Après un voyage en wagon de marchandises, gelés et affamés, Karl (14 ans) et Mary (11 ans) descendent du train à Argus, petite bourgade du Dakota du Nord.
Une branche fleurie et un chien bondissant vont sceller immédiatement leurs destins. Mary va filer vers la ville alors que Karl rebrousse chemin et saute à nouveau dans le train.
1932. Mary raconte qu'après le décès de celui qui était leur père (bien que marié à une autre femme que leur mère), le manque de travail en pleine Grande Dépression les plonge dans la misère. Une kermesse organisée aux profits des orphelins les a justement laissés seuls, elle et ses deux frères. La mère a eu l'audace de partir en biplan avec Omar, acrobate de l'air, en les plantant là. le petit frère, nourrisson vagissant, leur est dérobé par un jeune homme triste qui veut remplacer, dans son foyer, le bébé subitement décédé. Pour Karl et Mary, l'unique point de chute sera chez tante Fritzie, à Argus.
Mary, seule, arrivera donc dans la boucherie tenue par sa tante et son oncle et occupera la chambre de leur fille, Sita. Celle-ci nous fera entendre sa voix rageuse contre cette intruse qui doit partager sa commode, ses vêtements et jusqu'à sa copine Celestine.
Car
Louise Erdrich a choisi de nous faire entendre les multiples voix des personnages, complété par un narrateur omniscient, tenant ainsi le lecteur en éveil pour partager les quelques dizaines d'années qui font suite à l'arrivée de Mary dans le Dakota.
Ce nouveau départ, dont la branche brisée symbolisera les cassures produites chez Karl et Mary, ne pouvait démarrer sous de très bons auspices. Mary, prématurément dure, ravale ses larmes, maintient fermement en arrière-plan son chagrin, se ferme à son passé et veut se rendre indispensable dans la boucherie pour y rester durablement. Karl, plus peureux et frêle, laissera libre cours à ses larmes et, après une aventure amoureuse dans le wagon de marchandises, sautera du train en marche et sera recueilli par une colporteuse indienne qui déterminera sûrement son avenir de représentant itinérant et son attitude irresponsable poussée à l'extrême.
Le cruel abandon de leur mère désaxée les fera se fermer à tous sentiments.
Mary, avec son physique quelconque, ses manières brusques, éteindra très tôt toute possibilité de flamme amoureuse et n'offrira aux autres que son caractère amer. Wallace dira d'elle qu'elle est sans pitié.
Les années passant, sa cousine Sita, très superficielle, soignera sa beauté pour trouver le bon parti mais l'aigreur sera la seule chose qu'elle gagnera par son mariage.
Mary triomphe des déboires de Sita et vice-versa. Leur unique motivation semble être de blesser l'autre, une animosité qui englue tous leurs rapports.
Ce manque de sentiments semble rejaillir aussi sur ceux qui les entourent, dont la grande Celestine. Difficile de voir une quelconque amabilité chez les uns et les autres, excepté peut-être chez un certain Wallace qui tente de faire le bien mais, hélas, des calamités résultent bien souvent de ses extravagantes décisions.
Sur les quarante années écoulées, seules quelques situations sont décortiquées. Avec son talent de conteuse indéniable, l'écriture de
Louise Erdrich me happait, m'entraînait, mais, rapidement, je me suis dit que c'était une lecture vraiment bizarre, un peu dérangeante par tous ces personnages dénués d'empathie. J'ai même ressenti un moment l'envie d'en finir au plus vite.
Sans s'y attendre, quelques notes surnaturelles viennent conclure certains évènements de manière presque loufoques à tel point que je devais relire les passages, croyant que j'hallucinais ! Je n'ai d'ailleurs pas bien saisi le sens de ces dérives complètement incongrues dans le quotidien très terre à terre des personnages.
C'est le sentiment d'une lecture plutôt déconcertante qui me reste en terminant ce roman. Pourtant, mes deux précédentes lectures de l'auteure ne m'avaient pas laissé une telle impression.