Il était un petit navire.

René Fallet avait pour coutume de classer sa " production " romanesque en deux grandes catégorie :
La veine du Beaujolais peuplée de bons vivants un peu (beaucoup) picoleurs, francs camarades… Hauts en couleurs…Bref, la veine de l'amitié virile.
La veine du whisky, celle de l'amour (déçu ou pas) , mais beaucoup plus sombre et introspective…

Pour « Il était un petit navire », pas de doute possible : c'est encore un opus à rattacher à la veine du Beaujolais : truculent !
On retrouve quelques unes des idées force de René Fallet : la franche camaraderie, la chopine… Et puis il y a Victor Ploubaz, occupé à construire son chef d'oeuvre… Un Ploubaz si magistralement interprété par Jean Gabin dans l'adaptation au cinéma « le drapeau noir flotte sur la marmite » qu'il est bien difficile de ne pas entendre sa voix dans les dialogues.

Un bon Fallet, bien typé. Ça se lit comme on boit un gorgeon de beaujolpif ! Rafraichissant ! Gouleyant !

Sans doute pas le plus célèbre des romans de René Fallet, bien qu'Audiard l'ait porté à l'écran avec Jean Gabin. Et pourtant quel bonheur que ce livre! Egal à lui-même, Fallet nous emporte dans une histoire tragi-comique, celle d'un cheminot amateur de maquettes de bateaux qui se pique d'en bâtir un vrai, pour changer, et même de traverser l'Océan à sa barre! Rien que ça... Mais peut-on s'improviser marin de haute mer? Ca picole sec, comme souvent chez l'auteur, c'est truculent, y a une bande de potes, on rigole bien, ce qui n'empêche pas des parenthèses d'émotion, tout ça nourri par un art de la formule sans pareil. Il nous reste surtout de ces pages, quand on arrive à la dernière, un sentiment de profonde humanité. René Fallet avait l'intelligence du coeur. C'est la plus belle de toutes.