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EAN : 9782930390307
394 pages
Tribord (22/05/2010)
4.3/5   32 notes
Résumé :
Cet ouvrage, s'appuyant sur des notes de Marx retrouvées après la mort de celui-ci concernant les travaux de l'anthropologue progressiste américain Morgan, décrit les diverses étapes qui ont conduit de la tribu de l'antiquité à la famille cellulaire (pour ne pas dire carcérale) d'aujourd'hui et à l'asservissement de la femme.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Livre reçu dans le cadre d'une Masse critique de la part des éditions Les Bons Caractères, qui a réédité cette oeuvre en français en 2023, il s'agit d'une étude à forte dimension historique sur la notion de famille et les conséquences de son évolution sur la propriété et l'élaboration de l'État. Avant de parler du fond, je veux tout de même dire un mot de la forme : ce livre est un bel objet, très agréable à manipuler, bien mis en page, sans fautes (c'est de plus en plus rare) et sans appareil critique superflu. le travail de mise à jour est discret, se contentant de rectifier par endroits quelques traductions ou d'expliciter quelques termes et faits historiques. On voit que l'éditeur a fait l'effort d'aller vérifier toutes les sources du texte (même s'il n'y en a pas 36000), c'est sérieux. du côté de cette édition, je n'ai donc qu'un tout petit reproche, qui m'a fait rire, celui de la dernière phrase de la quatrième de couverture, qui affirme que cet ouvrage est essentiel pour tous ceux qui souhaitent « que la société actuelle laisse place à une société socialiste ». Et pour tous les autres, ce n'est pas intéressant alors ? Il faut être déjà acquis aux idées de l'auteur pour en tirer une plus-value ? Donc, plus largement, j'invite tout simplement ceux qui s'intéressent à l'histoire des idées à se plonger dans cet intéressant opuscule. Je suis pour ma part extrêmement réservé sur la pertinence du communisme, on a essayé, ça s'est toujours terminé tragiquement, mais il faut tout de même essayer de comprendre pourquoi tant de monde y a cru et continue d'y croire. Tout ne peut pas être bon à jeter dans une idéologie qui a stimulé des millions de personnes, notamment dans les constats qu'elle formule sur les dysfonctionnements des sociétés modernes.

Maintenant, sur le fond du texte, n'étant pas spécialiste de la question, je vais me contenter de proposer la synthèse de ce que j'ai compris, sans rentrer dans le détail de la démonstration qui est intéressante à lire, ce qui n'est pas synonyme d'adhésion de ma part, évidemment. L'approche adoptée par Engels est une approche historique des structures familiales depuis les débuts de l'humanité. Il s'appuie très largement, entre autres chercheurs aux mérites inégaux à ses yeux, sur les travaux du chercheur américain Lewis Henry Morgan qui a particulièrement étudié le fonctionnement de la société des Iroquois dans la région des Grands Lacs. L'observation des Indiens d'Amérique est en effet cruciale pour avoir un aperçu des structures sociales qui pouvaient régir l'humanité avant la civilisation. A rebours de l'idée reçue selon laquelle le mariage conjugal se serait imposé tout naturellement dès la naissance du principe du mariage, Engels démontre, explique et illustre de façon très convaincante les différents modèles familiaux qui ont existé et continuent parfois à exister dans les peuplades en marge du monde moderne. le mariage conjugal, instauré pour des raisons essentiellement économiques visant à conserver la richesse d'une « gens » (d'une lignée, si l'on veut) en son sein, occasionne le premier genre d'oppression d'humains par d'autres, en l'occurrence, de la femme par l'homme. le progrès technique et l'avènement de la civilisation qui en résulte auraient augmenté la richesse des peuples et leur emprise sur les territoires jusqu'à faire de l'échelle familiale l'unité minimale de détention d'une richesse jusqu'alors collective. Au sein de ces peuples, le principe hiérarchique issu du modèle conjugal est repris pour établir une hiérarchie générale sur le fondement de la richesse et de la naissance, au sommet de laquelle s'impose le principe de l'État, irrigué par la richesse de tous et achetant leur liberté contre la promesse de leur sécurité. Voilà l'argument à très gros traits, le texte rentre évidemment dans des détails beaucoup plus subtils qui servent globalement l'idée d'une continuité historique dont les ressorts, révélés, devraient nous amener à renoncer à certaines constructions maintenues par habitude en dépit du bon sens. le communisme n'est donc pas tellement présenté comme une révolution originale, mais comme un retour aux sources radical sur le modèle des sociétés humaines pré-civilisées, en conservant uniquement le progrès technique comme héritage de l'ère civilisée.

Il s'agit d'un texte plutôt académique, certains passages sont donc assez techniques et retiennent difficilement l'attention, sans pour autant que le vocabulaire employé soit inaccessible. Il faut bien avoir en tête qu'il s'agit d'une démonstration qui se veut scientifique, et non pas d'un plaidoyer politique, et qu'en conséquence, on restera sur sa faim concernant les grandes formules rhétoriques. Il y a bien évidemment un substrat idéologique palpable dans certains arguments où telle exploitation exercée par tel groupe sur tel autre n'est manifestement pas à démontrer, de même que les manoeuvres de tel acteur dans tel contexte historique. Avec notre oeil contemporain habitué à voir des listes de notes de bas de pages sur ce genre de texte, on a assez régulièrement la petite question « Quelles sont vos sources ? » qui nous vient. Quoique la bibliographie d'Engels soit très certainement beaucoup plus massive, on se limite à une dizaine de références choisies sur les recherches antérieures à propos de la famille, sur quelques témoignages en littérature antique, et sur l'ami Marx. de même le texte n'est pas exempt de jugements de valeur parfois impitoyables, voire insultants, pour l'ordre social en vigueur dans les États européens à l'époque, en particulier en Prusse. On pouvait manifestement se permettre beaucoup de choses, inenvisageables aujourd'hui, dans la recherche de l'époque.

Comme je le disais au début, voici un livre de belle présentation qui offre un éclairage important sur ce qui motive le communisme sur un plan historique, mais où il faut parfois s'accrocher pour suivre et ne pas s'attendre à un exposé scientifique au sens contemporain.
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L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat de Friedrich Engels
1ère éditions 1884, cette édition de 1891 est rééditée par Les Bons Caractères en décembre 2023
étude scientifique, 223 pages
livre reçu et lu dans le cadre de masse critique Babelio avec un superbe marque-page (jeunes mineurs)
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Friedrich Engels publia cet ouvrage en 1884, après le décès de Karl Marx, dont il avait été l'ami et l'indéfectible compagnon de combat. Il réalisait un des derniers projets de Marx, en partant de ses notes. Exploitant les études les plus récentes sur les premières sociétés humaines, il y démontre que l'oppression des femmes, les inégalités, l'explication et l'Etat ont une histoire et sont voués à être dépassés.
Co-auteur avec Marx du Manifeste du parti communiste, partenaire de la plupart de ses oeuvres, il applique à cette étude la méthode, la matérialisme historique, qui servit aux deux penseurs et militants, pour étudier et décrire l'évolution des sociétés de classes, et il démonte le processus de leur naissance. le résultat, aussi révolutionnaire que le livre de Darwin sur l'évolution des espèces, a une valeur immense pour qui veut que la société actuelle laisse place à une société socialiste.
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Tout d'abord un mot sur l'objet livre. Les Editions Les Bons Caractères ont produit un beau livre, d'un format pratique et bien imprimé, le texte est lisible et aéré et j'ai apprécié tourner le papier des pages pendant ma lecture. Et joie immense, pas de coquilles ! Ce qui devient rare malheureusement. Les notes en bas de pages sont intéressantes.
Alors pourquoi ai-je été intéressée par la lecture de ce livre? Tout d'abord, le sujet développé dans le titre m'a attirée avant le nom de l'auteur, que j'avoue ne pas connaître plus que ça même si je le situe tout de même. Je me suis dit que c'était l'occasion de m'intéresser à l'idéologie et à la théorie communiste, avant son application funeste au XXe siècle qui fait que je ne suis pas du tout attirée par cette doctrine.
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Engels produit là une étude sérieuse et documentée, et évidemment comme tout travail scientifique les arguments sont présentés de manière à étayer sa propre thèse. Ses sources sont variées et il en cite des passages, en critiquant dans un sens ou un autre. Ce n'est pas juste un essai où tous ses arguments seraient de sa propre imagination. Sa thèse est intéressante et plaisante, elle déstabilise pour le moins car elle va à l'encontre de ce qu'on a pu apprendre, même de nos jours. Mais ça tient la route, c'est ça le truc. J'ai été agréablement surprise de constater que c'est un auteur féministe (mais homophobe semble-t-il). le mot patriarcat ne faisait pas partie du langage courant avant une décennie tout au plus et j'ai été surprise de le rencontrer ici dès les premières pages. Je n'irai pas jusqu'à dire comme il le sous-entend, que les sociétés barbares étaient féministes, ce n'est pas ce qui m'a semblé à la lecture de ses explications. On nous explique plutôt pourquoi les barbares avaient telles habitudes sexuelles; il s'agit avant tout de se reproduire, et pas de déviances ou de vice, d'avoir une descendance et d'éviter la consanguinité, sans au départ le formuler clairement mais l'instinct de la perpétuation de l'espèce humaine a parlé dans l'inconscient des groupes.
Engels nous parle de tribus antérieures aux Grecs, aux Romains et aux Germains pour remonter le temps de manière détaillée jusqu'au IXe siècle, puis de manière plus survolée jusqu'à son époque. Il pose les bases historiques et sociales qui lui permettent ensuite d'amener sa thèse qui dit qu'il faut dépasser l'Etat à présent. Force est de constater que son livre est toujours d'actualité et que son rêve ne s'est pas réalisé.
Il est parfois difficile de suivre les liens de parenté dans une gens / gente mais l'auteur s'applique à être le plus clair et le plus rigoureux possible.
Un bémol: Engels parle d'esclavage, au temps antique mais laisse de côté l'esclavage des Temps modernes, peut-être parce que les esclaves ne sont pas en Europe, là où il développe sa thèse, ce qui n'est pas cohérent avec ses mentions de sociétés hors d'Europe dans le reste de son livre. En termes d'exploitation ne pas parler du commerce triangulaire me semble être plus qu'un raccourci dommageable. J'ai particulièrement aimé les explications sur les tribus indiennes américaines qui donne un éclairage, nouveau, en tous cas pour moi, à ce qu'on peut lire par ailleurs. Ce que propose Engels en conclusion de son ouvrage va au-delà du communisme à mon sens, c'est un stade ultérieur de la société par l'émancipation des exploité.e.s pour un fonctionnement sociétal tout autre que l'actuel, de son époque et de la nôtre.
Je ne regrette pas du tout cette lecture qui m'a donné un angle de lecture différent et éclairé sur la famille actuelle, le cheminement des sociétés pour en arriver là. Lecture marquante, instructive, dérangeante, mobilisatrice.
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Un grand merci à Masse critique de m'avoir permis, grâce à cet envoi, de relire ce livre fondamental de Friedrich Engels, étudié à l'université. Partant des travaux du sociologue suisse Bachoffen, qui fut l'un des premiers à penser à l'existence de sociétés matrilinéaires, voire matriarcales, et ceux de l'anthropologue états-unien, Lewis-Henry Morgan, qui a étudié les moeurs des Iroquois, Engels livre une analyse détaillée et approfondie de l'histoire de la famille. de la famille consanguine à l'origine de l'humanité, basée sur une filiation uniquement maternelle et une organisation économique de type communiste, à la famille conjugale qui instaure la primauté paternelle en même temps qu'apparait la propriété privée et une organisation sociale de type étatique, on navigue à travers l'histoire par le prisme de l'évolution des structures de la famille. Un ouvrage éminemment intéressant à mettre entre toutes les mains car.... non, Engels n'est pas difficile à lire et .... oui il apporte un éclairage des plus pertinents sur ce qu'a été et ce qu'est devenu la famille et permet de contrer la mouvance qui tend à considérer que la famille conjugale, patriarcale, avec un papa et une maman est la norme, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à l'avènement de la propriété privée et la volonté masculine de transmettre des richesses accumulées grâce au système capitaliste.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La division du travail dans la famille avait réglé le partage de la propriété entre l'homme et la femme; il était resté le même et, pourtant, il renversait maintenant les rapports domestiques antérieurs uniquement parce qu'en dehors de la famille la division du travail s'était modifiée. La même cause qui avait assuré à la femme sa suprématie antérieure dans la maison: le fait qu'elle s'adonnait exclusivement aux travaux domestiques, cette même cause assurait maintenant dans la maison la suprématie de l'homme: les travaux ménagers de la femme ne comptaient plus, maintenant, à côté du travail productif de l'homme; celui-ci était tout; ceux-là n'étaient qu'un appoint négligeable. Ici déjà, il apparaît que l'émancipation de la femme, son égalité de condition avec l'homme est et demeure impossible tant que la femme restera exclue du travail social productif et qu'elle devra se borner au travail privé domestique. Pour que l'émancipation de la femme devienne réalisable, il faut d'abord que la femme puisse participer à la production sur une large échelle sociale et que le travail domestique ne l'occupe plus que dans une mesure insignifiante. Et cela n'est devenu possible qu'avec la grande industrie moderne qui non seulement admet sur une grande échelle le travail des femmes, mais aussi le requiert formellement et tend de plus en plus à faire du travail domestique privé une industrie publique. (1884)
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De l'absence d'éthique naît le chaos social.
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