La lecture d'une récente critique du roman «
cinema », de
Tanguy Viel, m'a donné envie de vous parler de ce livre d'
Alice Ferney, que j'ai lu avant de connaître babélio. Je ne sais pas ce que je penserais de cette lecture aujourd'hui, mais l'avis de 2Paul sur «
Cinéma » m'a donné envie de me replonger dans mes sensations de l'époque :
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"Demain soir et les soirs suivants prépare toi à dormir seule. Je ne rentrerai pas. Je ne rentrerai pas dans une maison où ma femme est installée devant la télévision, voit le même film depuis trois mois, ne se lève pas pour me préparer à dîner, et se couche sans me regarder !".
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Voilà ce qu'annonce le mari d'Elsa à sa femme alors qu'elle vient de se refuser à lui une énième fois. Elsa est dans une phase de questionnement, n'est plus tout à fait épanouie dans son couple, se perd dans son rôle de mère et de femme au foyer. Elle a besoin de comprendre ce qui lui arrive et ce qui arrive à son couple, mais ne trouve pas de réponse à ses questions et n'arrive plus à communiquer avec son mari.
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Pour réfléchir sur elle-même, elle se plonge chaque soir dans l'oeuvre (bien réelle) de Mankiewicz intitulée "Chaînes conjugales", parue en 1949, période au cours de laquelle les femmes se sont émancipées professionnellement, financièrement et sentimentalement. On a toujours plus de recul sur la vie des autres que sur la nôtre, et il est plus facile pour Elsa d'analyser ces couples pour mieux comprendre le sien, et comprendre ce qui ne va plus dans le sien. Cela lui permet d'appuyer sur pause et de repasser un moment du film pour y réfléchir.
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Et pour cause : le film qu'Elsa visionne régulièrement raconte lui-même l'histoire de trois couples en danger : Un genre de « desperate housewives », dans lequel trois amies reçoivent une lettre d'une quatrième femme. Celle-ci leur dit qu'elle part dès ce soir avec le mari de l'une des trois. Bien sûr, durant toute la journée chacune se demande si ce sera son couple qui est fini.
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Nous assistons donc, à travers le regard d'Elsa, aux scènes clés du film et notamment aux flash-back sur chaque couple destinés à faire deviner au spectateur lequel des trois maris est parti. Et, tandis que les personnages du film deviennent presque également des personnages du livre, chaque image du drame qui se joue sous ses yeux fait réfléchir Elsa sur son propre couple, sur l'amour, le lien conjugal, la vie de femme, les torts partagés, etc…
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Elsa a déjà vu ce film beaucoup de fois, mais cette fois est particulière pour elle, depuis l'annonce de son mari. Va-t-il vraiment la quitter ? Leur histoire peut-elle vraiment se terminer ainsi sans qu'aucun des deux époux ne soit plus capable de faire un pas vers l'autre ? Ce roman est finalement l'analyse d'Elsa de la vie de couple, à travers sa propre expérience mais enrichie de celle des trois héroïnes de son film préféré.
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Ce livre ne plaira pas à tout le monde mais pour moi c'est un coup de génie, un livre intelligent qui, plus qu'analyse, dissèque en parallèle la vie de couple d'une ex-danseuse et le film qu'elle regarde chaque soir pour s'endormir. Et, finalement, ce ne sera pas une analyse inutile pour Elsa, même si au départ c'est (délicieusement) déstabilisant pour le lecteur.
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Ce que j'adore chez
Alice Ferney, c'est qu'elle propose à chaque fois une immersion totale dans un univers complètement différent. Son écriture et la façon dont elle aborde le sujet m'a complètement séduite : La réflexion est très poussée, détaillée. le thème est abordé de manière très originale mais, attention, c'est un livre qui demande de la concentration. Certains du coup l'ont trouvé trop touffu, ou trop lent (du fait des arrêts sur image et du fait que l'héroïne dissèque chaque scène pour y trouver des réponses). Si vous vous lancez, ne vous attendez pas à une histoire banale qui défilerait sous vos yeux : Lisez-le pour découvrir une vraie réflexion sur le lien conjugal et un mode de narration différent.