Il est toujours courageux de parler d'amour. le présenter comme le nouveau "principe de sens" de la vie est franchement téméraire. L'amour comme succédané de la raison des Lumières, c'est déjà osé. Mais l'amour qui renvoie le divin au moyen âge et le cosmos à l'Antiquité, c'est l'ériger en puissance universelle. C'est bien là l'ambition de
Luc Ferry, nous présenter l'amour comme débordant l'intime de la sphère privée pour envahir l'espace public. Tout, partout et tout le temps, l'amour nous dirige, un vrai principe de sens. Comment en serait on arrivé là ?
Par le mariage d'amour, concept historiquement récent, né du salariat qui éloigna les femmes de leur famille et paroisse. Les conditions de la révolution industrielle auraient à l'époque eu raison du mariage... de raison, ouvrant la porte à l'intrusion de l'amour dans le mariage. A partir de là, nous nous sommes mis à aimer notre proche, puis nos proches, les enfants en particuliers, et enfin notre prochain, l'autre plus éloigné. Pour preuve, ce souci de l'humanitaire né sur les décombres de la colonisation, un vrai progrès de l'amour.
Pour le meilleur ? Pas sur nous dit l'auteur. L'amour est un beau principe mais difficile à appliquer, autant dans les couples, qu'avec les enfants et même vers notre prochain, prolongé même sur plusieurs générations par l'avènement du mouvement écologique.
L'essai est séduisant, là ou
Lipovetsky ne voyait que du vide dans les nouvelles générations, Ferry y voit de l'amour. Qui ne serait tenté de le suivre ? Et c'est peut être ici que l'ouvrage fléchit. Certes, l'écriture est accessible, la narration fluide et agréable, mais l'argumentation est parfois faible, ténue ou très rapide. L'Antiquité renverrait sans doute l'ouvrage aux sophistes. La volonté d'amarrer l'amour privé à son influence publique tout azimut, par l'enseignement et l'art, tourne par exemple en considération très personnelles de l'ancien Ministre de L'Education.
Nonobstant, ces tendances, l'ouvrage se lit bien et procure une vraie bulle d'air. de l'Amour au centre de notre principe de vie bonne, cela nous sourit et nous apaise. Hasardeux peut être mais la lecture fait du bien...