Passion du Christ revisitée symboliquement et transplantée dans la boue, le froid et la détresse humaine des derniers jours de la Grande Guerre,
Parabole couvre une semaine du mois de mai 1918, qui vit la mutinerie d'une division entière qui, plutôt que de partir à l'assaut, quitta les tranchées les mains vides, pour tenter un rapprochement pacifique et spontané avec les frères de déboire et de désarroi d'en face. C'est une humanité riche, dense, profonde, qui se déroule à nos yeux, et dont la réalité est prodigieusement rendue plus prégnante par l'incomparable technique de narration et le style sûr du
Prix Nobel de littérature de 1949 : un maréchal des forces armées en antéchrist, un général désirant faire exécuter toute sa division pour venger sa carrière militaire compromise, un caporal messianique et ses douze “disciples”, une estafette, un guetteur britannique, au parler cockney, baptiste, joueur et franc-maçon, un jeune pilote d'avion sous-lieutenant...
Rappelons aux béotiens de l'oeuvre du grand auteur sudiste, que la lecture de
Faulkner se mérite et nécessite la participation pleine et entière du lecteur. Ici, pas de livre “distrayant” ou “sympa à lire”. Les histoires de Faukner sont des pelotes de fil pour le lecteur, tout semble embrouillé à plaisir, la narration se déroule apparemment laborieusement, se résout progressivement et peu à peu, mais… ce n'est même pas du tout çà! car le fil et le temps de la narration est coupé, repris, inversé... c'est comme le chaos originel qui peu à peu prendrai forme, consistance et volume jusqu'au dénouement et couronnement final du divin fiat lux! Les phrases d'une longueur toute proustienne, changeant de temps de narration et d'espace dans la même phrase, non dénuée d'humour, entraîne une suspension et un enrichissement conséquent du temps de la narration.
L'originalité principale du livre, à mon sens, c'est, qu'à part un bref passage rétrospectif,
Faulkner a déraciné et transplanté ce roman hors du substrat inhérent à la production de
Faulkner, c'est à dire en dehors du sud américain, puritain, raciste et légèrement arriéré, hors de cette atmosphère si pesante et si prenante faite de sueur, de larme et de sang. le résultat reste très réussi même si on regrette qu'il y manque un peu du sel du Dixie et de “l'American South”.