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EAN : 9782259217149
350 pages
Plon (26/09/2013)
3/5   2 notes
Résumé :
Un dialogue passionnant entre un Cardinal et un philosophe athée autour des grandes interrogations de l'existence humaine, à partir des valeurs que chacun considère comme susceptibles d'enrichir l'autre. En quoi le message de Jésus est-il encore actuel dans notre société moderne et laïque ?

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critiques presse (1)
Lexpress
18 octobre 2013
Le philosophe Luc Ferry et le cardinal Ravasi ne partagent pas la même foi. Pourtant, dans ce dialogue de haute volée, croyants et non-croyants s'y retrouvent.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Dans le message chrétien, l'amour occupe la première place. c'est lui qui sauve, lui aussi, ou son manque, ou ses déviations, qui peut nous perdre et nous vouer à la damnation. C'est là ce qu'indique assez clairement la première Epître de jean (1 Jean 1, 9-10, 1 Jean 2, 11 sqq):

" Celui qui prétend être dans la lumière tout en haissant son frère est encore dans les ténèbres. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et il n'y a en lui aucune occasion de chute (...) Car tel est le message que vous avez entendu dès le début : nous devons nous aimer les uns les autres (...) Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères. celui qui n'aime pas demeure dans la mort."
(...)

Dans sa première encyclique, Deus caritas est ("Dieu est amour"), qui emprunte son titre à la première Epître de Jean que nous avons citée, le pape Benoît XVI a posé à propos de ces textes, et notamment de ladite Epître, quatre questions qui vont directement à l'essentiel, quatre questions auxquelles il apporte des réponses fermes et clairs d'un point de vue chrétien Voyons les questions et envisageons pour commencer les réponses qui leur sont données à partir de la foi en un Dieu d'amour, avant de nous demander quelle signification elles pourraient bien avoir encore de nos jours d'un tout autre point de vue, celui des Gentils, des non-croyants et du monde de la laicité dans lequel vivent nos sociétés démocratiques.

Première question : le christianisme, quand il parle d'amour, entend-il la même choses que tout un chacun dans le "monde réel"? L'amour, comme l'Etre chez Aristote, s'entend en plusieurs sens : on peut aimer la justice ou sa patrie, le bien ou le vrai, les beaux paysages ou les belles oeuvres d'art, mais quel rapport avec ce qu'on entend le plus souvent par le mot amour, à savoir la passion amoureuse, qui inclut l'Eros, entre un homme et une femme ? Bref, le mot est-il équivoque ou univoque, et quel est à cet égard l'enseignement de Jésus-Christ ?
Deuxième question, qui fait directement suite à la première : quelle place, dans l'amour chrétien, pour la passion érotique ? Le christianisme n'a-t-il pas depuis toujours, comme le lui reproche Nietzsche, rejeté éros de toutes ses forces, le condamnant comme impur et fautif a priori ? Du reste, (...) le terme n'apparaît jamais, pas une seule fois, dans le Nouveau Testament. Et si cette lecture nietzschéenne n'est pas la bonne (bien que, comme le reconnaît le pape, une telle tendance à nier l'éros existe indéniablement au sein de l'Eglise), quelle place convient-il de lui accorder dans la relation entre hommes et femmes ? Comment situer éros par rapport aux autres mots de l'amour, philia, mais surtout par rapport à agapè, le terme que Jean utilise pour désigner Dieu -o Thèos agapè estin : Dieu est "agapè", amour (Deus caritas est) ?
Troisième question :comment comprendre les paroles du Christ que nous venons de citer selon lesquelles les deux commandements -aimer Dieu, aimer son prochain- ne font qu'un ? En quoi aimer Dieu et aimer les autres sont-ils liés entre eux au point d'être finalement identiques ? En quoi sont-ils fondateurs par rapport à la loi et aux prophètes ?
Quatrième question: comment peut-on aimer Dieu, alors que nous ne le voyons pas, qu'il n'est pas un être de chair et de sang ? Et cette question se dédouble en une autre : comment l'amour pourrait-il faire l'objet d'un commandement, alors qu'il semble être d'abord et avant tout un sentiment qui s'empare de nous, nous gagne pour ainsi dire à notre insu et ne saurait à ce titre être forcé par la volonté ?

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C'est avec la façon dont l'épisode du déluge est traité dans les deux traditions que l'on voit émerger la conception grecque et la conception juive de la loi -deux conceptions auxquelles Jésus va justement opposer sa philosophie de l'amour. Quel rapport y a-t-il, e, effet, entre l'histoire du déluge et des représentations de la loi ? Pour aller à l'essentiel, le lien est le suivant : avec le déluge, les hommes découvrent l'hostilité d'une nature qui peut tourner à la catastrophe et devenir meurtrière. Mais chez les Grecs, cette hostilité ne va être considérée que comme passagère, et l'harmonie cosmique se rétablit aussitôt après la catastrophe de sorte que, de l'ordre du cosmos, il est à nouveau possible de tirer la loi -la cité juste étant celle qui imite l'ordre naturel, l'ordre cosmique.
Au contraire, dans la version juive du même déluge, la réconciliation avec la nature ne se fera jamais, son hostilité demeurera pour toujours, de sorte que la loi sera par essence, pour les Juifs, antinaturelle, une lutte contre la nature en nous (égoisme et paresse sont nos données naturelles) comme hors de nous, pour nous protéger, nous défendre contre les agressions éventuelles d'une nature menaçante. A cet égard, le judaisme va opposer à la mythologie grecque une tout autre conception de la nature, à partir pourtant du même récit du déluge. Chez les Grecs, après la rupture, la "belle totalité grecque" se reconstitue sur fond d'une quadruple harmonie : harmonie retrouvée en l'homme et la cité, entre les hommes eux-mêmes, entre les hommes et les dieux. La loi est à nouveau tirée du cosmos, elle imite son ordonnancement harmonieux : c'est ce qu'on pourrait appeler le cosmologico-éthique, ou encore le cosmologico-politique, au sens où, encore une fois, la cité juste est celle qui reflète les hiérarchies naturelles inscrites dans l'ordre cosmique.
Loi naturelle chez les Grecs, loi antinaturelle chez les Juifs, donc, et ce sont ces deux conceptions de la loi que la philosophie de l'amour qui ressort du Sermon sur la montagne va dépasser d'un même mouvement.
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Le sens de deux paraboles fondamentales du point de vue laic : celle du bon Samaritain, celle du Jugement dernier.

La parabole du bon Samaritain (Luc, 10, 25-37) requiert, pour être comprise dans toute son ampleur, que l'on ait à l'esprit ce que représentaient les Samaritains aux yeux des Juifs de l'époque du Christ : la lie de l'humanité, pire que les Roms d'aujourd'hui aux yeux d'un petit Blanc d'extrême droite. Traiter quelqu'un de "Samiratian", c'était le comparer à Satan ou peu s'en faut, comme en témoigne l'insulte faite à Jésus par les Juifs orthodoxes en Jean , 8. 48 ("Les Juifs lui répondirent: N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon?"). C'est avec ce regard qu'il convient d'apprécier l'esprit d'ouverture, inimaginable en ce temps-là qui parcourt ce texte. A un légiste qui lui demande qui est son "prochain", Jésus répond par cette parabole dont je résume la substance : un homme qui descendaient de Jérusalem à Jéricho est attaqué par une bande de brigands qui le rouent de coups et le laissent pour mort après l'avoir dévalisé. Un prêtre qui passe par là détourne le regard et poursuit son chemin. Un lévite fait de même, mais un Samaritain qui suit la même route voit le blessé, se penche sur lui, le soigne, le conduit dans une hôtellerie, donne de l'argent à l'hôtelier pour qu'il prenne soin du malheureux. A ton avis, demande Jésus au légiste, "qui est le prochain de l'homme tombé aux mains des brigands", et le légiste, embarrassé, est bien forcé de convenir que le prochain, c'est évidemment le Samaritain, celui qu'on croyait le plus lointain.
La leçon de la parabole est claire, on parlerait aujourd'hui pour la résumer au mieux d' "universalisme abstrait": l'amour du prochain n'est pas réservé aux seuls membres de la communauté, il s'étend aux goys, aux Gentils, c'est-à-dire potentiellement à l'humanité tout entière, à tous ceux que nous pouvons aider sur notre chemin de vie. A cet égard, l'universalisme républicain, jusques et y compris dans sa composante laique et anticommunautariste, est un héritage direct du christianisme. C'est là notamment ce qu'avait parfaitement vu Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique. Tocqueville condamne avec la plus grande fermeté la manière dont les Européens se sont conduits avec les populations indiennes ou d'origine africaine. "Le succès de Cherokees, écrit-il, prouve que les Indiens ont la faculté de se civiliser", et il s'oppose absolument à l'esclavage :

"Le christianisme est une religion d'hommes libres. Dans l'idée chrétienne, tous les hommes naissent libre et égaux", en quoi la Déclaration des droits de l'homme, charte de notre républicanisme, lui apparaît à juste titre comme une sécularisation de l'idée d'égalité chrétienne telle qu'elle s'exprime à travers les grandes paraboles de Jésus, et notamment celle du bon Samaritain : "C'est nous, les Européens, écrit Tocqueville, qui avons donné un sens déterminé et pratique à cette idée chrétienne que tous les hommes naissent égaux et qui l'avons appliquée aux faits de ce monde. C'est nous qui, en détruisant dans tout le monde le principe des castes, des classes, en retrouvant, comme on l'a dit, les titres du genre humain qui étaient perdus, c'est nous qui, en répandant dans tout l'univers la notion de l'égalité des hommes devant la loi, comme le christianisme avait crée l'idée de l'égalité de tous les hommes devant Dieu, je dis que c'est nous qui sommes les véritables auteurs de l'abolition de l'esclavage."

Belle méditation, qui établit, avec beaucoup de finesse, une filiation entre l'idée républicaine et l'héritage chrétien : l'égalité devant Dieu, transposé en égalité devant la loi, n'est au fond qu'une sécularisation réussie de la parabole du bon Samaritain : comme elle, elle ouvre la notion du prochain à un universalisme abstrait en ce sens qu'il fait, en effet, abstraction de touts les appartenances communautaires pour étendre en principe l'idée de fraternité à l'humanité tout entière.


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Certains ont choisi une lecture exclusivement historique du personnage de Jésus, d'autres ne l'ont approché que comme une icône divine, en le privant de sa dimension charnelle. Les premiers ont choisi de représenter un Christ révolutionnaire ou, encore, un maître de morale, tel un Socrate chrétien; les seconds ont conduit aux transfiguration gnostiques des premiers siècles qui nient la mort sur la Croix, considérée comme scandaleuse (on en retrouve trace jusque dans le Coran qui voit un sosie juif de Jésus prendre sa place sur la Croix). Pourtant, ainsi que l'écrit Jaroslav Pelikan dans son essai Jésus au fil de l'histoire : sa place dans l'histoire de la culture (Hachette Littérature, 1989) : "Au-delà de ce que quiconque pense ou croit de lui, le personnage de Jésus de Nazareth a dominé pendant près de vingt siècles l'histoire de la culture occidentale." Il continue de répandre à travers le monde cette question posée à ses disciples un jour qu'ils se trouvaient à Césarée de Philippe : "Hymeis de tina me léghete éinai ?" - "Mais vous, qui croyez-vous que je suis ?" (Matthieu 16, 15).
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On prête au philosophe Michel Serres ce mot spirituel et profond, prononcé au lendemain de l'extraordinaire succès des Journées Mondiales de la Jeunesse qui se sont tenues à Paris: "En 1968, pour faire ricaner nos étudiants, nous leurs parlions de religion et, pour les passionner, de politique. Aujourd'hui, c'est l'inverse."
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