Ce livre est l'aboutissement d'un rêve de gosse, un gosse de cinq ans qui des quais de Marseille voyait partir les longs courriers d'outre-océan.
Un gosse de cinq ans qui aurait bien voulu être à bord, et qui, parvenu à l'âge adulte, y a été.
Pour l'enfant qu'était
Claude Farrère, trois pays représentaient les confins du monde : la Chine, la Cochinchine et le Japon.
"Mes voyages" sont une promenade en Extrême-Orient, la transcription de quelques causeries données à Paris en janvier, février et mars 1923.
Il faut d'abord partir pour arriver ...
Le départ se fera donc de Paris, de la gare de Lyon, avec le fameux train bleu, le "Calais-Méditérranée-Express", en sleeping bien sûr.
Puis, à Marseille, ce sera l'embarquement sur un paquebot.
Quarante jours de mer pour un beau et dépaysant voyage.
Et, embarquer avec
Claude Farrère, c'est l'assurance que ce voyage soit aussi littéraire et plaisant.
Saviez-vous, par exemple, que Port-Saïd n'est pas une ville mais un buffet de grande gare ?
Farrère a un regard sur le monde de son époque qui n'appartient qu'à lui, une vraie originalité dans l'observation faite de culture et de respect.
Et toujours il y convie Loti,
Musset,
Ovide et quelques autres ...
Ici, le XIXème siècle, qui vient à peine de se refermer, s'invite également.
Ce livre est un récit de voyages agrémenté d'anecdotes, de
souvenirs, parsemé de vieilles connaissances et d'endroits familiers à son auteur.
Parfois même le fantasque s'invite, le merveilleux et l'imaginaire tel ce serpent de mer du Faï-Tsi-Loung aperçu* une fois de plus en 1898 par la canonnière "l'Avalanche".
Le livre de Farrère a beaucoup de qualités, et des meilleures.
Il a bien quelques défauts de son époque, mais des moindres.
Il a d'ailleurs été dit beaucoup de bêtises sur Farrère, souvent sans l'avoir lu, parfois en n'attrapant à la volée que quelques lignes.
Farrère était un homme de son temps, un officier de marine, un homme d'action et d'opinions qui aujourd'hui n'ont plus cours.
Claude Farrère dit ici, dans "mes voyages", qu'il s'est promené des années par le monde.
Qu'il a aimé à peu près tous les hommes et tous les peuples qu'il y a fréquentés.
Mais que c'est dans le peuple chinois qu'il a reconnu les plus grandes profondeurs intellectuelles et morales, dans les peuples musulmans qu'il a rencontré la bravoure, la tolérance et la loyauté, au Japon qu'il a observé l'énergie, l'intelligence et la sagesse.
Et, même si ce livre se referme sur une spéculation hasardeuse et démentie depuis par la tragique conclusion de la seconde guerre mondiale, il n'en demeure pas moins que ce récit de voyages est un bonheur de lecture fait de culture, de paysages dépaysants et de longs jours de mer enchanteurs ...
*Mr
Paul Doumer assistait, en 1923, à la conférence au cours de laquelle
Claude Farrère rappela ce vieux
souvenir. Se souvenant, il approuva d'un geste le conférencier. Il n'avait pas oublié !