Ce n'est pas un roman pour ados récent (1978) mais je ne suis pas sûre que la question identitaire des jeunes liée à l'immigration des générations précédentes ne soit pas encore d'actualité.
Sélima vit dans un HLM de la banlieue parisienne, là où ont été relogés les immigrés qui vivaient avant dans un bidonville marécageux au même endroit. Elle est de nationalité algérienne mais se veut française puisque c'est le seul pays qu'elle connaisse. Bonne élève, élève qui s'accroche, elle cherche à mieux s'intégrer en se faisant appeler Anne lorsqu'elle intègre enfin le lycée tant convoité.
J'ai trouvé ce livre très fort pour exprimer le réel déchirement de cette jeune fille entre ses aspirations et le miroir que lui tend la société (y compris ses camarades de classe), entre ses espoirs et ses illusions sur les possibilités offertes par la République et la réalité de son quotidien. Lorsqu'elle va ouvrir les yeux, à la fois sur le sort et le racisme que vivent ses voisins et sur le mirage que sa famille algérienne projette sur la vie en France depuis l'Afrique, elle va se trouver déboussolée : acceptée et intégrée dans aucun des pays, culturellement métissée de fait.
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Je me rappelle que, la veille de mon départ, ma mère m'avait mise en garde d'une manière assez obscure, que je n'avais pas bien comprise sur le moment. Elle m'avait dit :
- On va te poser des questions sur notre vie ici. Sois honnête, mais ne raconte pas nos difficultés et la misère des gens comme nous... Oublie ça pour parler des bonnes choses.
- Pourquoi, Mà, pourquoi ? lui avais-je demandé.
- Parce qu'ils ne comprendraient pas qu'on reste en acceptant... tout ça ! Elle avait hésité avant d'ajouter : ... Et aussi parce qu'ils penseraient qu'on a quitté le pays pour être plus heureux... et qu'on a échoué. (p.122)
Il a d'abord fallu que je gagne le droit d'être comme tout le monde pour ensuite gagner le droit d'être moi-même. (p.19)
J'ai grandi sans jamais penser à l'Algérie autrement que comme une province d'origine très lointaine. Un peu à la manière des Parisiens de naissance quand ils pensent à la Bretagne ou à l'Alsace des parents. (p.29)
Le regard des hommes dans la rue est une atteinte à la liberté. A toi d'y échapper en restant en prison. Tu vois le paradoxe, hein ? (p.148)
Le racisme, je connais assez bien. Je me le suis injecté toute seule, pendant des années, sans même m'en apercevoir, pour rester dans les normes de l'intégration. (p.61)