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EAN : 9782070376001
181 pages
Gallimard (23/10/1984)
3.8/5   687 notes
Résumé :
« Ça suffit d'être une vicieuse, une cachottière, une fille poisseuse et lourde vis-à-vis des copines de classe, légères, libres, pures de leur existence... Fallait encore que je me mette à mépriser mes parents. Tous les péchés, tous les vices. Personne ne pense mal de son père ou de sa mère. Il n'y a que moi. »
Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale, par l'auteur de La place.
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Critiques, Analyses et Avis (80) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 687 notes
Les armoires vides c'est l'histoire d'une déchirure sociale ; d'une fille coincée entre deux mondes, celui de ses parents : prolos, travailleurs, peu instruits qui gagnent leur vie en transpirant et celui des bourgeois : éduqués, ayant accès à la culture et qui gagnent leur vie en costumes cravates ou tailleurs. C'est une écriture brute, jetée sur le papier avec violence. Dépourvue d'une quelconque auto-censure. Des phrases vives, nerveuses, comme écrites dans l'urgence, de peur de changer d'avis peut-être, de reculer devant tant de vérité.

Mais sous l'apparence d'une écriture impulsive c'est un texte travaillé, des mots pesés, choisis que nous offre Annie Ernaux. Passer de l'argot, au langage soutenu, d'un monde à l'autre, d'un extrême à l'autre sans perdre le lecteur, sans que ce soit fouillis. Rien n'est laissé au hasard.
C'est un texte court, violent par sa franchise et la mise à nue de l'auteur. Sans mièvrerie ni apitoiement, sans fierté ou fausse modestie, ce texte est un état des lieux. le monde est comme ça. C'est rageant, c'est injuste et comment trouver sa place ?

Il y a beaucoup de contradictions dans ces lignes, beaucoup d'oppositions. Il y a un grand décalage entre ce que ces parents aimants et dévoués mériteraient en retour des sacrifices faits pour élever leur fille et entre ce que cette enfant est capable de leur donner. Ce décalage entraîne une grande culpabilité, de laquelle découle une grande colère. Violence de la société qui conduit à la violence des sentiments. D'où l'urgence de quitter ce carcan. La porte de sortie c'est l'instruction, la fac, les livres pour enfin être libre de choisir son monde ou finalement n'en choisir aucun. Qui sait ?

Une atmosphère dense, servie par une écriture nerveuse, pour un roman qui se lit d'une traite.

Quand j'ai écrit les lignes qui précèdent il y a 3 ans je ne connaissais ni l'autrice ni son oeuvre. Après avoir écouté l'autrice parlé à plusieurs reprises je suis amère d'avoir naïvement pensé que Les armoires vides avait été écrit par une jeune femme en quête de soit qui culpabilisait d'avoir honte de ces parents et de ses origines. Je m'étais dit qu'elle avait grandie et trouvé sa place. Ses propos récents et plus anciens m'ont choqués. Elle est juste contente d'être sortie de sa condition initiale et depuis elle regarde tous ceux qui y sont encore de haut. Moi même transfuge de classe cette attitude me donne la nausée. J'ai lu ce livre à travers le prisme de ce que je suis et j'ai naïvement été bernée, je maintiens mes propos, c'est mon ressenti de l'époque mais aujourd'hui si mo avis n'a pas changé quant à la qualité de la plume je serais certainement moins enthousiaste sur le fond.
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De l'ascension sociale au temps des faiseuses d'ange.

"Les armoires vides" c'est le récit de la honte du milieu social dans lequel on est élevé. C'est le récit violent des souvenirs d'enfance, dans le café-épicerie familial. C'est l'envie de sortir de là, c'est l'éducation (la réussite scolaire) qui doit permettre de sortir de là.

Denise Lesur, jeune étudiante, est en train de subir un avortement clandestin dans sa chambre d'étudiante. Lui reviennent alors à l'esprit tous les souvenirs de son enfance, de ses rapports avec ses parents, de la haine qu'ils lui inspirent.

Dans un style très vif, utilisant des mots durs, Annie Ernaux nous livre ici un premier roman remarquable. le regard qu'elle pose sur la société de cette époque,au confins des années 50, est très intéressant. C'est la méritocratie française qui est disséquée, la réussite sociale par les études, la découverte de la culture littéraire et musicale, l'espoir d'une vie meilleure.

C'est une lecture émouvante, un impressionnisme social et psychologique redoutable.
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Je garde de ce livre un souvenir poisseux.
Ce livre colle, ce livre coule, il tache, il moisit, il pourrit.
L'écriture d'Annie Ernaux - et en particulier dans ce roman - est très matérielle, terrestre. Ces passages coulants sont souvent liés à la condition sociale de l'héroïne, Denise. En effet, cette dernière est la fille de petits commerçants, d'ouvriers incultes et modestes, mais grâce à ses excellents résultats scolaires, elle entrera à l'école privée, décrochera son bac, entrera à l'université.
Denise est à cheval entre deux mondes, le monde poisseux de son enfance où l'on mange avec les doigts et où l'on fait pipi au fond de la cour, et le monde éthéré des bourgeois, dont il lui a fallu apprendre les codes. Ce roman, c'est un roman de déchirure entre ce que l'on était, ce que l'on est, ce que l'on voudrait être et tout ce qu'il y a entre ces catégories.
Une de mes lectures les plus intéressantes de ces deux dernières années, en dépit de la prose dense et saccadée qui vous laisse une boule dans le ventre.
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Est-ce une fiction ou bien l'enfance et l'ascension d'Annie Ernaux se cachent-ils encore derrière cette Denise surdouée qui finit par écraser de son mépris ses parents, les gens du quartier, ses copines qui n'ont pas eu la chance ou les facultés de grimper l'ascenseur tout beau, tout propre ?


Une histoire violente.

J'ai mal à mes grands-parents, à mes parents. À leur patois, leur gallo, leurs gestes rudes, à leur façon d'être qui collait à ce qu'ils avaient traversé d'épreuves et de joies parfois. Plus je vieillis, plus je les aime. Ils n'étaient pas comme il faut, ils ont fait comme ils étaient, comme ils pouvaient. Ils étaient richement pauvres.


J'ai mal "à moi", car même si je lis beaucoup, si j'ouvre les bras vers d'autres univers, d'autres pensées, je ne serais jamais cultivée comme on peut l'être lorsque l'on tombe dans cette confiture à la naissance. Mes mots et mes gestes auront toujours la couleur de mon enfance, de mes ancêtres. Parfaitement maladroits, authentiquement gauches, sans trop de peintures, d'élégance classique. Et tant mieux.


Lorsque je grimpe dans mon arbre généalogique, récoltant les trésors de tous ces laboureurs bretons jusqu'au 16ᵉ siècle au moins, je les imagine bons, courageux, sauvages, rudes. En habits rapiécés, délavés. Durs à la tâche, beuglant des mots pour avancer encore, charruant peines et joies dans le même sillon.

La plupart signent d'une croix et j'en suis fière. Peu m'importe les branches qui semblent s'élever vers des couronnes ou autres gloires illustres. Je préfèrerais voir pointer un marin venu d'une contrée lointaine apportant avec lui le sel de ses aventures, ses yeux bleus ou son teint mat.


Tous, ils m'ont construit, m'ont enrichi. Ils n'étaient pas naïfs et cons comme le ressent la Denise/Annie Ernaux de ce roman. Ils savaient la terre et le ciel, ils savaient lire le monde à leur portée ; leur alphabet était les nuages, la pluie, le vent, l'intuition.

Ils étaient pour certains des acteurs de leur époque au moment de la révolution. Sans eux, sans leurs connaissances, leurs mains rudes et sales, leurs mots terreux, leurs mots qui sortaient des entrailles, qui collaient à leurs peaux salées, leurs dos courbés de labeur, leur sang dans les batailles, les rois et les belles dames de la cour seraient tous crevés à force de danser le ventre vide, de se traîner au théâtre sans plus de souffle pour rire des bons mots pesés avec une petite cuillère d'argent.


Si cette fiction ne calquait pas autant aux romans autobiographiques d'Annie Ernaux écrits par la suite, j'aurais pu me détacher de la violence, de la haine, de l'ingratitude de Denise. J'aurais pu me dire que Denise avec la maturité changerait son regard sur ses parents aimants, bien qu'incultes et vulgaires. Des parents maladroits, des parents qui ont peur. Comme tous les parents, quelles que soient leurs conditions sociales.

J'aurais pu apprécier ce roman malgré le déluge, l'avalanche de coups qui n'en finissent pas à longueur de pages de s'abattre sur les siens. À force, on n'entend plus rien, ça déborde, c'est écoeurant, ça colle à la marmite.

Je comprends son message, je comprends l'envie de s'élever, de voir plus loin que le bord d'une rue sans issue, d'un toit sans ciel, d'un bout de champ barbelé. Je comprends qu'en grandissant l'enfant craquèle le vernis dont il avait recouvert ses parents. La difficulté de trouver sa place entre deux univers. Je comprends le poids de la réussite qui pèse sur les épaules, l'attente insupportable des parents dont le sacrifice est grand. La difficulté de communiquer lorsque l'écart se creuse.

L'éducation est une arme indispensable pour voguer mieux et plus loin.
Mais, si on oublie d'où on vient, si on écrase ses racines, si on se renie, on crève de n'être plus personne. On bouche l'horizon. On se salit, on s'aveugle.


En haut de l'ascenseur, les gens sont-ils plus propres ?

Bah nan ! On le voit, on le comprend tous les jours, pas besoin de lunettes ni de dictionnaire.

Chaque barreau, chaque échelon de la société possède ses valeurs, ses richesses. Ils forment la même échelle. du haut de l'échelle, on ne voit pas mieux les étoiles qu'au ras du sol.


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Poursuivant mon projet d'intégrale Annie Ernaux, je reprends l'oeuvre au début avec Les Armoires vides. Et une chose me frappe instantanément.

Comment ses détracteurs peuvent-ils la cantonner à cette écriture qu'elle a elle-même définie comme neutre et plate, en lisant la violence extrême, la puissance, la douleur et le désespoir qui s'expriment dans ces premières pages d'abandon au moment d'une des pires épreuves intimes ?

« Je ne me doutais de rien quand je montrais mon quat'sous à la glace de la cave à vin, chaude de regards imaginaires. Cracher, vomir pour oublier. La vie crevée au-dedans de moi, de mon ventre. »

Un moment de rupture à l'image du reste de ce premier roman qui, à l'exception d'une Annie Duchesne rebaptisée Denis Lesur (« Ninise »), débute le récit de vie de celle qui passa du café de la rue Clopart aux ors dorés des salons Nobel de Stockholm.

Car comment comprendre Annie Ernaux sans intégrer ce dilemme qui fut longtemps le sien au moment de « choisir son monde », tentant d'abandonner le « subi » de son enfance pour le « choisi » de son avenir.

Un premier monde originel marqué par les stigmates sociaux du quotidien qui séparent les êtres et même les enfants. Javel, épicerie, sanitaires, vêtements… Et aussi le langage, passeport interchangeable et indispensable pour envisager de franchir les frontières sociales.

S'affranchir de la honte, de l'humiliation de ce que l'on est, de là d'où l'on vient. Mais encore faut-il « tuer » ses parents, symboles faciles d'une vie à fuir.

« Quand ai-je eu une trouille folle de leur ressembler, à mes parents… Pas en un jour, pas une grande déchirure (…) Il a fallu des années avant de gueuler en me regardant dans la glace, que je ne peux plus les voir, qu'ils m'ont loupée… »

Et pourtant, ça n'est pas si simple : « Je fondais… papa, maman, les seuls qui s'intéressent vraiment à moi, je n'ai qu'eux. » puis « Ne pas pouvoir aimer ses parents, ne pas savoir pourquoi, c'est intenable. »

Le salut passera par les livres et ces étés à se saouler de littérature à défaut de partir ; à lire Kafka et Camus plutôt que Bonnes soirées, Confidences ou Paris-Normandie qui trainent à la maison. Pour s'assimiler à ces filles du privé, puis plus tard du Métropole ou de la fac, devenues rivales symboliques.

« C'est comme ça que j'ai commencé à vouloir réussir, contre les filles, toutes les autres filles, les crâneuses, les chochotes, les gnansgnans (…) Ne pas être différente. Pour les baiser toutes. »

Et enfin l'ultime étape des garçons comme dernière barrière de liberté à franchir, quitte à ce que cette étape devienne épreuve.

Alors oui, au risque d'enfoncer une porte ouverte, il faut sans doute lire l'oeuvre d'Ernaux dans son ensemble pour tenter d'en comprendre la portée, le message et les apports d'un parcours assumé dans son entièreté.

Brique après brique, lecture après lecture, l'oeuvre n'en finit pas de faire sens.
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critiques presse (2)
Culturebox
07 octobre 2022
Court et percutant, le livre raconte avec détail cet avortement ressenti comme un échec, une forme d'humiliation.
Lire la critique sur le site : Culturebox
SudOuestPresse
07 octobre 2022
Court et percutant, il raconte, avec détail, cet avortement ressenti comme un échec, une forme d’humiliation.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (103) Voir plus Ajouter une citation
Il n'était pas possible que ma vie, rue Clopart, ne soit pas l'envers d'une autre, une épreuve infligée par des puissances mystérieuses, pas par le dieu de la messe, entouré de ses statues trop connues et qui ne parle que du péché, du ciel et de l'enfer. Les livres, eux, ne me reprochent rien, la vie claire et transparente de mes héroïnes ne me ramène pas à mes vols de nougat dans la boutique odorante, aux jupes soulevées devant la glace, aux moqueries lancées à quelque vieux soûlot. Ils dessinent au contraire les contours flous d'une Denise Lesur telle que je la voudrais, telle que je la vivais dans ma tête quand tout était calme.
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ça s'est mis à grandir ce sentiment bizarre, n'être bien nulle part, sauf devant un devoir, une composition, un livre dans un coin de la cour (...) Je commençais à ne rien voir. à ignorer. La boutique, le café, les clients, et même mes parents. Je ne suis pas là, je suis dans mes devoirs, comme ils disent, dans mes livres, 't'as pas mal à la tête, à la fin ?' Je parle de moins en moins, ça m'agace (...) foncer tête baissée dans les études, la littérature, surtout la littérature, pour flotter au-dessus de tout le monde, les emmerder. La vraie supériorité. Pour jouir aussi.
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Je n'ai jamais pensé que les différences puissent venir de l'argent, je croyais que c'était inné, la propreté ou la crasse, le goût des belles affaires ou le laisser-aller. Les soulographies, les boîtes de corned-beef, le papier journal accroché au clou près de la tinette, je croyais qu'ils avaient choisi, qu'ils étaient heureux Il faut des tas de réflexions, des lectures, des cours, pour ne pas penser comme ça, surtout quand on est gamine, que tout est installé.

" On n'est pas des ouvriers, nous, avait, on est partis de rien ! " Je les croyais à part. C'est venu, la découverte. Ils bafouillent tous les deux, devant les types importants, le notaire, l'oculiste, lamentable. si on leur parle de haut, c'est la fin, ils ne disent plus rien. Ils ne connaissent pas les usages, les politesses, ...
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"Vous aurez des contractions." Depuis hier j'attends, lovée autour de mon ventre, à guetter les signes. Qu'est-ce que c'est au juste. Je sais seulement que ça meurt petit à petit, ça s'éteint, ça se noie dans les poches gorgées de sang, d'humeurs filantes... Et que ça part. C'est tout. La tête à plat dans l'odeur de la couverture, le soleil qui me cuit des genoux à la taille, une marée tiède à l'intérieur, pas la moindre crispation en surface, tout se passe dans les plis et les replis à des kilomètres.
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On ne parle jamais de ça, de la honte, des humiliations, on les oublie pas les phrases perfides en plein dans la gueule, surtout quand on est gosse.
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Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
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