Moi, Jennifer Strange, tome 1 : Dernière tueuse de Dragons

Mère Zénobie dit que la magie est comme l'or mélangé au sable (…). Ça vaut plein de sous mais ça ne sert à rien si on ne peut pas l'extraire.

- Vous lisez dans les pensées ?
- Seulement en cas de sentiments passionnés. Les pensées ordinaires sont assez ennuyeuses. Les idées puissantes ont une vie propre, elles se transmettent d'être en être, inchangées.

Kazam, c'est une société de management des sorciers. La magie fait partie de nos vies, elle est partout et elle est utilisée par tous. Et nous, enfin moi maintenant, on place nos sorciers pour ces tâches. Seulement, depuis quelques années, la magie est de moins en moins importante. Comme si nous avions épuisé la ressource. Après tout c'est peut être le cas. Malgré tout, l'un de mes clairvoyant a vu une chose inimaginable: la mort du dernier dragon. Et ça, ça veut dire folie et ruée vers l'or immobilier. Parce qu'à la mort d'un dragon, sa terre devient libre de tout droit. Et le premier arrivé est le premier servi.

J'ai contemplé la Dragonie déserte puis les gens qui continuaient d'affluer, répondant à l'appel de l'argent en une espèce d'instinct grégaire profondément enraciné. Le lait de la bonté humaine était en train de cailler.

« L'argent est une forme d'alchimie, m'avait souvent dit Mère Zénobie, il transforme de braves gens normaux en bêtes cupides, ne désirant qu'amasser toujours plus. »

- Exorbitus, a dit le vieil homme d'une voix grave et respectueuse. L'épée du Tueur de dragons. Seuls lui-même et son apprenti ont le droit de la toucher. Qu'une main non autorisée y pose un seul doigt et « pouf » !
- Pouf ? ai-je demandé.
- Pouf, a confirmé le vieillard.
- Quark, a dit le quarkon qui comprenait les informations importantes lorsqu'il les entendait.

- (…) Est-ce que vous auriez quelque chose pour que Patty Simcox tombe amoureuse de moi ?
(…)
- On pourrait faire quelque chose, oui, mais ce ne serait plus Patty Simcox, juste un morceau d'elle, la partie la plus malléable. Vous auriez l'impression de sortir avec un mannequin de couturier. L'amour est un domaine qu'il vaut vraiment mieux ne pas influencer. Si vous voulez un bon conseil, essayez plutôt l'approche traditionnelle.

- (…) Il est un autre endroit que nous voyons, tu sais. Ni les ondes radio ni les rayons gamma mais un domaine tout à fait distinct : le sub-éther brumeux des 'évènements potentiels'.
- L'avenir ?
- Eh oui, a acquiescé le dragon en levant une griffe. L'avenir. Le pays encore à découvrir. (…) Ne laisse personne te dire qu'il est déjà écrit. Le mieux que puisse faire un prophète, c'est te donner la version 'la plus probable' des évènements futurs. Cet avenir, il nous revient de l'accepter tel qu'il est ou de le changer. Aller dans le sens du courant est facile, le remonter demande un courage singulier.

- (…) vous savez que le Tueur occupe une position tout à fait unique. Il ne répond pas devant un roi mais devant nous tous. Son indépendance ne doit jamais être compromise et on ne doit pas exercer sur lui une coercition.
- Parlez donc comme tout le monde, nom d'un chien ! Par ailleurs : quelle coercition ? a demandé Snodd, choqué. J'ordonne, c'est très différent. Gardes ! Enfermez cette Tueuse de dragons dans la pièce la plus effrayante de la plus haute tour et nourrissez-la de souris lyophilisées jusqu'à ce qu'elle accepte.
- Vous ne pouvez pas faire ça, sire.
- Je ne peux pas ? a répété le roi, qui devenait écarlate de colère. Je ne peux pas ? Je suis le roi. JE SERAI OBÉI.
- Aussi puissante que soit Votre Majesté, même sa plus belle escadre de vaisseaux terrestres supercuirassés n'approche pas de la puissance de la magie.
- La magie ? Bah ! Nous sommes au vingt et unième siècle, monseigneur Premier Conseiller. Vous accordez trop d'importance à des notions obsolètes.

- (…) Suggérez-vous réellement aux téléspectateurs que nous devrions ignorer cet état de fait et consacrer le terrain en question à quelques créatures de valeur douteuse ?
- Ma foi... oui. J'ai vu un troupeau de buzonjis, là-haut. Jusqu'à hier, on les croyait presque éteints.
- Bien sûr, je ne suis pas un expert, a repris Baird sur le ton qu'on prend pour faire comprendre qu'on est bel et bien un expert, mais, à mon avis, vous finirez par convenir que là où les espèces en voie de disparition sont le mieux, c'est encore dans un zoo. À quoi serviraient-ils, sinon, les zoos ? Sans toutes ces espèces en voie de disparition qui les peuplent, les gardiens et les naturalistes se retrouveraient au chômage.

(parlant du dernier dragon encore en vie...).