleur livre par défaut, c'est-à-dire le moins mauvais et celui-ci a toutes ses chances.
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La littérature demande parfois un peu de courage. On peut se sentir déstabilisé par la première page de Boussole, comme par le fait de feuilleter le livre au hasard et de tomber sur de nombreux noms inconnus, de références littéraires à n'en plus finir. On pourrait aller jusqu'à penser que Mathias Enard joue l'érudit et tente d'épater la galerie avec ses successions de phrases longues comme des chapitres et ses souvenirs qui se chevauchent les uns les autres. Pourtant, on tourne les premières pages, avec un peu de sérieux et un peu de ce courage que demandent les grandes oeuvres, et on est tout de suite embarqué pour un voyage d'une beauté inouïe. Malade, insomniaque, le coeur partout ailleurs que dans son maudit appartement autrichien, le narrateur rejoue, le temps d'une nuit désespérément blanche, les souvenirs qui le rattachent à une femme. Une femme, Sarah, avec laquelle il a arpenté les terres de plusieurs pays du Moyen-Orient : la Syrie, l'Irak, l'Iran. L'occasion pour lui, toujours en cette nuit solitaire, de revivre ces épisodes, de se remémorer sa nuit à la belle étoile à Palmyre alors qu'il dormait auprès de Sarah, de se perdre en Irak, de traverser l'Iran, ces pays qu'il aime et qui ne sont plus que souvenirs et qui ne seront plus jamais que ça, maintenant qu'une bande de pillards et de barbares saccage tout sur son passage. Il y a des dizaines de lectures de ce livre. On peut se demander si Sarah n'est pas la personnification de l'amour de Mathias Enard pour ce Moyen-Orient meurtri. Car Boussole est ceci avant toute chose, la magnifique histoire d'un amour perdu. Celui d'une femme autant que celui d'une région. Evidemment, la plume de Mathias Enard, il n'y a qu'à lire les citations publiées ici même sur Babelio, est belle à crever : "Qu'est-ce que j'ai raté pour me retrouver seul dans la nuit éveillé le coeur battant les muscles tremblants les yeux brûlants [...], quelle heure est-il au Sarawak, si j'avais osé embrasser Sarah ce matin-là à Palmyre au lieu de lâchement me retourner tout aurait peut-être été différent ; parfois un baiser change une vie entière, le destin s'infléchit, se courbe, fait un détour. [...]
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Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en trop savoir sur cette longue nuit d’insomnie au coeur de Vienne narrée par Franz Ritter, musicologue malade et angoissé, épris d’Orient et d’une femme, Sarah, pour entrer dans ce récit prenant, d’une érudition époustouflante - Le minimum donc pour donner envie, envie de plonger dans la mémoire d’une vie rythmée par les voyages à Téhéran, Istanbul, Damas, Palmyre, les souvenirs intimes, les multiples rencontres, la musique omniprésente, la littérature et l’orientalisme. Une richesse d'évocation et de transmission rarissimes qui m'ont littéralement emballée !

Heureusement, la boussole de Mathias Énard oscille en permanence entre le roman d’un amour contrarié et l’ouvrage érudit sur l’Orient, mêlant habilement personnages de fiction et personnalités ayant bel et bien existé.
La diversité incroyable de l’Orient, sa beauté, sa violence aussi, imprègnent ce roman que j’ai commencé avec lenteur, pour finalement me laisser embarquer avec un réel plaisir. J’ai lu au rythme de la Marche turque, des oeuvres de Mozart, de Liszt, en compagnie des figures majeures de l’orientalisme qui ont eu le mérite de faire connaitre cette culture même si elle était parfois teintée de fascination aveugle et de merveilleux - le fantasme récurrent d’un Orient sublimé véhiculé par les Mille et une nuits reste tenace.

Penser assimiler toutes les références évoquées dans ce livre en une seule lecture serait irréaliste, en revanche je retiens comme un repère central la valeur symbolique de la boussole qui, sous la plume talentueuse de Mathias Enard, permet de s'orienter vers l'Est, vers cet Orient qui continue à fasciner, intriguer, déranger. Son influence sur l'histoire culturelle européenne est multiple et particulièrement bien mise en valeur ici.
Et puis une boussole, c'est probablement ce qui a manqué au narrateur pour vaincre ses angoisses, trouver le chemin de l'autre et de l'amour, le chemin de Sarah.
À chacun de trouver la sienne, peut-être, pour " utiliser ce qui vient de l'Autre pour modifier le Soi ".
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Ce livre est digne des Mille et une nuits, mille et une nuits condensées en une seule nuit d’insomnie, un périple au long cours où se bousculent les souvenirs de Franz Ritter musicologue, malade, angoissé par la mort peut-être proche, qui revit ses voyages en Orient, ses rencontres multiples, sa passion pour Sarah, femme flamboyante et libre.

Les personnages fictifs se mêlent aux personnages réels pour nous offrir toute la magie de l’Orient, avec ses parfums, sa sensualité et sa beauté, sa cruauté aussi, orient réel ou rêvé.
« Berlioz n'a jamais voyagé en Orient, mais était, depuis ses vingt-cinq ans, fasciné par Les Orientales d'Hugo. Il y aurait donc un Orient second, celui de Goethe ou d'Hugo, qui ne connaissent ni les langues orientales, ni les pays où on les parle, mais s'appuient sur les travaux des orientalistes et voyageurs comme Hammer-Purgstall, et même un Orient troisième, un Tiers-Orient, celui de Berlioz ou de Wagner, qui se nourrit de ces œuvres elles-mêmes indirectes. Le Tiers-Orient, voilà une notion à développer.» p 69

Le lecteur est entrainé, à la suite de Franz Ritter, dans une longue et lente dérive où s’engouffre des écrivains, des poètes, des musiciens, des archéologues, orientalistes parfois espions au service de leurs gouvernement respectifs. Leur point commun, pour la plupart, est d’être fous d’Orient, folie qui prend différentes formes que Franz Ritter tente de classer en cinq parties qui mordent les unes sur les autres :
Les orientalistes amoureux, La caravane des travestis, Gangrène et tuberculose, Portraits d’orientalistes en commandeurs des croyants, L’Encyclopédie des décapités

Orient inspirateur des « Byron, Nerval, Rimbaud, et ceux qui avaient cherché, comme Pessoa à travers Alvaro de Campos, un « Orient à l’orient de l’Orient ».
« Un orient extrême au-delà des flammes de l’Orient moyen, on se prend à penser qu’autrefois l’Empire ottoman était « l’homme malade de l’Europe » : aujourd’hui l’Europe est son propre homme malade, vieilli, un corps abandonné, pendu à son gibet, qui s’observe pourrir en croyant que ‟Paris sera toujours Paris”, dans une trentaine de langues différentes y compris le portugais. ‟L’Europe est un gisant qui repose sur ses coudes”, écrit Fernando Pessoa dans Message, ces oeuvres poétiques complètes sont un oracle, un sombre oracle de la mélancolie. » p 205

Un livre qui fait mesurer l’immensité, la variété et la beauté de ce qui meurt en ce moment sous nos yeux
« …impossible, à Paris en 1999, devant une coupe de champagne, de s’imaginer que la Syrie allait être dévastée par la pire violence, que le souk d’Alep allait brûler, le minaret de la mosquée des Omeyyades s’effondrer, tant d’amis mourir ou être contraints à l’exil ; impossible même aujourd’hui d’imaginer l’ampleur de ces dégâts, l’envergure de cette douleur depuis un appartement viennois confortable et silencieux. » p13 14

Et c’est le coeur serré par tous les liens brisés que l’on lit ce livre fabuleux, en particulier le long passage qui se déroule à Palmyre "la fiancée du désert", où l’on croise un personnage féminin inoubliable, Marga d’Andurain, française qui y tiendra un hôtel qu’elle appellera l’hôtel Zénobie en hommage à la reine du 3ème siècle après Jésus-Christ vaincue par Aurélien.
Ce n’est que l’un des nombreux personnages réels dont « Boussole » donne envie de prolonger la découverte.
L’une de ses grandes richesses est d’être un livre ouvrant, à travers de multiples anecdotes, sur la possibilité d’une infinité d’autres.
Un livre qui explore « cet entre-deux, ce barzakh, le monde entre les mondes où tombent les artistes et les voyageurs » et qui offre une vision de l’Origine et de la Fin.

Mais comme le dit Franz Ritter à la fin de la nuit :
« …il faut tout voir à travers les bésicles de l’espoir, chérir l’autre en soi, le reconnaître, aimer ce chant qui est tous les chants, depuis les Chants de l’aube des trouvères, de Schumann et tous les ghazals de la création, on est toujours surpris par ce qui toujours vient, la réponse du temps, la souffrance, la compassion et la mort ; le jour, qui n’en finit pas de se lever ; l’Orient des lumières, l’Est, la direction de la boussole et de l’Archange empourpré, on est surpris par le marbre du Monde veiné de souffrances et d’amour, au point du jour, allez, il n’y a pas de honte à se laisser aller aux sentiments … et au tiède soleil de l’espérance.
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Déboussolé ou désorienté ? C'est presque le même sens, non ? Boussole, c'est justement le titre du dernier Goncourt qui nous transporte sur un tapis volant vers l'Orient. Pourquoi dit-on désorienté d'ailleurs puisque c'est le nord et non l'est que l'on perd habituellement, n'est-ce pas ? Sauf chez Mathias Enard dont la boussole indique systématiquement l'est. Mon Dieu, que ceci est troublant. le roman du natif de Niort (une ville qui n'incite guère à la méditation orientaliste, pourtant) a été disséqué, loué et (parfois) critiqué. Qu'il mérite ou non le Goncourt n'a franchement pas d'importance, qu'il soit lisible ou non en a bien davantage. Il s'agirait d'un roman, donc. Oui, si l'on veut, l'acception du terme est devenue tellement large. Rêverie aurait été plus conforme à ce qu'est le livre. Mais attention, au sens songe éveillé, au coeur d'une nuit insomniaque quand les souvenirs se bousculent et se chevauchent, dans un savant désordre. Ainsi est Boussole, un voyage dans le passé du narrateur, musicologue orientaliste, en petite forme il faut le dire, miné par un diagnostic médical pessimiste, et qui remonte la piste de sa mémoire au gré d'un temps élastique qui brouille les repères. Et le lecteur est déboussolé, désorienté par le caractère hétéroclite de ses confidences où la figure de la belle Sarah s'impose comme un fil d'Ariane. Devant cette somme érudite, le lecteur est déboussolé, désorienté. Non que l'on s'attendait à un roman linéaire mais tout de même. L'esprit d'Enard navigue entre Istanbul, Damas et Téhéran, revient à Vienne, s'emballe pour Beethoven ou Mahler, s'arrête sur des anecdotes glanées en terre inconnue, évoque des conversations et des aventures où Sarah, toujours Sarah, joue un rôle majeur (ou pas). Maelström inarrêtable ! Boussole enchaîne les scènes dans une cavale effrénée, disserte à l'envi sur l'influence de l'Orient dans les écrits, la peinture ou la musique de l'Occident. Attendez, c'est un roman ou un essai ? Les deux, mon jeune Enard. Les deux. Il y a franchement de quoi finir assommé par cette accumulation savante et historique. Trop d'érudition tue la concentration ? Il est monstrueux, ce livre, et demande des efforts quasi surhumains pour le terminer. C'est de la littérature, là n'est pas la question. Est-elle lisible ? Dans l'ensemble, oui, mais à doses homéopathiques. Touffu, Boussole est comme un repas trop riche en calories. Ce n'est pas qu'on le trouve mauvais, loin de là, il est même très souvent goûteux. Mais l'indigestion guette le convive avec ce repas tellement riche de mots et de références. Désorienté, vraiment ? Rassasié dès les hors d'oeuvre, plutôt, et l'estomac bien lourd au bout du bout du livre, s'il a la patience et l'appétit pour y parvenir.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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critiques presse (9)
LaPresse
30 octobre 2015
Alors que les questions identitaires occupent l'Occident jusqu'à l'obsession et la haine de l'autre, Enard tente de relancer une évidence souvent oubliée: il y a de soi en l'autre, et de l'autre en soi.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaPresse
27 octobre 2015
La trame romanesque est ténue, avec ce narrateur reclus retraçant sa vie et son amour solitaire de la belle intellectuelle Sarah, et l'on jugera ce tour de force brillant ou à l'inverse lourdement indigeste.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaLibreBelgique
20 octobre 2015
Méditation hypnotique sur nos rapports avec l'orientalisme.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
28 septembre 2015
Un roman hanté par les crispations identitaires et la tragédie humaine qui ravage la Syrie. Un auteur hors norme.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeSoir
10 septembre 2015
Une érudite déclaration d'amour à l'Orient.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeFigaro
03 septembre 2015
Une exploration onirique et éblouissante de l'orientalisme. L'une des grandes réussites de cette rentrée littéraire 2015.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
01 septembre 2015
Alors que l'actualité nous en montre le côté obscur, l'écrivain sort sa "Boussole" et réenchante la zone.
Lire la critique sur le site : LePoint
Telerama
19 août 2015
L'épopée d'un musicologue à la poursuite de l'Orient et de son influence sur la création européenne. De quoi perdre le nord avec délice.
Lire la critique sur le site : Telerama
LePoint
07 août 2015
Dans un texte plein de méandres, proche de l'inventaire ivre et scintillant, bodybuildé aux références littéraires, scientifiques, géographiques, qui serait le frère oriental de Zone, le flux de conscience de Franz s'épanche, voyage, regrette, espère.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (241) Voir plus Ajouter une citation
Effectivement, les roumis* se sont approprié le territoire du rêve, ce sont eux qui, après les conteurs arabes classiques, l'exploitent et le parcourent, et tous les voyages sont une confrontation avec ce songe. Il y a même un courant fertile qui se construit SUR ce rêve, sans avoir besoin de voyager, dont le représentant le plus illustre est sans doute Marcel Proust et sa "Recherche du temps perdu", coeur symbolique du roman européen : Proust fait des "Mille et Une Nuits" un de ses modèles - le livre de la nuit, le livre de la lutte contre la mort. Comme Schéhérazade se bat chaque soir, après l'amour, contre la sentence qui pèse sur elle en racontant une histoire au sultan Shahryâr, Marcel Proust prend tous les nuits la plume, beaucoup de nuits, dit-il, "peut-être cent, peut-être mille, pour lutter contre le temps. Plus de deux cents fois au cours de sa "Recherche", Proust fait allusion à l'Orient et aux "Nuits", qu'il connaît dans la traduction de Galland (celle de la chasteté de l'enfance, celle de Combray) et de Mardrus (celle, plus trouble, plus érotique, de l'âge adulte) - il tisse le fil d'or du merveilleux arabe tout au long de son immense roman; Swann entend un violon comme un génie hors d'une lampe, une symphonie révèle "toutes les pierreries des Mille et Une Nuits". Sans l'Orient (ce songe en arabe, en persan et en turc, apatride, qu'on appelle l'Orient) pas de Proust, pas de "Recherche du temps perdu".

*(terme désignant un Européen et signifiant littéralement « Romain »)
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Quelle heure est-il ?
Le réveil est la canne de l'insomniaque, je devrais m'acheter un réveil-mosquée comme ceux de Bilger à Damas, mosquée de Médine ou de Jérusalem, en plastique doré, avec une petite boussole incorporée pour la direction de la prière - voilà la supériorité du musulman sur le chrétien : en Allemagne on vous impose les Evangiles au creux du tiroir de la table de nuit, dans les hôtels musulmans on vous colle une petite boussole contre le bois du lit, boussole et rose des vents qui peuvent servir certes à localiser la péninsule arabique, mais aussi, si le coeur vous en dit, Rome, Vienne ou Moscou : on n'est jamais perdu dans ces contrées.
J'ai même vu des tapis de prière avec une petite boussole intégrée au tissage, tapis qu'on avait immédiatement envie de faire voler, puisqu'ils étaient ainsi préparés pour la navigation aérienne : un jardin dans les nuages, avec, comme le tapis de Salomon da la légende juive, un dais de colombes pour se protéger du soleil - il y aurait beaucoup à écrire sur le tapis volant [...]
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Incipit
Nous sommes deux fumeurs d’opium chacun dans son nuage, sans rien voir au-dehors, seuls, sans nous comprendre jamais nous fumons, visages agonisants dans un miroir, nous sommes une image glacée à laquelle le temps donne l’illusion du mouvement, un cristal de neige glissant sur une pelote de givre dont personne ne perçoit la complexité des enchevêtrements, je suis cette goutte d’eau condensée sur la vitre de mon salon, une perle liquide qui roule et ne sait rien de la vapeur qui l’a engendrée, ni des atomes qui la composent encore mais qui, bientôt, serviront à d’autres molécules, à d’autres corps, aux nuages pesant lourd sur Vienne ce soir : qui sait dans quelle nuque ruissellera cette eau, contre quelle peau, sur quel trottoir, vers quelle rivière, et cette face indistincte sur le verre n’est mienne qu’un instant, une des millions de configurations possibles de l’illusion... p 7
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On s’imagine retourner à Daradek ou à Darband, haut dans les montagnes au nord de la ville (Téhéran), excursion du vendredi, au bord d’un ruisseau à l’écart de la foule, en pleine nature, sous un arbre, avec une jeune femme au foulard gris, au manteau bleu, entourés de coquelicot, fleur du martyre qui aime ces pierriers, ces ravines et y ressème chaque printemps ses graines minuscules — le bruit de l’eau, le vent, le parfum des épices, de charbon, un groupe de jeunes gens proches mais invisibles, en contrebas dans la combe, dont seuls parviennent les rires et les odeurs des repas ; on reste là, à l’ombre épineuse d’un grenadier géant, à jeter des cailloux dans l’eau, à manger des cerises et des prunes confites en espérant, en espérant quoi ? Un chevreuil,un ibex, un lynx, il n’en vient aucun ; personne ne passe à part un vieux derviche à l’étrange chapeau, tout droit sorti du Masnavi de Roumi, qui monte vers on ne sait quels sommets, quels refuges, sa flûte de roseau en bandoulière, son bâton à la main
p 207
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(en Iran) … l’aspect théosophique et mystique était gommé de la religion du pouvoir au profit de la sécheresse du « velayat-e fahiq », « le gouvernement du juriste » (…) le « velayat-e fahiq » avait eu des conséquences gigantesques sur les vocations — le nombre d’aspirants mollahs s’était multiplié par cent, car un magistère temporel permettait de se remplir les poches bien plus aisément (et Dieu sait si elles sont profondes, les poches des mollahs) qu’un sacerdoce spirituel riche en récompenses dans l’au-delà mais assez peu rémunérateur pour ce bas monde : les turbans ont donc fleuri, en Iran, au moins autant que les fonctionnaires dans l’Empire austro-hongrois, c’est dire. A tel point que certains religieux se plaignent aujourd’hui que les clercs soient plus nombreux que les fidèles dans les mosquées, qu’on trouve trop de bergers et de moins en moins de moutons à tondre, à peu près comme il y avait, à la fin de la Vienne impériale, plus de commis que d’administrés. p 257
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Vidéo de Mathias Enard
Grand entretien de clôture avec Mathias Enard - Modération par Zoé Sfez - dimanche 2 octobre 2022, 17h30-18h30 - Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette (Paris-Saclay) Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)
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