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Jean-Baptiste de Seynes (Traducteur)
EAN : 9782213024349
418 pages
Fayard (14/03/1990)
4.08/5   13 notes
Résumé :

Février 1857. La petite communauté britannique de Krishnapur, ancienne ville de garnison perdue dans les vastes plaines de l'Inde du Nord, continue de sacrifier aux rites de la vie coloniale victorienne _ bals, billard, pique-niques _ sans se soucier des rumeurs faisant état de troubles " au sein des régiments indigènes du Bengale. Seul Mr Hopkins, le Collecteur, pressent le danger et, lorsque éclate la mutinerie connue plus... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Un roman d'une richesse étonnante. On pénètre sur la pointe des pieds dans l'histoire de la Compagnie des Indes quelque part dans la grande plaine du nord de l'Inde. On y découvre une petite société coloniale avec ses codes, sa hiérarchie, ses rigidités, sa fabrique d'opium et ses menus plaisirs. Et puis vient la révolte des cipayes, la Résidence du Collecteur est assiégée et l'aventure devient brûlante (au propre comme au figuré), il lui faut mobiliser toutes les énergies pour éviter le massacre.
Au milieu de cette tragédie, une jeune femme veut se suicider, un jeune poète récemment débarqué veut l'en dissuader tandis que les « honnêtes femmes » veulent la chasser car « elle aurait été déshonorée » par un militaire de passage. le révérend s'agite pour sauver les âmes et se dispute les corps au curé lorsqu'il s'agit de pratiquer des enterrements nocturnes pour éviter la mitraille des cipayes. Les deux médecins vont se livrer une lutte à mort pour imposer leurs méthodes diamétralement opposées de lutte contre le choléra qui gagne la petite colonie affamée et barricadée derrière ses dérisoires fortifications de fortune.
Le Collecteur se met à philosopher tandis qu'on baptise un nouveau né, et tandis que les cipayes se déchainent, les autochtones s'en vont pique-niquer sur la colline qui domine la résidence pour jouir du spectacle.
C'est drôle* mais aussi émouvant, sensible et passionnant car les mois passant, les défenseurs tombant les uns après les autres, on finira par partager leur peur, sentir leur saleté, éprouver leur faim en se demandant comment cela finira-t-il…
* « Les tirs, partant du rempart à droite et à gauche, redoublèrent ; on voyait les cipayes affluer sur la berge proche et se lancer à l'assaut. Harry et Fleury avaient posé leur sabre à côté d'eux sur le parapet ; ils étaient convenus, si leur défense devait être enfoncée, de vendre leur peau aussi chèrement que possible plutôt que de tenter de déguerpir. Fleury avait réussi (non sans difficulté) à surmonter certaines angoisses quant à savoir si vendre sa peau aussi chèrement que possible, ou même si simplement la mettre en vente, était vraiment la plus sage conduite à tenir. »
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James Farrell interprète et revisite à sa façon de terribles événements qui ont frappé l'Empire Britannique au XIXè siècle, à savoir les soulèvements des populations en Inde.

Massacres, émeutes, sièges, exactions, épidémies... sont le lot de ces périodes hautement troublées.

Très documenté, basé sur de nombreux témoignages, d'innombrables sources historiques, le récit est sans fard, sans artifice. James Farrell n'épargne pas grand-chose au lecteur. Choléra, putréfaction, amputations, décapitations, viols... tout cela est abordé, souvent sans trop de précaution.

Mais il y a bien plus que cela. Il y a cette gigantesque "pointe" d'humour British... cette dérision, ce non-sens omniprésent. D'ailleurs, j'avoue, j'ai mis 60 pages à comprendre cette écriture fine et ciselée. Comprendre que James Farrell maniait le cynisme aussi bien que la description des travers humains. Voir à travers ce voile de civilisation, la critique de la société, de la colonisation, de cette manière anglaise de voir le monde à travers le prisme des scones et du tea-time...

Ces 60 premières pages (sur 412) ressemblent à du Jane Austen. de belles jeunes filles en fleur au bras de fiers lieutenants, des pères veillant à l'honneur de leurs filles, des mères veillant à ce qu'elles se marient bien... Je me demandais où j'étais tombé...

Puis arrivent les troubles, les émeutes et Krishnapur est sous le siège. Et là, le lecteur voit déferler des gigatonnes de politiquement correct, les travers des protagonistes. le Magistrat qui pratique la phrénologie. le Collecteur qui voit de la science partout. le Révérend qui veut persuader tout le monde du miracle de la création, Fleury l'agnostique, Lucy la fille déshonorée, Harry le soldat modèle, Dunstaple et McNabs les deux médecins aux pratiques divergentes...

Et tout ce monde va subir des semaines de siège, s'organisant pour survivre, en rationnant la nourriture, les munitions, en faisant preuve d'ingéniosité, mais en gardant très souvent ces petites manies et ces stéréotypes britanniques. James Farrell nous montre la vanité des comportements individuels, le fait aussi que nous sommes prisonniers de nos habitudes... Qu'ils sont comiques ces Anglais qui, à quelques secondes de la mort, continuent à se préoccuper des cancans et de leur images, de ce que l'on va bien pouvoir penser d'eux, de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas...

Le livre est indescriptible au-delà de ces généralités. Il y a des scènes d'anthologie: la querelle des médecins sur l'origine du choléra, se terminant par la mort d'un des deux, victime de la preuve qu'il essayait d'apporter; le premier assaut pendant lequel le Révérend, insensible au carnage qui se produit à côté de lui, entreprend de convertir Fleury au miracle divin; l'assaut final et le surréalisme des comportements individuels, dont ceux de Fleury, héros malgré lui; la vente aux enchères des dernières denrées alimentaires à des prix incroyables; les appels de la chair entrevue à travers des hardes...

Avec ce livre, James Farrell gagne le Booker Prize. Ce n'est pas anodin. C'est un livre incroyable. Entre éclats de rire et stupeur, James Farrell nous questionne sur la civilisation, sur le rapport à l'autre et sur le visage de la science, de la foi et de la civilisation. Tant de thèmes brillamment menés de front.
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Le présent roman s'inscrit dans le contexte historique du soulèvement populaire et anti colonial de 1857, en réaction à la mainmise de la Compagnie anglaise des Indes orientales, plus connu sous le nom de révolte des cipayes.

Mr Hopkins, Collecteur, c'est-à-dire fonctionnaire chargé de l'administration d'un district pour le compte de la Compagnie anglaise des Indes orientales découvre, disséminés dans sa demeure et à des endroits inusités, des chapatis. Ses pains sans levain autochtones lui font l'effet d'une authentique fatwa, il pressent des troubles à venir. La petite colonie considère en revanche ses craintes comme déraisonnables, le faisant jouer les Cassandre. La suite lui prouve qu'il a eu le nez creux. Les soldats indigènes, appeler cipayes, massacrent les officiers britanniques de la garnison la plus proche et marchent sur Krishnapur. Commence alors un siège que le Collecteur avait sagement préparé et qui va mettre à mal les habitudes policées et le quant à soi des ressortissants de sa gracieuse majesté. Comme si cela ne suffisait pas Hopkins doit composer avec les idées iconoclastes du Magistrat Willoughby, libre penseur déclaré, les lubies du Révérend de la colonie qui voit dans tous ces événements punition divine, cherchant les raisons du courroux du Père éternel et arbitrer les controverses entre Dunstaple et McNab, deux médecins qui se détestent cordialement, très peu d'accord dans l'exercice de leur art.

Le Siège de Krishnapur est un roman d'aventures plaisant, efficace, avec le brin d'humour ironique qu'on est en droit d'attendre de tout bon roman anglais. Cela dit le dénouement est un peu convenu et guère crédible. Pas franchement de quoi mériter le prestigieux Booker Price de 1973.
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La colonisation de l'Inde par les britanniques a été racontée sous tous les angles par d'innombrables romans mais le siège de Krishnapur sort du lot. D'une aimable description de la société victorienne transportée aux Indes le récit va glisser vers une sorte de fort Alamo sans perdre son ironie joyeuse et critique de la société coloniale.

Dans une ville de province sans importance la bonne société blanche est dirigée d'une main de maître par le Collecteur, le plus haut représentant de la couronne, qui a, semble-t 'il, pour tâche essentielle de faire respecter les codes de bonne conduite et les rapports de domination. Tout irait pour le mieux si les soldats indiens de la région n'avaient décidé de se révolter et de trucider les visages pâles.

Barricadés dans les bâtiments administratifs les européens vont devoir se battre, apprendre les privations et à se départir de toutes ces bonnes manières qui les corsètent en permanence, des multiples hiérarchies qui autorisent presque chacun à dominer un autre avec au bas de l'échelle les indigènes.
La faim, la chaleur, les odeurs, les maladies et la mort vont les accompagner des mois durant, leur faisant perdre hiérarchie et pudeur, mettant à l'épreuve la solidarité et toutes les valeurs élémentaires.
Excellente tragi-comédie on rit beaucoup dans le siège de Krishnapur, avec un morceau de bravoure : les habitants indigènes de la ville viennent comme au spectacle assister aux assauts des révoltés en amenant leur pique-nique comme les assiégés le feraient aux courses à Ascot. le peuple finira par se lasser de l'interminable siège pour retourner à ses occupations, comme le comprendra enfin le Collecteur, l'Inde est indifférente à la présence anglaise, les sahibs sont comme un insecte désagréable qu'on tolère un moment mais dont on se débarrassera le moment venu.
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Difficile de faire une critique étayée d'un livre, près de 20 ans après l'avoir lu. Mais quand on en garde un très agréable souvenir, on est toujours un peu déçu de voir que personne d'autre ne l'a déjà évoqué. La quatrième de couverture résumant bien l'intrigue, je rajouterai juste que c'est un roman très vivant, extrêmement drôle, qui cache à peine une sévère critique du colonialisme britannique aux Indes et d'une manière plus générale de toutes les sociétés colonialistes que l'Homme blanc a entretenu dans une insouciance coupable sur le dos des populations indigènes. Mais quand ceux-ci se révoltent, tout le grotesque de leur situation saute aux yeux, mais tout ça avec un irrésistible humour britannique. A dévorer en sirotant son Darjeeling, of course !
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Au moment où le baptême commençait, les canons firent feu presque à l'unisson de l'autre côté de l'hôpital, et un léger souffle de vent apporta l'odeur de soufre de la poudre brûlée. (..) Les pensées du Collecteur s'échappèrent à nouveau, et il se rappela le baptême de ses propres enfants... Cela semblait faire si longtemps que l'aîné avait été baptisé ! Bientôt eux aussi auraient des enfants, et lui, il deviendrait superflu, un vieil homme assis au coin de la cheminée que personne ne jugerait utile de venir consulter. Il se rembrunit à l'éventualité de cette future injustice, mais l'instant d'après, le siège lui revint en mémoire, avec le fait qu'il y avait toutes les chances qu'il ne vécût pas assez vieux pour souffrir les humiliations du grand âge, et ses pensées prirent immédiatement un autre tour : "Après tant d'épreuves, il est vraiment triste d'être privé du soir tranquille de sa vie !"
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Représentez-vous une carte de l'Inde de la grandeur d'un terrain de tennis que deux ou trois hérissons parcourent péniblement. Chaque hérisson pourrait figurer l'une de ces tempêtes qui, durant l'été, errent à travers les plaines indiennes en soulevant sur leur passage des tonnes de poussière tourbillonnante, jusqu'à ce que la mousson arrive en grondant et les écrase au sol. Une tempête de poussière régnait dans les environs et, pour cette raison, la nuit semblait beaucoup plus sombre que d'habitude (..). On ne pouvait s'empêcher d'associer cette noirceur au terrible massacre de Captainganj.
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Les tirs, partant du rempart à droite et à gauche, redoublèrent ; on voyait les cipayes affluer sur la berge proche et se lancer à l'assaut. Harry et Fleury avaient posé leur sabre à côté d'eux sur le parapet ; ils étaient convenus, si leur défense devait être enfoncée, de vendre leur peau aussi chèrement que possible plutôt que de tenter de déguerpir. Fleury avait réussi (non sans difficulté) à surmonter certaines angoisses quant à savoir si vendre sa peau aussi chèrement que possible, ou même si simplement la mettre en vente, était vraiment la plus sage conduite à tenir.
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"Demain, la Compagnie pourrait faire ses bagages, et ce gars-là ne le remarquerait même pas... Et pas seulement lui... Les Britanniques pourraient quitter le pays, et la moitié de l'Inde ne s'apercevrait pas de notre départ, comme elle ne s'était pas aperçue de notre arrivée. Toutes nos réformes administratives auraient pu être faites sur la lune, pour ce que cela les touche." Cette pensée laissait le Collecteur humilié et abattu.
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L'effet, ou l'absence d'effet, que vous produisez sur le sexe opposé& est une chose importante en ce qu'elle vous révèle dans quelle mesure vous êtes, ou vous n'êtes pas, en concordance avec l'esprit du temps, cet esprit dont, depuis toujours, le sexe opposé est le gardien.
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