Citations sur Seul dans Berlin (246)
Chacun devrait s'intéresser à la politique. Si nous l'avions tous fait en temps opportun, nous n'en serions pas au point où nous ont menés les nazis.
- [...] Chacun devrait s'intéresser à la politique. Si nous l'avions tous fait en temps opportun, nous n'en serions pas au point où nous ont menés les nazis.
Mais sa femme lui arrache le feuillet, avec une soudaine violence. Elle a changé du tout au tout. Avec fureur, elle déchire la missive en menus fragments, tout en lui criant au visage, à mots précipités :
- Pourquoi lirais-tu ces ordures, ces mensonges ignobles, qu'ils écrivent tous ?... Que [notre fils] est tombé en héros "pour son Führer et pour son peuple" ?... Qu'il a été un soldat et un camarade exemplaire ?... Voilà ce que tu te laisserais conter par ces gens, alors que nous savons si bien tous les deux que notre petit ne vivait que pour ses bricolages de radio, et qu'il a pleuré quand il a dû rejoindre l'armée !... Combien de fois ne m'a-t-il pas dit, pendant son service militaire, qu'il aurait volontiers sacrifié sa main droite pour être délivré de ces gens-là !... Et maintenant, un soldat modèle et un mort exemplaire !... Mensonges, mensonges, rien que mensonges !... Mais, tout ça, c'est vous qui l'avez préparé, avec votre misérable guerre, toi et ton Führer !
(p. 13)
Il prit la plume et dit doucement, mais avec une certaine emphase :
- La première phrase de notre première carte sera : "Mère, le Führer m'a tué mon fils."
De nouveau, elle frissonna : il y avait quelque chose de décidé et de sinistre dans ces paroles ! Elle comprit à cet instant que, par cette première phrase, il avait déclaré la guerre, aujourd'hui et à jamais. Confusément, elle comprit ce que cela signifiait. D'un côté, eux deux, les pauvres petits travailleurs insignifiants, qui pour un mot pouvaient être anéantis pour toujours. Et de l'autre côté, le Führer et le Parti, cet appareil monstrueux, avec toute sa puissance, tout son éclat, avec derrière lui les trois quarts, oui, les quatre cinquièmes de tout le peuple allemand. Et eux deux, seuls ici, dans cette petite chambre de la rue Jablonski !...
Plus tard, dans l'obscurité, ils ne parviennent pas à s'endormir. Ils se tournent et se retournent, et finalement commencent à se parler. Dans l'obscurité, on parle mieux.
- Je pense parfois, maintenant, Herr Doktor, à toutes ces choses dont j'ai l'étoffe et dont je ne savais rien avant. Ce n'est que depuis que je vous connais, ce n'est que depuis que je suis arrivé ici dans cette boîte de ciment pour mourir que j'apprends tout ce que j'ai laissé passer dans ma vie.
- Il en est de même pour chacun d'entre nous. Tous ceux qui doivent mourir, et en particulier ceux qui doivent comme nous mourir trop tôt, sont forcément affligés par toutes les heures qu'ils ont perdues dans leur vie.
Ils se réfugiaient donc de plus en plus dans leur bonheur amoureux. Ils étaient comme deux amants qui en plein raz de marée, au milieu des vagues, au milieu des maisons qui s'écroulent, au milieu du bétail qui se noie, s'accrochent l'un à l'autre et croient qu'ils peuvent survivre au désastre général par la force de leur lien commun, de leur amour. Ils n'avaient pas encore compris que , dans cette Allemagne en guerre, la vie privée n'existait plus du tout. Et le repli sur soi n'y changeait rien, tout Allemand appartenait quoiqu'il advienne à la collectivité des Allemands et devait partager le destin allemand avec les autres - de la même façon que les bombes, qui devenaient de plus en plus nombreuses , tombaient sans distinction sur les justes et les injustes .
Ils n'avaient pas encore compris que, dans cette Allemagne de guerre, la vie privée n'existait plus du tout. Et le repli sur soi n'y changerait rien, tout Allemand appartenait quoi qu'il advienne à la collectivité des Allemands, et devait partager le destin allemand avec les autres - de la même façon que les bombes, qui devenaient de plus en plus nombreuses, tombaient sans distinction sur les justes et les injustes.
Et que voulait-il faire ? Autant dire rien !... Quelque chose de dérisoire, d'insignifiant, tout à fait dans sa ligne ; quelque chose de calme, qui ne pourrait en rien troubler sa tranquilité. Il voulait écrire des cartes ! Des cartes postales, avec des appels contre le Führer et le Parti, contre la guerre, pour éclairer ses semblables. C'est tout... Et ces cartes, il ne comptait nullement les envoyer à des gens bien déterminés, ni les coller sur les murs comme des affiches. Non, il voulait simplement les déposer dans les escaliers des immeubles où il y avait beaucoup d'allées et venues, les abandonner là, sans savoir aucunement qui les ramasserait, ni si elles ne seraient pas aussitôt foulées aux pieds ou déchirées.
Ce qu'un crochet au menton peut parfois vous éclaircir les idées !