Il est toujours assez difficile de lire de la tragédie grecque sans une connaissance préalable des récits fondateurs de cette culture qui déjà, en elle-même, est assez complexe.
Les dieux y ont une part importante, les liens du sang également, le sens de l'honneur et le patriarcat y sont légion comme dans tout le bassin méditerranéen.
Dans le cas d'
Andromaque, c'est bien évidemment de la Guerre de Troie qu'il faut avoir quelques notions. Savoir qu'Achille, le Grec, a tué Hector, le Troyen, époux d'
Andromaque. Lequel Achille s'est fait dégommer le talon par Pâris, le frangin d'Hector, celui-là même qui a dérobé (sans trop de résistance)
Hélène, engendrant la fameuse riposte guerrière.
En fin de compte, après dix ans de guerre et Troie dévastée,
Andromaque est enlevée, en qualité tant de butin que d'esclave, et se trouve attribuée au fils d'Achille, Néoptolème. Contrainte et forcée au lit du fils du meurtrier de son mari (oui, je sais, cela devient un peu alambiqué, mais j'ai pourtant fait au plus simple), elle lui donne un fils.
Nonobstant, Néoptolème, non content de cette seule épouse-esclave, se marie en noces légitimes avec Hermione, c'est-à-dire la fille de la fautive
Hélène. le problème, ce coup-ci, c'est qu'Hermione n'arrive pas à avoir d'enfant de son légitime époux et commence à nourrir une rancoeur à l'endroit de sa rivale troyenne,
Andromaque.
Et donc, ni une ni deux, la solution pour elle, c'est de trucider la concurrente et le petiot, histoire de faire place nette. Je vous passe quelques péripéties, entre autre que Néoptolème est parti en voyage, qu'
Oreste, au reste, traîne dans les parages, que Pélée, le vieux grand-père, père d'Achille, ne s'en laissera pas compter, qu'Hermione peut momentanément s'appuyer sur son père, le roi Ménélas, le vainqueur de la guerre de Troie, etc., etc.
Bon, c'est vrai, c'est assez intriqué et même, on se demande si
Andromaque est véritablement l'héroïne de cette tragédie tant les satellites qui gravitent autour d'elle semble souvent plus importants et plus influents.
Quel est le thème de cette pièce ? C'est toujours délicat à dire si l'on n'est pas expert du monde hellénistique, ce qui est mon cas.
Pour ma part, je resitue cette oeuvre dans le contexte de la guerre naissante du Péloponnèse que nous a si bien raconté
Thucydide, à savoir qu'ici, un conflit est en train de naître de rien entre la Phtie de Pélée et la Laconie de Ménélas pour une simple histoire de jalousie entre deux femmes, risquant de susciter une guerre et le cortège de morts qui s'ensuivra, un peu à la façon de la guerre légendaire de Troie. Voilà pour le premier axe.
Le second axe me semble être l'injustice avec laquelle les dieux nous traitent et nous infligent des souffrances imméritées. La seule consolation que nous propose
Euripide serait que, même s'ils sont vaches, les dieux ont cette forme d'impartialité qui consiste à être durs avec tout le monde. En somme, que quelle que soit notre condition, notre destin n'est jamais vraiment tendre.
Somme toute, une pièce un peu tarabiscotée mais intéressante selon moi d'un point de vue historique et ethnographique. Cependant, tout ceci n'est qu'un recueil d'interprétations qui me sont miennes, donc bien loin d'être une vérité avérée, autant dire, pas grand-chose.