Citations sur Mapuche (216)
Quand il en parlait, Daniel avait le duende, cette fulgurance créatrice chère à Lorca qu'on trouvait parfois dans la passe d'un torero, la voix d'une chanteuse ou la transe d'une danseuse de flamenco. Ce duende qui "renvoie muses et anges / comme des chiens savants dans la fange", Rubén le retrouvait dans les poèmes de son père, feux et lumières qui avaient ébloui son enfance.
Première partie-Petite Sœur-
Chap3 -p47-
"Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau", raillait le dicton.
Et puis le Golpe était survenu, le 24 mars 1976.
Videla, Massera, Agosti. De par ses origines sociales, Elena se croyait protégée des généraux qui, chacun représentant son corps d'armée, s'érigèrent en gardiens de la morale et de l'ordre chrétien : le fameux Procéssus de Réorganisation nationale. Malgré ses choix de vie, Elena représentait la vieille droite du pays, péroniste à ses heures. Elle dut vite déchanter.
Œuvres étrangères interdites, publications surveillées, autodafé de livres d'histoire et de culture générale trop empreints de "marxisme", le paysage littéraire se dissolvait dans la terreur diffuse et l'autocensure. Des écrivains disparaissaient.
Sociologie, philosophie, psychologie, politique, même les livres de mathématiques devinrent bientôt introuvables. [...] D'après le pouvoir en place, les subversifs étaient "déguisés en homme de la rue", ce qui justifiait une répression tous azimuts.
Deuxième partie - Le cahier triste-
Chap 2 - p229 -
Jo Prat avait créé son groupe de rock au début des années 80, quand les militaires avaient dû lâcher du lest face à la pression sociale. Los Desaparecidos avaient salué la victoire de la démocratie au stade Obras Sanitarias, portés par une foule vengeresse :
Milicos, hijos de puta ! Qué es lo que han hecho con los desaparecidos ?!
La guerra sucia, la corrupción son la peor mierda que ha tenido la nación !
Qué paso con las Malvinas ?
Esos chicos ya no estan, no podemos olvidarlos y por eso vamos a luchar* !
*. "Militaires, fils de pute ! Qu'avez-vous fait des disparus ?!
La guerre sale, la corruption, voilà la pire merde arrivée à la nation !
Que s'est-il passé aux Malouines ?
Ces enfants déjà ne sont plus, nous ne pouvons pas les oublier et pour ça nous continuons la lutte ! "
Première partie- Petite sœur-
Chap. 4 - p 78 -
Ceux-là ne ramassaient pas seulement les cartons, ils vivaient parmi eux. Une famille entière, anonyme, recyclée elle aussi.
Ils s'étaient construit une barricade, une coquille vide qu'ils refermaient derrière eux la nuit venue pour se protéger du froid, des chiens errants, des paumés ; ils en ressortaient le matin, raides d'un sommeil sans mémoire, tout de guenilles et sales, incapables de dire merci aux rares passants qui leur donnaient la pièce.
Ils étaient devenus cartons.
"La vérité est comme l'huile dans l'eau : elle finit toujours par remonter", répétaient les militantes.
Porte-voix d'un rap ethnique et explosif, un mètre quarante-cinq égaré dans un short et des grosses baskets sur ressort, Miss Bolivia était entourée de ses fans, une demi-douzaine de petites poupées lesbiennes qui la suivaient partout. Le courant passa aussitôt.
Anita fuyait les miroirs sous son masque à sourire, le reflet des vitrines, comme si sa "sale gueule" prenait toute la place. Les garçons d'ailleurs ne s'y trompaient pas : s'ils la suivaient dans la rue et la sifflaient parfois, aucun ne se retournait sur son passage.
Anita vivait de dos.
Côté pile.
Elle avait perdu la face.
Leurs vêtements disparurent, envolés, leur pudeur, le passé, le futur, ce qu'ils vivraient ensemble ou non, la solitude éternelle et les mots jamais dits : ils firent l'amour en tremblant, debout, se tenant par les yeux comme s'ils pouvaient se perdre, s'encastrèrent à s'en faire mal pour conjurer la mort qui les étreignait, et jouirent ensemble, comme des démons.
Les gens atteints de géophagie mangeaient de la terre, les coprophages des excréments; les personnes souffrant du syndrome de Rapunzel ingurgitaient leurs cheveux, du papier mâchonné ou divers débris alimentaires.
-p152-