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Critique de lanard


Le lien suivant renvoie vers la page d'un site perso (ce n'est pas le mien) consacré à l'Indochine coloniale ( bellindochine.free.fr ) et donne à lire de brefs extraits de ce roman colonial qui décrit sans aménité la société des colons français en Indochine. Critique morale plutôt qu'anticolonialiste; le marin Claude Farrère ne semble avoir rien appris sur les peuples d'Indochine qu'il semble mépriser tout comme les méprisèrent les colons du Tout-Saïgon que Farrère étrille dans ce roman.
Le mythe tenace (encore aujourd'hui) d'une mentalité orientale inaccessible et impénétrable à l'entendement occidental constitue le socle du savoir ethnologique de l'auteur sur les orientaux. Si ce que j'ai pu lire de Claude Farrère (c'est à dire pas grand chose) semble démontrer une connaissance familière de la littérature orientaliste de son temps, dans Les Civilisés il n'évoque guère les asiatiques que pour la couleur locale; sa palette lexicale se contente de vocables exotiques tels "congaï", "saï", "phou", "boy" et curieusement le mot hispanique cañha pour désigner un habitat forcément crasseux... Quel dommage qu'un si beau style n'ait pas su donner à voir un peu de la vérité humaine sans plus de nuances qu'un violent contraste entre la beauté morale (Sélysette Sylva et sa mère) et la dépravation la plus aboutie (Mévil, Torral).
Mais les peuples de l'Indochine ne sont pas le sujet du roman. Il s'agit plutôt de condamner au nom d'une morale pétrie de christianisme (mais non sans ambigüités), le donjuanisme du petit club des "Civilisés ». le docteur Mévil, l'ingénieur Torral, le journaliste corbeau Claude Rochet et le marin Fierce forment cette coterie d'individualistes chevronnés qui figure dans le portrait moral de la bonne société Saïgonaise comme une sorte de chancre abominable.
Cette petite bande de débauchés affecte un profond mépris de tout sentimentalisme et s'acharne à n'aimer les femmes (et parfois, les petits garçons) qu'au physique.
Les réminiscences du Don Juan se retrouvent dans les théories professées par l'idéologue de la bande, l'ingénieur Torral, pour qui la morale (comme le monde) se met en équation, selon une variante sorte de principe de moindre action; le rationalisme est ici poussé à quelques raffinements qui vont au bien au-delà du "je crois que deux et deux font quatre" de Don Juan à Sagnarelle.
Au final, le docteur Mévil rencontre sa statue du commandeur (le fantôme de l'évêque d'Adran) et le personnage principal (Fierce) de même, d'une autre façon. Les deux sont précipités dans l'abîme et la tombe.
Ne s'en tirent bien que les plus ignobles; Rochet et surtout Torral l'ingénieur jusqu'au-boutiste qui, désertant quand la guerre éclate avec les anglais, échappe à la mort en fuyant dans un navire allemand. Toute l'ambiguïté du roman tient dans le parcours de ce personnage; il est le plus antipathique (au physique comme au moral) mais par sa cohérence et sa parfaite logique, sa philosophie séduit. Parfois on a l'impression que Farrère veut lui donner raison. C'est lorsqu'il le condamne il n'est guère convaincant ; il nous ramène les curés et l'héroïsme barbare d'antan qu'il oppose à la dépravation des "civilisés". Il est vrai que Farrère écrivait en temps où l'élite intellectuelle pouvait croire sans rire que l'on mettrait bientôt tout l'univers en équations.

Lien : http://belleindochine.free.f..
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