Dan Dare, tome 1

Dan Dare est un personnage de la bande dessinée anglaise, créé en 1950 par Frank Hampson. Son ennemi récurrent de toujours s'appelle le Mekon. Ce tome correspond à une relecture du personnage par Garh Ennis. Il regroupe les 6 numéros publiés initialement par Virgin Comics en 2007/2008.

Comme le montre l'aperçu, Dan Dare (Daniel McGregor Dare) se promène avec ses deux chiens dans une riante campagne anglaise avant de se rendre au pub. Dans une énorme base spatiale, Digby (Albert Fitzwilliam Digby) et Joss (Jocelyn Mabel Peabody) conversent à bord. le premier est un ex-compagnon d'armes de Dare qui remet en cause l'engagement politique de la seconde qui est Secrétaire d'État à l'Intérieur du gouvernement britannique. Dan Dare reçoit la visite du Premier ministre britannique qui lui demande de reprendre du service car les services secrets ont détecté une résurgence d'activité d'une flotte de vaisseaux de Treen, la race extraterrestre dominée par le Mekon.

Garth Ennis est anglais de naissance et de résidence, et il a de nombreuses fois choisi comme personnage principal un anglais. Ennis fait preuve d'une forme de patriotisme, ou au moins de fierté à être anglais assez régulièrement dans ses récits, sans en faire un thème majeur. Il est vraisemblable que l'occasion lui a été offerte de donner son interprétation de Dan Dare, grâce à Richard Branson (ex-patron de Virgin, lui-même fan de Dan Dare). Je ne connaissais ce personnage que de nom, sans avoir jamais rien lu des épisodes originaux (comme dans The Red Moon Mystery). Ennis avait déjà eu l'occasion de ramener un autre personnage emblématique de la culture populaire anglaise en 2006/2007 : Battler Britton.

À ce titre, la scène d'ouverture est magnifique et transporte le lecteur dans un paysage anglais "typique" (exactement comme la scène d'ouverture de Ministry Of Space dessiné par Chris Weston, avec qui Gary Erskine a souvent collaboré). Mais cet esprit anglais ne s'arrête pas à quelques images d'Épinal : Dan Dare représente la quintessence de l'âme anglaise. Ennis fait de ce soldat exceptionnel un modèle de retenue, de sacrifice, de stoïcisme, de dignité, et bien sûr de flegme britannique. Dan Dare incarne les valeurs d'une certaine Angleterre.

Pour ce travail de commande, la tâche d'Ennis s'avère rude. Pour commencer, il n'est pas question qu'il fasse du Ennis. Il ne s'accorde qu'un seul moment vraiment exagéré (une téléportation pas tout à fait assez précise) ; pour le reste il évite les excès qui sont sa marque de fabrique. Ensuite, il respecte les codes spécifiques aux aventures de Dare et là encore le cadre est très rigide. Par exemple, le Mekon est très méchant : il veut conquérir l'univers en commençant par la Terre et il veut se venger de Dare en le torturant lentement jusqu'à sa mort, après l'avoir humilié en public. Il y a le type de science-fiction retenue : les humains ont colonisé le système solaire, ils vivent en cohabitation avec une autre race humanoïde à la peau verte. Les voyages interplanétaires s'effectuent à bord de vaisseaux spatiaux qui ont la capacité de se déplace à vitesse superluminique. D'une certaine manière le récit s'apparente à la de la science-fiction des années 1960, avec un petit soupçon recul qui évoque le ton de Starship Troopers.

Malgré ces figures de style imposées, Garth Ennis déroule un récit qui m'a diverti et dont le suspens a réussi à me conquérir. Mais derrière cette aventure un peu simple, se cache un point de vue personnel sur les valeurs de la vie et les valeurs en politique. Sans emphase, ni exagération, Ennis fait prononcer à Dan Dare une forme de profession de foi dans l'âme britannique. Alors que la forme peut faire craindre un réquisitoire pesant sur les bons et nobles anglais face aux méchants extraterrestres sanguinaires, Ennis suggère un sens du devoir civique mêlé de flegme. Ce discours surprend parfois quand on le rapproche de Valley Forge, Valley Forge qui était antimilitariste. Ici, Dan Dare est un général digne qui mène ses soldats au combat, en toute connaissance de cause quant au prix en vies humaines à payer.

Les quelques pages bonus permettent de se faire une idée du mode de travail de Gary Erskine pour illustrer ce récit. Par exemple pour ces premières pages très anglaises, il a composé des facsimilés de chaque image à base de photos pour ensuite passer aux dessins. Ce mode de travail aboutit à des images qui portent parfaitement l'essence de ces éléments britanniques. Il a également fait un gros travail de recherche sur les histoires de Dan Dare de Frank Hampson pour créer une forme de continuité visuelle avec les origines du personnage. Erskine utilise des traits fins pour dessiner, avec un encrage relativement léger. Cela donne des illustrations proches du réalisme. Il dispose d'un excellent metteur en couleurs (Parasurman A.). Par contre, il semble parfois mal à l'aise pour les expressions des visages avec un recours disproportionné aux yeux écarquillés. Certaines attitudes semblent également un peu figées. Pour le reste, Erskine réalise une vision claire de chaque scène, qu'elle soit consacrée aux dialogues, ou à l'action.

Cette histoire repose donc sur un récit de science-fiction à l'ancienne, avec des dessins solides sans être tape-à-l'oeil. Elle a la particularité de développer une vision d'auteur sur l'âme britannique et l'obligation pour tout à chacun de développer un sens civique et une forme d'identité culturelle.