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EAN : 9782246525011
505 pages
Grasset (08/01/1997)
4.1/5   34 notes
Résumé :
Basile de Sainte-Foy, homme d'affaires français de passage à Sainte-Pétersbourg pour négocier la construction d'un pont métallique sur la Néva, se trouve mêlé par hasard à une étrange histoire. Sept hautes personnalités de la capitale russe, réunies en tribunal d'honneur, s'apprêtent à juger un de leurs anciens condisciples de l'école de droit, qui aurait séduit un mineur proche du Tsar. Cet accusé n'est autre que Tchaïkovski, alors au faîte de sa gloire... Basile d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« Tout, à Saint-Pétersbourg, est cher à mon coeur et sans elle ma vie serait impossible. »
Tchaïkovski – lettre de jeunesse à sa soeur.

Tchaïkovski et Bach ont imprégné mon enfance depuis mon plus jeune âge, la ville de Pierre le Grand m'a éblouie durablement dès lors que j'ai eu la chance de parcourir ses rues, quant à l'homme de lettres qu'est Dominique Fernandez, c'est toujours un plaisir renouvelé que de le lire. Il ne m'en fallait pas plus pour entreprendre la lecture de ce « Tribunal d'Honneur ».
Je mentirais si je vous disais que cette lecture m'a été aisée. L'écriture est très belle mais exigeante, elle demande une grande concentration. Ce récit m'a rappelé la biographie sur Romain Gary de Myriam Anissimov. J'y ai retrouvé la même étude extrêmement fouillée, détaillée sur cinq cents pages, à la typographie ramassée et aux petits caractères, ce qui, avec mes yeux, ne pouvait que me rendre la lecture incommode.

Néanmoins, l'écriture de Dominique Fernandez est restée fidèle à mes attentes. Dès les premières pages, j'ai retrouvé cette merveilleuse sensation que j'éprouve dès que je me glisse dans un livre de Tolstoï. Je retrouve une terre connue.
Ce roman est un régal d'érudition. Les phrases baignent dans une écriture à la musicalité enchanteresse. Mélomane, esthète, fin connaisseur de la Russie et de Saint-Pétersbourg en particulier, l'auteur dépeint avec finesse, maîtrise et réalisme, cette fin du 19ème siècle pétersbourgeois.

Nous sommes en 1893, Piotr Ilitch Tchaïkovski est au sommet de la gloire. de retour à Saint-Pétersbourg après une tournée triomphale, il décède le 6 novembre 1893 dans l'appartement de son frère Modeste. Que s'est-il réellement passé ? La fin de Piotr Ilitch est entourée de mystère. Serait-il vraiment décédé du choléra pour avoir bu de l'eau impropre à la consommation ou bien serait-ce un suicide, le génie ne supportant plus de vivre son homosexualité dans le plus grand secret. Son décès intervient neuf jours après la création de sa sixième symphonie « Pathétique ». Des funérailles nationales lui sont consacrées. Dominique Fernandez se saisit de cette mort suspecte et nous élabore un récit romanesque qui nous projette dans cette fin du 19ème siècle où l'homosexualité est réprimée, cachée, avec à la clef la mort ou la déportation.
Basile de Sainte-Foy (Vassili pour les russes, Vassia pour les intimes) débarque de Moscou à la gare de Saint-Pétersbourg. D'origine française, il est issu d'une famille dont certains membres furent guillotinés au moment de la Révolution. Son aïeul, Raoul y échappa par miracle, grâce à sa nourrice. Rejoint en Allemagne par sa mère, ils décidèrent de migrer en Russie. Basile voyage entre Paris et Moscou en sa qualité de représentant de la société Perm, Orenbourg et Cie. Cette société métallurgique française est installée dans l'Oural. Il vient dans la capitale afin de négocier un contrat pour la construction d'un pont métallique (Pont de la Trinité construit par la SPIE Batignolles) qui faciliterait le passage de la Néva – en quelque sorte, ce pont serait le pendant du magnifique pont Alexandre III de Paris (1896 première pierre), commémorant ainsi l'entente entre les deux pays. Son séjour va durer d'avril à octobre 1893 et c'est durant cette période que Basile va assister à un crime qu'il juge particulièrement odieux bien qu'au départ, ses préjugés l'eussent plutôt porté à appuyer la sentence. Ce sont tous ces évènements qu'il nous relate dans les pages de ce livre.

C'est en se rendant à la forteresse Pierre et Paul pour y rencontrer le gouverneur, le Général Sosthène Mikhaïlovitch Apraxine, qu'il va découvrir l'existence d'un tribunal occulte qui serait chargé de juger Piotr Ilitch Tchaïkovsky, accusé d'avoir séduit un jeune homme de 17 ans. Sur ordre d'Alexandre III et dénoncé par le Comte Stenbock, l'affaire est confiée à un tribunal d'honneur dont les membres sont sept anciens élèves de l'Ecole du Droit, eux-mêmes, anciens condisciples de Piotr Ilitch; il leur appartient, à huis clos, de juger si le comportement de Tchaïkovsky est une atteinte à l'honneur de leur Ecole.

Poussé par la curiosité, Basile ayant été lui-même élève de cette Ecole, il va chercher à en savoir plus sur ce tribunal, ses participants, leurs personnalités, leurs aspirations profondes, leurs intérêts, leurs opinions ouvertes comme leurs opinions dissimulées. Dans cette société où se reflètent toutes les facettes d'un corps social de fin de siècle en pleine mutation, quelle est la sanction que risque le grand musicien? Au cours de toutes ces entrevues, l'une d'elle est essentielle, Basile se lie d'amitié avec l'accusé. Il devient alors le confident de Piotr Ilitch. Basile met toute sa bienveillance au service de la défense de Piotr Ilitch afin de convaincre ses juges de lui accorder leur absolution. Il rend visite au directeur des théâtres impériaux, au gouverneur de Saint-Pétersbourg, au responsable du Musée de l'Ermitage, au gardien du patrimoine architectural de la ville, à l'inspecteur général de la santé, à un conseiller d'Etat et enfin, à l'évêque coadjuteur de la capitale.

Dominique Fernandez fait preuve ici d'un grand talent de conteur mais aussi de sociologue dans ce récit. Dans la capitale du tsar, l'auteur, plus qu'inspiré, nous entraîne dans les coulisses de Saint-Pétersbourg où l'on sent poindre le militantisme socialiste. La beauté de la ville s'étale sous nos yeux mais les premiers signes de la fin de son éclat se font sentir. Toutes ces visites ne sont que des prétextes pour dresser le portrait de la société pétersbourgeoise : l'armée, l'Eglise, l'aristocratie, la finance, la police politique et, diffus, en arrière plan, le petit peuple ignorant, dans la misère, hébété par l'alcool et la malnutrition.

Tous les sens doivent rester en éveil afin de pouvoir savourer ces moments où Piotr Ilitch est en pleine création, où l'on découvre l'origine de ses oeuvres, leur motivation, où Piotr Ilitch nous fait part de ses positions. Je garderai pour toujours, gravées en moi, les pages qui décrivent la visite de Basile au Musée de l'Ermitage. Visiter l'Ermitage avec l'oeil expérimenté de l'auteur, doit être un souvenir inoubliable d'une qualité à nulle autre pareille !

« Ma première symphonie, écrite quand j'étais encore ici, porte, en, hommage au paysage de neige et de glace qui transforme pendant quatre mois la ville en palais boréal, le titre de Songes d'hiver. J'ai mis dans cet essai de jeunesse les réminiscences de nos promenades par moins trente : courses en traîneau sur la Néva, randonnées à travers l'immensité de la plaine vierge, haltes transies devant les péristyles enneigés, glissades sur la banquise dans le golfe de Finlande. Rien ne me destinait encore au métier de compositeur. Mes amis étaient juristes comme moi. Nous sortions de l'école qui s'appelait alors, non de Droit comme aujourd'hui, mais des Droits au pluriel. Ecole Impériale des Droits, tu te souviens mon cher Fiodor ? Je ne sais pas si c'est un bon signe que les Droits variés, multiples, concrets, se soient réduits à l'abstraction d'un seul Droit, rigide, universel."


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Pour écrire ce livre Dominique Fernandez a fait sienne une hypothèse déjà ancienne sur les circonstances de la mort de Piotr Iliitch Tchaikovski . La version officielle et communément admise de la mort du plus grand des compositeurs russes est qu'il succomba au choléra en buvant de l'eau de la Néva. Les spécialistes du compositeur n'ont que partiellement avalisé ces circonstances car très vite ce décès paru suspect à nombre de contemporains . C'est alors qu'un historien russe émit une autre hypothèse plutôt iconoclaste qui ne pouvait que ravir Dominique Fernandez dont on connaît l'homosexualité revendiquée.
P.I Tchaikovski , dont l'homosexualité était un secret de Polichinelle à Saint Petersbourg et à Moscou, se serait compromis dans une liaison amoureuse avec le neveu , âgé de 17 ans, du comte Stenbock-Fermor (personnage bien réel) aristocrate en vue de l'entourage d'Alexandre III. Pour couper court aux rumeurs et éviter le scandale, le jeune page de 17 ans fut exilé en Sibérie et l'on décida en haut lieu de réunir un jury "d'honneur" composé d'anciens condisciples du compositeur lorsque celui ci était encore étudiant à l'école de Droit (en effet Tchaikovski fut d'abord juriste) , dont le but avoué était d'éloigner le compositeur de la Cour, en un mot de le condamner à la relégation dans un lieu où ses préférences sexuelles ne soient plus une "insulte" à la pudibonderie et à l'ordre moral que faisaient régner le Tsar et l'Eglise Orthodoxe dans la sainte Russie.
Dans ce simulacre de procès il n'était, à priori, aucunement question d'une sentence de mort. La décision du jury d'honneur fut simplement court-circuitée par les instances policières manipulées par le Procureur du Saint-Synode , Constantin Pobiedonostev (personnage historique) . Cet autocrate conservateur, mentor d'Alexandre III , aurait programmé la disparition de Tchaikovski . Il s'en justifie dans le roman, par la plume de Dominique Fernandez, en de longs plaidoyers pour un état fort qui ne doit admettre en son sein aucune déviance, politique ou morale, qui puisse affaiblir son autorité. Où l'on voit que de l'autocratie tsariste à la dictature stalinienne, il n'y avait qu'un ruisseau à franchir....

De ces hypothétiques circonstances de la mort du compositeur, Dominique Fernandez , à tiré un superbe roman qui peut se lire à plusieurs niveaux.
C'est d'abord une belle fresque historique sur la Sainte Russie de la fin du 19e siècle. L'auteur a pris le parti de nous faire vivre les évènements par le truchement de l'ingénieur Vassili de Saint-Foy , personnage fictif dont les aïeux ont émigré en Russie lors de la Révolution Française . Il représente en Russie une société française chargée de construire un nouveau pont sur la Neva pour désenclaver Saint-Petersbourg. Ce sera le Pont de la Trinité, le pendant russe du pont Alexandre III sur la Seine. Car c'est un des charmes de ce livre de mêler très habilement la fiction et la réalité. le "vrai" pont de la Trinité a vraiment été construit par une entreprise française : la Société de construction des Batignolles, ancêtre de Spie-Batignolles.
Si Monsieur de Saint-Foy se trouve à s'intéresser au procès de Tchaikovsky c'est qu'il appartient au petit "gotha" des élites impériales. Il a fréquenté les juges, qu'il connaît tous, à la fameuse Ecole de Droit. Par son intermédiaire le lecteur sera introduit dans le petit monde de l'intelligentsia impériale, il côtoiera la société russe , ses moujiks comme ses aristocrates, il rencontrera Tchaikovsky et la famille Stravinsky tout comme Sergeï Barenkov et Boris Atanaïev , personnages fictifs eux , mais indispensables à l'histoire. C'est l'occasion pour Dominique Fernandez de nous faire partager sa profonde connaissance de la Russie. Ce roman est aussi un documentaire. On y apprend beaucoup sur ce pays, son histoire mouvementée, sa culture et bien sûr sur la fameuse " Âme russe" ! Ah l'Âme russe ! Les considérations de l'auteur sont toujours pertinentes et l'on ne peut qu'être d'accord avec lui pour considérer Tchaikovsky comme le compositeur qui a le mieux exprimé "l'Âme russe" , et non ces "pisse-froid" du Groupe des Cinq !

Un autre niveau de lecture , et peut-être, sûrement même, le plus cher au coeur de l'auteur est cette "défense et illustration" de l'homosexualité que l'on retrouvera tout au long du roman.
Un thème cher à Dominique Fernandez qui n'a jamais fait mystère de son homosexualité. Certes on le voit mal défiler à la Gay Pride mais ses livres parlent pour lui : l'homosexualité est un thème majeur de son Oeuvre.
La destinée du compositeur russe ne pouvait que trouver des résonances en lui. le procès intenté à Tchaikovsky , Dominique Fernandez le voit comme la défense d'une socièté hypocrite dont le "ciment" essentiel est le mariage. L'homosexuel est l'a-social par excellence et par essence. le rebelle et le paria. Dans des pages superbes, et convaincantes, le romancier brosse le portrait de l'artiste homosexuel, nouveau Christ en vindicte à tous les conservatismes. On pense à Pasolini dont Fernandez est fin connaisseur de l'oeuvre. Ajoutez-y la part maudite que portent en eux les génies et les artistes et vous aurez en Tchaikovsky le paradigme de l'artiste maudit immolé sur l'autel de la Société. Sacrifice nécessaire à la continuation de cette même socièté.
En effet Tchaikovsky, dans l'hypothèse envisagée par l'auteur, aurait pu échapper facilement à la sentence fatale : amende honorable, émigration (il était connu et célébré mondialement), point de chute en Italie où résidait son frère Modeste....mais c'est en toute connaissance de cause qu'il avala l'eau contaminée : fatum fatum.... qui lui était destinée.

Enfin, last but not least, l'on peut tout aussi bien s'attacher aux péripéties musicales russes contées avec brio et savoir. le passionné de musique en apprendra beaucoup sur la vie musicale russe de cette fin de siècle. Je confesse d'ailleurs, ça n'intéressera personne mais je le dit quand même :-) ,que j'ai rédigé toute cette critique en écoutant du Tchaikovsky, et notamment la 6e symphonie (La Pathétique) dans l'incroyable interprétation de Cyril Kondrashine et du Philarmonique de Moscou (dispo sur You Tube). Une interprétation fantastique qui rend hommage au plus russe des musiciens.
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Un très beau roman. Tchaïkovski est mort en 1893, du choléra dit l'histoire officielle. Pour l'auteur, la vérité est toute autre. le compositeur de Casse-Noisette aurait été victime de l'hypocrisie de la Russie des Romanov. Il ne faisait pas bon être homosexuel à la fin du XIXe siècle ou alors, il fallait l'enfouir profondément dans sa vie. C'est l'occasion pour Dominique Fernandez de nous décrire Saint Pétersbourg sa création et sa vie de capitale fabriquée de toutes pièces. L'occasion aussi de nous montrer un pays qui laisse entrer un peu du monde moderne mais qui ne comprend pas que ce sera trop peu et trop tard.
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Un merveilleux voyage dans le St Petersbourg de la fin du xix siècle, la vie mondaine de l'époque et au milieu Piotr Tchaïkovski qui est le thème du livre sa musique ses passions et sa fin tragique Un livre dont on ne sort pas indemne
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
"Une belle surprise, reprit Alexandre. Depuis ton dernier séjour, la demeure du poète a été transformée en musée. Tu verras le manuscrit d'Eugène Onéguine."

Eugène Onéguine! Les élèves de l'Ecole connaissaient par cœur ce roman. La vie paisible de Tatiana à la campagne, le rite des confitures avec la vieille nounou, l'arrivée inopinée d'Eugène dans la maison engourdie, l'émoi subit de la jeune fille à l'apparition de l'étranger, les affres du premier amour, la longue lettre qu'elle lui écrit au cours d'une nuit fiévreuse, le dédain moqueur avec lequel il reçoit cet aveu : nous nous récitions ces vers avec la ferveur de notre âge. La froideur d'Onéguine nous paraissait un modèle insurpassable de comportement masculin. Eugène reste indifférent à la confession passionnée de Tatiana, puis il tue en duel, le plus calmement du monde, son meilleur ami, le lyrique et enthousiaste Lenski. Ainsi pensions-nous, faut-il se conduire en méprisant les sentiments et en laissant aux femmes et aux ténors la faiblesse d'héberger un cœur.
Quelque vingt ans après notre sortie de l'Ecole, Tchaïkovski avait tiré, du poème de Pouchkine, son plus bel opéra. Et tout à coup, son ouvrage m'apparut sous un aspect différent. Pouchkine, lui, ne songe à rendre, dans la lettre d'amour de Tatiana, que l'effusion d'une âme innocente.

"Je te reconnus tout de suite,
Soudain, mon cœur battit plus vite
Et je me suis dit : le voilà!".

Plus vite : Tchaïkovski broda sur ces mots une succession de rythmes rapides et haletants confiés aux instruments à vent. Dans cette envolée de triolets à la clarinette et au hautbois, faut-il entendre seulement le chagrin, la plainte de la petite provinciale repoussée par le dandy ? Combien cette lecture, à présent, me paraissait insuffisante ! Il est évident que la Tatiana du compositeur exprime quelque chose de beaucoup plus vaste et poignant que la déconvenue d'un premier amour. A travers son chant s'exhale le désarroi de toutes les femmes que les maléfices du hasard ou leur propre penchant au sacrifice attirent vers un homme incapable par nature de répondre à leur élan.

page 164/165
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Piotr Ilitch Tchaïkovski :

"Ivan Tourgueniev, me voyant un jour à sec, m'invita chez lui, 50, rue de Douai, sur les premières hauteurs de Montmartre. C'est là que Pauline Viardot conservait le manuscrit de Don Giovanni ..... Aujourd'hui, après avoir lu l'Œuvre de Zola, j'aurais un motif supplémentaire de m'intéresser à cette rue. Quel dommage qu'on ne sache pas à quel numéro le peintre avait son atelier.... Je n'aime guère Zola vous savez, l'Assommoir me semble un roman ordurier mais je lui pardonne pour les pages de l'Œuvre où il évoque cette sorte de possession dont le créateur devient l'esclave : "Dès que je saute du lit, le matin, le travail m'empoigne, me cloue à ma table, sans me laisser respirer une bouffée de grand air ....."
"J'ai donc logé quelques jours chez Ivan Tourgueniev et Pauline Viardot, dans ce quartier délicieux où l'on croise les ombres de Berlioz et de Renan, de Georges Sand et de Chopin. Bizet, un autre forçat de l'art, qui habitait au 22, venait en voisin, déjà gravement atteint à la gorge
Absent de Paris pour la première de Carmen, j'ai assisté, un an plus tard, à la reprise, toujours avec Galli-Marié, à l'Opéra Comique. Je tiens Carmen pour le seul opéra contemporain novateur. Mes modestes activités de chroniqueur musical n'ont d'autre mérite que d'avoir prédit, dans un article écrit en 1880, que Carmen deviendrait dans une dizaine d'années l'opéra le plus populaire au monde. C'est cette exemple qui m'a encouragé, dès 1877, quand j'ai commencé Eugène Onéguine, à porter sur la scène des épisodes de la vie de tous les jours. Je précise ces dates, pour que vous ne croyiez pas que je me pare des plumes du paon.

page 298 - (pour les lecteurs de La danseuse de Modiano, la rue de Douai est celle du studio Waker)
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- Les Saisons de Tchaïkovski

"Cette œuvre, dis-je, suffirait à écarter un des reproches le plus souvent adressés à Tchaïkovski. On l'accuse de singer l'Occident. Seul un Russe pouvait avoir l'idée d'évoquer son pays d'après les douze mois de l'année. En France, la richesse du sol, le relief des montagnes, le découpage des côtes, la diversité et la mobilité des paysages (je récitais la leçon apprise chez Apraxine) créent une variété d'impressions presque infinie. Alors qu'en Russie où la nature est pauvre, égale sur des centaines de verstes, la plaine couverte d'une végétation uniforme, sans accidents ni surprises, la steppe parsemée d'arbres rares et rabougris, le seul changement est introduit par l'évolution du climat. Mois par mois, on sent la terre bouger, vivre, se renouveler. Un tableau géographique serait d'une monotonie décourageante. Il faut peindre la Russie par ses saisons, dont chacune a ses travaux, ses fêtes, ses plaisirs, ses chants, ses danses. Nul comme Tchaïkovski, dans ces douze miniatures pour piano, n'a réussi à rendre les vicissitudes de chaque mois, les nuances, les reflets, les murmures qui ne sont jamais les mêmes d'une partie de l'année à l'autre ...."

Olga m'interrompit. "Quelle sensibilité exceptionnelle!" fit-elle d'un ton sarcastique.
J'interrogeais Nicolas du regard. Gêné, il bredouilla quelques mots "Elle n'est plus d'accord avec cette musique depuis que ....."
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Evêque coadjuteur, deuxième de la hiérarchie après Mgr Isidore, candidat à la succession du métropolite de Saint-Pétersbourg et Novgorod, le Père Georges Terenski n'était parvenu à cette haute position qu'à force de volonté personnelle et d'énergie.
Fils d'un prêtre rural, il gardait de son enfance le souvenir de disettes et d'expédients honteux. Maïokovo était un des villages les plus pauvres d'Ukraine. Où trouver l'argent pour manger ? Par quels moyens survivre ? Trois fils, trois filles et une femme à nourrir pour le pope, à qui la commune prêtait une maison et un champ. Aucun traitement fixe, quelques subsides çà et là, à lui de se débrouiller. Et "se débrouiller" pour le Père Macaire Terenski, consistait à exploiter la crédulité du peuple. Il mettait les sacrements aux enchères : trois kopecks pour la confession, dix pour la communion, quarante pour le baptême. Le prix d'un mariage variait entre deux et cinq roubles, un enterrement coûtait de un à deux roubles. Il refusait l'extrême-onction si on ne lui donnait pas la plus belle oie de la basse-cour ou un cochon de lait.

page 257
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Du marécage et du brouillard surgirent, par décision de Pierre le Grand, des perspectives rectilignes, des façades bleues et vertes, des flèches dorées, des palais solennels, des arcs de triomphe, des propylées monumentaux, qui non seulement s'accordent à l'immensité de l'espace russe, mais équilibrent leurs lignes et leurs couleurs en un tout homogène. Dômes et pointes, péristyles et galeries, frontons et portiques, ce mirage d'une beauté absolue est posé comme une évidence entre le fleuve et les canaux de Saint-Pétersbourg.
A peine descendu du train de Moscou et cahoté dans la voiture qui m'emmenait sur la Perspective au trot rapide deux chevaux du Caucase, je retrouvai intact l'émoi de mes premiers séjours. Quel ravissement une fois de plus!
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Arthur Dreyfus Journal sexuel d'un garçon d'aujourd'hui - éditions P.O.L: où Arthur Dreyfus tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Journal sexuel d'un garçon d'aujourd'hui" et où il est notamment question d'intensité de vie et d'écriture, de rencontres sexuelles et de leurs retranscriptions, du désir et de l'amour, de la pulsion de mort, de sexualité gay et des 2300 pages du livre, de honte et de morale, de repentir et de rédemption, d'Emmanuel Carrère et de Michel Foucault, de Guillaume Dustan et de Dominique Fernandez, de Grindr et de plans, de vérité et d'intimité, à l'occasion de la parution de "Journal sexuel d'un garçon d'aujourd'hui" aux éditions P.O.L, à Paris le 19 février 2021
"il faut en finir avec le malheur d'être gay"
"Pendant quelques années, il m'est apparu impossible d'avoir ce qu'on appelle un rapport sexuel sans l'écrire."
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