Une fois de plus, ici, Claude Farrère projette sa plume là où on ne l'attend pas et réserve une belle surprise à son lecteur.
"Le traître" est une dense et riche uchronie.
La France de 1940 avait, malgré l'appel lancé de Londres par le général de Gaulle, suivi le maréchal Pétain lorsqu'il abandonna la lutte et renia la parole donnée à l'Angleterre.
Un demi-siècle plus tard, le Royaume-Unis, en 20.., a suivi sir Austin Gatterwood, lorsqu'il signa l'armistice de Birmingham, conclu et subi avec le dictateur de l'Union Soviétique ...
Le récit plonge, tout d'abord, dans une Angleterre ruinée par la guerre et l'occupation de 500.000 soldats rouges.
Cependant l'anticipation, pour le lecteur, laisse la place à l'imagination.
Elle ne contient ni descriptions, ni paysages, et très peu de contexte.
Le récit n'est solidement basé que sur des arcanes politiques.
Les personnages, seuls, semblent retenir l'attention de Claude Farrère :
Tout d'abord, Sir James Garnwall, amiral de la flotte, et vice protecteur de l'Angleterre, qui est l'homme dont la postérité se souviendra peut-être comme "le traître"...
Sa jeune épouse, lady Lucy Garnwall ...
Walter Raleigh, son secrétaire privé ...
Son jeune fils de vingt ans, Réginald, réfugié au Japon, puis en Chine et ignoré des russes ...
Mais le splendide personnage central du récit est celui d'une femme, une chinoise, la Fou Ta Jenn A-Lann, comme elle aime à se nommer elle-même.
Ce roman, paru en 1952, est issu de la guerre froide.
Il est teinté de philosophie et d'espionnage.
Et il a comme une vague résonnance de tragédie antique.
C'est le roman d'un voyageur qui connaît les peuples.
Claude Farrère affiche ici une grande estime pour la Chine qui, dit-il, est la première nation du monde, et laisse filtrer dans ses propos un mépris amusé pour les Etats-Unis.
Le roman est divisé en trois parties de longueurs inégales :
"Edimbourg", "Pékin" et "Libération".
On y retrouve le style qui a fait de Farrère un grand écrivain.
Ce livre, certainement, possède plusieurs niveaux de lecture.
Il peut être perçu comme un plaidoyer pour le vieux maréchal français que l'Histoire a marqué comme traître à sa nation.
Mais aussi, dans le même temps, comme une condamnation du même maréchal pour ne pas avoir repris le combat lorsque l'heure en était venue.
L'honneur, dont il peint sir James Garnwall, devait en passer par là.
Ce roman est politique, et très humain.
Claude Farrère condamne le communisme soviet, qui selon lui aggrave, plus encore que le capitalisme, les inégalités entre les hommes.
Cependant le mercantilisme de la nation américaine ne trouve pas non plus grâce à ses yeux.
Son regard est tourné vers la Nation Centrale, cette Chine qui pour lui est un pays qui compte ...
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Et les anglais, et les américains, et les japonais surtout ont maintes fois traité la Chine en ennemie ...
Seuls sont rois ceux qui règnent sur des hommes libres ...
Et presque aussitôt, la guerre-éclair ayant subjugué toute l'Europe occidentale, les communications avaient été coupées entre le Japon, - quoique neutre encore, - et l'Europe.
Et sir James Garnwall, ministre dans le gouvernement de sir Austin, accepté par Moscou comme protecteur, à Edimbourg, de ce qui restait, provisoirement, de la Grande-Bretagne, fut sans nouvelles, sauf incertaines et rares, du fils qui continuait d'être tout pour lui ...
L'homme mûr, quand son coeur est resté jeune, apporte à ses tendresses moins de fougue, mais plus de force ...
Et le rire. Le rire de Rabelais et de Bergson.
Le goût, qui discerne d'instinct la beauté de la laideur. Le rire qui châtie et foudroie la laideur à grands éclats ...
Claude Farrère :
La maison des hommes vivantsOlivier BARROT, installé dans une chambre, présente une réédition de "
La maison des hommes vivants" en poche Librio ; une histoire
fantastique écrite par
Claude FARRERE, auteur populaire, élu à l'Académie française.