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EAN : 9782266012362
Pocket (07/01/1997)
4.06/5   26 notes
Résumé :
Mondialement célèbre, Evtouchenko est sûrement le plus grand poète russe de sa génération, celle qui s'est Imposée lors du fameux "dégel" littéraire des années soixante. On se rappelle d'ailleurs son passage en France, à cette époque. Evtouchenko nous donne aujourd'hui un livre exceptionnel, une fresque large et magnifique qui renoue, à sa manière, avec la tradition du grand roman russe. " C'est, dit-il, le plus important de mes livres. J'ai voulu écrire un roman to... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Evtouchenko fut un très grand poète, il est né à Zima dans l'oblast d'Irkoutsk, dans cette chronique de Russie nous parcourons la Sibérie, sa terre natale.
D'habitude, Sibérie rime avec Goulag et rigueur climatique extrême, ici il souffle un vent de liberté et de « fraîcheur » et même de légèreté qui a le goût des baies sauvages.
Dans ces récits étonnants qui signent bien les années dégel, Evtouchenko brosse différents portraits et nous livre de très beaux récits poétiques sur la beauté de la nature sibérienne. Dans les années 60, rappelons qu'il fut un fervent défenseur de le liberté, il est notamment l'auteur des « héritiers de Staline » poème antistalinien.
J'ai aimé découvrir ce poète et je vous y invite.
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Babi Yar
Yevgeny Yevtushenko

À Babi Yar aucun monument.
Un ravin, pour grossière pierre tombale.
J'ai peur.
Aujourd'hui je suis aussi vieux d'années
que tout le peuple juif.
Maintenant je crois être
un Juif.
Et je me traîne dans l'Égypte ancienne;
et je meurs crucifié, sur la croix ,
et à ce jour j'ai encore les cicatrices des clous.
Je crois être
Dreyfus.
Le Philistin
est le dénonciateur et le juge.
Je suis derrière les barreaux.
Agressé de,tous côtés.
Harcelé,
on me crache dessus,
on me calomnie.
Avec des hurlements stridents,
les dames en dentelles de Bruxelles
me collent leurs ombrelles en pleine figure.
Et je suis alors
un gamin de Bialystok.
Le sang coule, dégoulinant sur les planchers.
Les bagarreurs de bar,
puant la mauvaise vodka et l'oignon.
Un coup de botte me jette à terre.
Et je supplie les brutes du pogrom, en vain.
Pendant qu'ils hurlent,
'Sauvons la Russie, tuons les Youpins!',
un boutiquier rosse ma mère.
O ! mon peuple russe !
Je sais,
tu
es international jusqu'au fond de toi.
Mais les hommes aux mains sales
ont souvent fait de ton nom un jingle.
Je sais la bonté de mon peuple!
Comme ces vils antisémites sans un instant d'hésitation
s'appellent pompeusement
L'union du peuple Russe!
Je me crois
Anne Franck,
Transparente
comme une branche en Avril.
Et J'aime.
Nul besoin de phrases.
J'ai seulement besoin
que nous nous regardions.
Comme nous voyons et ressentons
si peu!
On nous interdit les feuilles,
on nous interdit le ciel.
Pourtant nous pouvons faire tant,
tendrement
s'embrasser dans l'obscurité d'une pièce.
Ils viennent ici?
N'ayez pas peur.
C'est seulement les bruits du printemps
le printemps qui arrive...
Venez vers moi.
Vite, donnez-moi vos lèvres.
Est-ce qu'ils cassent la porte?
Non, c'est la glace qui se brise...
C'est l'herbe sauvage qui bruisse sur Babi Yar.
Les arbres ressemblent à de mauvais augures,
comme des juges.

Tout ici hurle en silence,
Tête nue,
lentement, je me sens
devenir gris.
Et moi, moi-même
je suis un hurlement immense et silencieux
au-dessus des milliers de milliers morts ici.
Je suis moi-même
chacun de ces enfants,
tués ici.
Je suis moi-même
chacun de ces vieillards
tués ici.
Rien en moi
n'oubliera jamais!
Je veux que l'Internationale gronde
quand le dernier antisémite sur terre
sera enterré à jamais!
Dans mon sang, il n'y a pas de sang juif.
Les antisémites, dans leur haine obtuse
doivent me haïr comme un Juif.
C'est pourquoi
je suis un vrai Russe.

Traduit par Mermed 17-18 Septembre 2017


Les 29 et 30 septembre 1941, à Kiev, 33000 juifs de tous âges et des deux sexes sont tués au lieu-dit Babi Yar (le ravin de la vieille femme en russe). Et ce fut l'un des pires massacres de la Seconde Guerre mondiale.
Les Allemands, qui ont occupé Kiev le 19 septembre 1941, avaient alors diffusé des affiches en ukrainien ordonnant 'à tous les juifs' de 'se rassembler le 29 septembre vers 8 heures du matin au croisement des rues Melnik et Dokterivska' avec leurs papiers d'identité, de l'argent et des vêtements chauds. 'Celui qui désobéira à cet ordre sera fusillé', prévenait le texte, perçu à Kiev comme l'annonce d'une déportation.
Des dizaines de milliers de personnes venues avec leurs affaires, pour l'essentiel des vieillards, femmes et enfants, ont alors été sauvagement éliminées à la mitrailleuse au bord du ravin.

Le site de Babi Yar a été jusqu'en 1943 le théâtre d'exécutions massives : jusqu'à 100.000 personnes y ont été tuées, parmi lesquelles des Juifs, des Tziganes, des combattants de la résistance et des prisonniers de guerre soviétiques.
Le carnage des 29 et 30 septembre 1941 a été révélé lors des grands procès de Nuremberg, mais l'URSS, dont l'Ukraine faisait partie, a toujours cherché à minimiser le drame pour ne pas avoir à admettre que les victimes étaient juives. Pendant des décennies, les rassemblements de commémoration furent interdits dans le ravin.
Un monument construit à Babi Yar en 1976 est consacré aux 'citoyens et prisonniers de guerre soviétiques', sans aucune mention des victimes juives. En 1991, un mois après la chute de l'URSS, la communauté juive érigea non loin de là une sculpture en forme de menorah, le chandelier juif à sept branches.


effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Amateur impénitent de pigeons, l'oncle du futur astronaute était aussi un impénitent coureur de jupons. Lui-même racontait qu'il avait failli un jour le payer de sa vie. Peu avant la fin de la guerre, il se trouvait cantonné chez une veuve de guerre allemande, une belle blonde dont il reconnaissait qu'il n'avait pas dédaigné les charmes. Seulement la veuve, qui ne cessait de pleurer son mari tué à Stalingrad, avait une petite manie : elle avait demandé à l'oncle de revêtir tous les soirs pour le diner la tenue de sous-officier de son cher et inoubliable Hans. L'oncle était un artiste dans l'âme. Compatissant à la douleur de sa sentimentale dulcinée, il ne refusait pas le soir de revêtir, tout en s'amusant intérieurement de la situation, la tenue du cher disparu. L'oncle était chauffeur et sa Willis servait aux déplacements de l'état-major. Or voici qu'un beau soir ces messieurs eurent besoin de lui pour un déplacement urgent et se précipitèrent chez lui sans prévenir, ni même frapper à la porte. Ils tombèrent en pleine idylle familiale, surprenant attablés la belle inconsolable, écarlate d'avoir bu trop de kirsch, et l'adjudant allemand en grand uniforme. Ils s'emparèrent aussitôt de leurs pistolets et l'affaire faillit bien mal tourner pour l'oncle qui ne s'en tira que grâce à son érudition proprement encyclopédique en expressions grossières russes, qu'un membre de la Wehrmacht ne pouvait de toute évidence pas connaître en si grande quantité.
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- Dans le groupe de touristes avec lesquels je suis allé à Paris, poursuivait l'inconnu, il y avait une artiste peintre. C'était la première fois que j'allais à l'étranger, tandis qu'elle, qui n'était plus toute jeune même si elle avait beaucoup de charme (et il sourit à ce souvenir), elle se débrouillait pour obtenir chaque année une autorisation pour visiter un pays africain ou autre. L'Afrique était sa passion et, partout où elle allait, elle ne cessait de peindre. De tels voyages coûtent de grosses sommes : nous autres, géologues, ne pourrions pas nous en payer chaque année. Aussi pensais-je que cette artiste était très riche. Lorsqu'elle m'invita chez elle, à Moscou, je m'attendais à trouver un appartement magnifique et je ne vis que des chaises de bureau du modèle le plus ordinaire , une table et un petit lit en fer. Par contre tous les murs étaient ornés de ses souvenirs : ses tableaux et divers bibelots par elle rapportés. Lorsque nous eûmes bu, elle me dit : "La seule banque où l'on puisse déposer ses économies, c'est la banque des souvenirs. C'est la seule qui ne fera jamais faillite." Cette femme avait raison. On peut ôter ses habits à un homme et le jeter tout nu dans un cachot humide, mais personne ne lui ôtera jamais ses souvenirs. Moi non plus, je n'ai jamais amassé au cours de ma vie errante, mais, tel un chevalier avare (1), je monte la garde auprès de mes souvenirs.

(1) Le Chevalier avare, une étude dramatique en un acte de Pouchkine.
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L'astronaute pensa que s'il avait la possibilité, comme dans le livre de Fiodorov, de ressusciter ne fût-ce qu'un homme parmi les morts, il choisirait Pouchkine. Bien sûr, cela entraînerait un certain nombre de conséquences cocasses. Pouchkine parlant à la télévision ? Pouchkine à un match de hockey ? Pouchkine faisant la queue à la station-service TO-1 et s'efforçant de capter de ses yeux suppliants le regard arrogant du gérant pour fourrer dans sa main poilue ses clefs de voiture, avec dix roubles de bakchich ?.... Sur bien des plans, Pouchkine serait perdu, naïf comme un enfant et plus ignorant que le moindre écolier. Même une locomotive l'étonnerait, sans parler naturellement d'un avion ou d'un vaisseau spatial. Et pourtant Pouchkine est supérieur à n'importe quel ingénieur cybernéticien. Cela signifierait donc que le progrès technique et le progrès de l'âme sont des choses différentes ? Qu'il ne suffit pas d'un type de connaissance pour améliorer l'homme ?
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Le responsable kolkhozien chargé du ramassage et du stockage des baies était un homme que l'on eût dit fait d'éléments rapportés : une tête minuscule avec de petits yeux onctueux, mais conscients de leur propre dignité, sous un bonnet carré à l'ouzbèke, en tissu brodé noir argenté, le tout émergeant d'un long cou maigre surmontant, par ce qui ne pouvait être qu'une erreur de la nature, un corps massif ondulant comme de la pâte à tarte qu'il avait fait entrer avec les pires difficultés dans un veston de toile roussie, plein de taches, aux poches gonflées de factures. Sous la bedaine venaient des pattes étonnamment courtes, mais solidement accrochées et enfermées dans un pantalon bouffant de milicien. Par contre celui-ci ne s'insérait pas, comme aurait pu s'y attendre, dans des bottes d'allure martiale et les cordonnets qui auraient dû tirer le pantalon vers le bas se balançaient d'un air gaillard à la limite du cou-de-pied et des sandalettes beiges que son gros corps martyrisait. Tout cela réuni composait la personne de Tikhon Tikhonovitch Touguigkh, le responsable pour les baies de la coopérative kolkhozienne de l'arrondissement de Zima, la Station Hiver.
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Tourné vers le hublot de son vaisseau spatial, le visage de l'astronaute était fatigué, prématurément vieilli, mais plein d'une curiosité enfantine des plus vives. Jamais auparavant il n'était allé à l'étranger et voila que soudain son regard embrassait tous les pays à la fois. Les frontières avaient disparu. Tous ces poteaux frontière bicolores, ces no man'slands soigneusement labourés, ce fil de fer barbelé, ces gardes-chiourme frontaliers avec leurs bergers allemands, ces postes de douane, tout cela avait sombré dans le néant. Vue du cosmos, l'existence de tous ces êtres, de toutes ces institutions semblait d'une absurdité contre nature. Un terme comme celui de propiska, par lequel on désigne l'enregistrement obligatoire de tout citoyen soviétique au poste de milice de son quartier, devenait tout d'un coup grotesque, totalement inconcevable...
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