210
Entrée de Penthée ,suivi de gardes ,
PENTHÉE
J'étais par hasard absent de ce pays : j'apprends qu'il y a d'étranges malheurs en cette cité, que nos femmes ont quitté leurs maisons sous le prétexte de Bacchanales, qu'elles courent par les montagnes ombreuses, honorant par des chœurs la nouvelle divinité, un certain Dionysos, dit-on; que pleins de vin, au milieu des thiases, sont placés des cratères; que chacune de son côté elles se tapissent dans la solitude pour s'asservir aux étreintes des mâles, sous prétexte qu'elles sont des Ménades chargées des sacrifices. Mais elles préfèrent Aphrodite à Bacchos. Toutes celles que j'ai prises, on leur a lié les mains et des serviteurs les gardent dans les édifices publics . Toutes celles qui ont échappé, je les pourchasserai et les ramènerai de la montagne, < Inô, Agavé, qui m'a donné à Échion, et la mère d'Actéon, Autonoé > ; je les attacherai avec des chaînes de fer; je mettrai bientôt fin à leurs criminelles Bacchanales ! On dit qu'il est arrivé un étranger (.un charlatan, un enchanteur, du pays de Lydie, avec des boucles blondes, une chevelure parfumée, et qu'il a dans ses yeux noirs les grâces d'Aphrodite; que jour et nuit il vit avec elles, prétendant qu'il initie aux mystères bachiques les jeunes femmes. Si je le surprends à l'intérieur de ce palais, il cessera, je le garantis, de frapper la terre avec son thyrse et de secouer sa chevelure : je lui séparerai la tête du corps .Il déclare que Dionysos est dieu, qu'il a été cousu autrefois dans la cuisse de Zeus et qu'il a été embrasé des feux de la foudre avec sa mère qui se vantait faussement de s'être unie à Zeus. Ces crimes ne méritent-ils pas la pendaison ? < Nous outrager ainsi, un étranger, quel qu'il soit d'ailleurs! > Mais quel est cet autre prodige ? Le devin Tirésias dans la peau de faon tachetée!... et le père de ma mère! Quelle dérision! Avec une férule, il célèbre Bacchos! (A Cadmos.) Je rougis de honte, père, de voir votre vieillesse à tous les deux perdre ainsi la raison. Ne vas-tu pas jeter ce lierre ? Débarrasse ta main de ce thyrse, père de ma mère. (A Tirésias.) C'est toi qui l'as entraîné, Tirésias. Tu veux évidemment, en introduisant cette nouvelle divinité chez les hommes, te procurer de nouveaux bénéfices à observer le vol des oiseaux et les entrailles des victimes si ta vieillesse chenue ne te défendait pas, tu serais étendu, chargé de chaînes, au milieu des Bacchantes, pour introduire des mystères infâmes. Quand les femmes assistent à un festin où rit le jus de la vigne, je dis qu'il n'y a plus rien de sain dans ces orgies.
Les bacchantes .
Par Chloé Delaume accompagnée de Benoist Esté Bouvot
Chloé Delaume poursuit son exploration des grandes figures mythologiques féminines en se penchant cette fois sur celle de Médée. Elle revisite ce personnage de la mythologie afin d'en convoquer toute la puissance pour faire écho aux problématiques féministes contemporaines. Médée, magicienne, amoureuse, dont le nom semble depuis toujours synonyme d'infanticide. Pourtant, celle, sans qui Jason ne serait rien, n'a pas toujours été la meurtrière de ses enfants : avant Euripide, Médée commet bien des crimes, mais pas celui-là. Ce soir elle raconte son histoire et interroge la véritable nature de sa culpabilité, elle qui durant tant de siècles ne fut écrite que par des hommes.
Dans le cadre du colloque international « Chloé Delaume : une oeuvre intermédiale » et de la résidence Lilith & Cie.
« le souci quand on est personnage de fiction, c'est qu'un tas de gens, sans cesse, vient vous écrire dessus. On se voit transformé sans le moindre recours. Quelqu'un m'a noirci l'âme, depuis je fais avec. »
Chloé Delaume, « Médée avant Médée »
À lire – Chloé Delaume, Pauvre folle, Seuil, 2023.
Son : François Turpin
Lumière : Iris Feix
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Claire Jarlan
+ Lire la suite