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EAN : 9782330057879
432 pages
Actes Sud (06/01/2016)
4.03/5   310 notes
Résumé :
En 1941, Dorrigo Evans, jeune officier médecin, vient à peine de tomber amoureux lorsque la guerre s’embrase et le précipite, avec son bataillon, en Orient puis dans l’enfer d’un camp de travail japonais, où les captifs sont affectés à la construction d’une ligne de chemin de fer en pleine jungle, entre le Siam et la Birmanie.
Maltraités par les gardes, affamés, exténués, malades, les prisonniers se raccrochent à ce qu’ils peuvent pour survivre – la camarader... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (102) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 310 notes
Avant même d'être ouvert, ce livre intrigue et attire. Dès sa parution, avant d'en connaître le sujet j'ai eu envie de le lire.
J'ai ressenti une douce mélancolie au seul titre. « La route étroite vers le nord lointain », m'évoque un cheminement difficile vers un avenir improbable.
La couverture me laisse supposer une histoire légère dont l'héroïne serait une très belle jeune femme.

Ce ne fut pas exactement ce que je découvris lors de cette lecture dont le personnage principal est australien, enfant pauvre de la campagne,
Dorrigo Evans est devenu, malgré lui, un héros de la seconde guerre mondiale, officier chirurgien, prisonnier de guerre des japonais il a eu le redoutable honneur de participer au monstrueux et pharaonique chantier de la construction de « la ligne », une voie de chemin de fer qui devait relier le Siam à la Birmanie sur plus de 400 km ; un chantier dément où le Japon en train de perdre la guerre jette toutes ses forces pour décrocher un avantage stratégique.
L'auteur décrit avec un réalisme, parfois insoutenable le quotidien des prisonniers, dans les souffrances qu'ils ont dû endurer. La faim, la maladie, la violence et la mort sont omniprésents dans ces lignes.

Mais ce livre est aussi l'histoire d'une passion amoureuse, celle que Dorrigo éprouve pour Amy, la jeune épouse de son oncle.

L'amour, la mort, la vie sont décrits avec tellement de force que j'en suis ressortie un peu groggy mais avec l'assurance d'avoir lu un livre exceptionnel.

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Après la reddition des Forces Alliées à Singapour en février 1942, soixante mille prisonniers de guerre sont affectés à la construction d'une voie de chemin de fer qui doit relier le Siam à la Birmanie. L'enjeu de cette folle et meurtrière entreprise - qui dure un an et demi et fait des milliers de victimes civiles et militaires - est pour les Japonais, même s'ils affirment vouloir rendre l'Asie aux Asiatiques, un accès au Raj britannique.

Parmi les forçats de cette « voie ferrée de la mort », avec les populations autochtones, il y a de nombreux Australiens, dont le propre père de l'auteur. Un survivant de l'enfer birman incarné par Dorrido Evans, médecin désabusé qui se bat pour sauver des vies anéanties par la violence et les conditions extrêmes.

Evans, un homme qui, au seuil de la vieillesse, ne se reconnait pas dans le héros de guerre qu'il est devenu malgré lui. Qui estime simplement avoir mieux réussi à vivre qu'à mourir, et que la guerre, qui ne se fait pas entre des héros et des salauds, est seulement l'expérience indépassable d'une vie d'homme, un traumatisme estompant tout ce qui existe avant et après, sauf peut-être un grand amour.

Par-delà le bien et le mal, La route étroite vers le nord lointain est un cheminement bouleversant à la rencontre des victimes de cette déraison humaine qu'est la guerre.
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La route étroite vers le nord lointain, voilà un titre étrange qui a attiré mon oeil car c'est un titre emprunté au fameux poète japonais Bashō.

Ce roman aborde la Seconde Guerre Mondiale par des côtes que je ne connais pas : celles de l'Australie et du Japon. L'Empire du Japon lance en 1942 la construction, à des fins commerciales et conquérantes, d'une ligne de voie ferrée reliant le Siam (la Thaïlande) à la Birmanie. Cette ligne a été construite par des “romusha” (travailleurs forcés) issus des colonies japonaises et traités comme des esclaves ainsi que par des prisonniers de guerre Alliés, notamment des australiens.

C'est cette partie qui m'a amenée vers ce livre car je comptais améliorer mes connaissances sur le plan historique en m'appuyant, comme j'en ai l'habitude, sur l'enrobage de fiction pour mieux faire passer la leçon.

Le côté fiction c'est l'histoire de Dorrigo Evans, un médecin et officier australien, prisonnier sur “la voie ferrée de la mort”, en proie au questionnements incessants qui mitraillent le cerveau humain sur les tourments de la guerre, de l'amour et de la vie en général.
On croise également une galerie de personnages de tous bords, prisonniers australiens qui tentent de survivre, rescapés tentant de re-vivre, officiers japonais, gardes coréens et civils, tous ayant la conscience tourmentée par des questionnements similaires.

Si j'ajoute que le récit se fait dans une totale absence de linéarité qui m'a beaucoup gênée, le résultat à mon sens, bien que tout soit parfaitement écrit et maîtrisé, est un roman aussi plombant qu'un confinement forcé et nous en dit tout autant sur la nature humaine.
L'analyse psychologique des personnages est en effet très poussée et très réaliste, peut-être trop. Il y a tellement de gâchis, d'amours contrariées, de morts inutiles, de mensonges justifiés, et finalement d'humanité dans tout ce qu'elle a de plus imparfait que j'ai fini le livre avec un dégoût de tout, une envie de trouver une branche à laquelle m'accrocher (avec ou sans corde ??)

Bref, pas du tout le genre de livre que j'ai envie de lire en cette période difficile. D'un autre côté si je l'avais lu dans un transat au bord d'une piscine peuplée de mammifères enduits de crème solaire et sautant dans de l'eau potable juste pour y faire mumuse, aurais-je mieux digéré les mensonges, les tortures, les morts insensées et les peines inutiles, pas sûr !!

Allons soyons positifs, ce livre est émaillé de poèmes de Bashō et d'Issa, entre autres, de petites pépites que j'ai gardé dans mon tamis, et pour ma part, c'est tout ce que je veux garder.
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Les récits de guerre ont cela de commun, qu'ils permettent à leurs auteurs d'explorer toutes les facettes et la complexité de l'âme humaine.

Empruntant son titre à un auteur japonais du 17 e siècle, Richard Flanagan nous plonge avec ses héros dans l'enfer vert de la jungle birmane, dans un camp de prisonniers réduits à l'esclavage chargés de construire la voie ferrée entre le Siam et la Birmanie, projet fou, d'un discours idéologique mégalomane et raciste. La route est en effet bien étroite entre les exigences terribles du Bushido, les privations, le mépris de l'homme dans un enfer équatorial de pluie, de boue, et de maladie.

Dorrido Evans se débat avec la condition humaine, avec sa vie, ses amours compliqués, ses faiblesses et son indécision. Notre héros est un médecin militaire australien, et à ce titre le plus haut gradé de ce camp de prisonniers faméliques et exploités jusqu'à la mort, par le terrible Takamura. Il devient un héros malgré lui, alors qu'il semble tout subir de sa vie.

On est bien loin du " pont de la rivière Kwai", point d'héroïsme et de hauts faits, c'est plutôt une vision de la guerre racontée comme un opéra sauvage et une prose magnifique. Les hommes se dissolvent progressivement dans la boue, les insectes et les microbes, dans une compétition terrible avec la nature, qui anéantit la volonté, et les frontières entre le bien et le mal.

Puis, c'est le retour à la vie civile des survivants, tous coupables de quelque chose, de crime de guerre pour les uns, d'avoir survécu au prix de quelques choix douteux et inavouables pour d'autres.

Le récit n'est jamais manichéen, l'auteur explore de l'intérieur les âmes de ses personnages, pour décortiquer les aliénations diverses, les faits culturels et l'éducation, le hasard, le chaos de la guerre, les conventions et les positions sociales, les idéologies, les tentatives de rédemption, les reniements, et les fuites en avant .

J'avais aimé dans le film "apocalypse now", cette vision sombre et très esthétique de la guerre qui dénonce plus fortement qu'un documentaire historique. C'est aussi le cas de ce grand roman. On y voit un hommage, l'auteur s'inspire de la vie de son père, mais il fait un pas vers l'autre, l'ancien ennemi japonais , et on ne peut qu'apprécier ces merveilleux passages sur le rôle de la littérature.

Comme la poussière jouant dans un raie de lumière, cet avant, pendant et après les épreuves de la guerre, nous laisse le goût amer de l'impermanence et de la relativité. Un style magnifique et passionné, nous emporte dans cet univers si lointain dans l'espace temps, si particulier, et pourtant si proche, car c'est de nous tous, dont il est question.








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Ceux qui ont fait la guerre savent que les vrais héros sont ceux qui sont morts et qu'avoir des médailles veut seulement dire qu'on a eu de la chance. Tout le livre tient dans cette affirmation car on sent bien à quel point les quelques survivants d'un des plus épouvantables crimes de guerre généré par le deuxième conflit mondial ressentent comme une culpabilité d'être encore en vie alors que tant d'autres sont morts. Dorrigo Evans, colonel médecin dans l'armée australienne, se retrouve par la force des choses chef d'un camp de prisonniers employés pour construire une ligne de chemin de fer à travers la jungle Birmane. Elle était sensée permettre au Japon l'accès aux matières premières nécessaires à la victoire finale. Des dizaines de milliers d'hommes mourront lors de son élaboration victime des mauvais traitements des gardiens, de la faim et de maladies. La vision de ces individus décharnés, abattus, accablés de fatigue et ployant sous les coups de brutes endoctrinées est épouvantable. Elle est rendue avec une puissance peu commune par un écrivain en état de grâce capable de parler avec la même force de la vie, de la mort et de l'amour. Cet ouvrage est un maelstrom qui mêle avec brio tous les sentiments humains, la détresse de ceux qui sont revenus, l'absence de repentir des bourreaux ou les passions contrariées d'hommes devenus incapable d'aimer. le coeur du lecteur se serre quasiment à chaque ligne. On ne pourra pas faire les frais de ce livre sublime, un des plus beaux édités ces dernières années et aussi un des plus terribles...
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critiques presse (4)
LeDevoir
29 février 2016
«La route étroite vers le Nord lointain» fait revivre l’enfer d’un camp de travail japonais.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Telerama
13 janvier 2016
Puissant et précis, l'auteur décrit l'horreur et la violence, en 1941, d'un camp de prisonniers australiens soumis à la folie d'un commandant japonais.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
12 janvier 2016
Route étroite vers le Nord lointain a l’envergure d’une superproduction internationale.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeFigaro
08 janvier 2016
Avec ce puissant roman de guerre, de captivité et d'amour, l'Australien Richard Flanagan a remporté le Booker Prize 2014.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (133) Voir plus Ajouter une citation
Entretien avec Richard Flanagan par Jean-Claude Vantroyen dans Le Soir du 23/24 janvier 2016 au sujet de "La route étroite vers le nord lointain."

Il y a une scène insupportable au centre du livre. Pendant la dernière guerre, un prisonnier australien dans un camp japonais est battu à mort devant l’ensemble des militaires détenus. C’est horrible. Pas à cause des coups, mais parce que personne ne bouge, parce qu’aucun des Australiens ne se lève. Tout le monde est paralysé, assurant ainsi sa survie.

Il y a une scène magnétique dans ce livre, quand Dorrigo, qui deviendra le chef des détenus dans ce camp, rencontre Amy dans une librairie, une fleur rouge dans les cheveux. «Ses yeux avaient le bleu incandescent de la flamme du gaz. Des yeux féroces.»

Entre ces yeux, la cruauté des Japonais du camp, la vie foutue des survivants, les femmes de Dorrigo, le souvenir obsédant d’Amy et celui, culpabilisant, de Darky, le soldat tué devant tout le monde, le travail harassant des prisonniers construisant une voie ferrée à travers la jungle siamoise, les maladies, Richard Flanagan tisse une ou plusieurs histoires passionnantes, émouvantes, poignantes, remuantes, bouleversantes. Dans un style simple et intense, qui exige la participation active du lecteur, l’écrivain de Tasmanie a façonné un grand roman qui englobe l’amour et le pouvoir, la mort et l’oubli, la mémoire et la littérature.

Est-ce facile de vivre après avoir survécu à ces camps de prisonniers japonais, comme l’a fait votre père?

La question n’est pas de savoir si c’est facile ou difficile. Il le faut, c’est tout. C’est comme pour tous ces réfugiés qui fuient la Syrie, qui vivent des histoires terribles. S’il faut sortir de l’enfer, ce que ça coûte n’est pas une question que l’on se pose. Je crois surtout que la survie est due à la possibilité humaine d’oublier. La bataille de la liberté contre le pouvoir est celle de la mémoire contre l’oubli. Mais cela ignore le fait que l’être humain possède un besoin profond, en tant qu’individu et en tant que membre de la société, d’oublier pour un temps. Les gens sont prêts à retourner dans l’ombre et à confronter la mémoire. Mais parfois ce n’est pas possible en une seule vie, parfois les blessures sont transmises aux familles, aux communautés, aux nations et d’autres personnes doivent affronter cette mémoire.

Beaucoup de survivants préfèrent ne rien dire, en effet.

C’est une partie de l’oubli. Il y a des traumatismes profonds, comme l’Holocauste, comme le goulag, comme l’expérience de mon père, qui sont tellement extraordinaires qu’il est vraiment difficile pour un être humain de transmettre leur nature humaine profonde et complète. Les clichés de l’héroïsme et du courage sont tout à fait inadéquats pour qualifier ce que les humains doivent être pour y survivre. Je crois que c’est une expérience incommunicable. La terrible chose à propos de la guerre, c’est que chacun est coupable. Dans mon roman, un homme est battu à mort et, dans un certain sens, tout le monde est coupable, chacun est en même temps une victime et un meurtrier, plein de compassion et de haine, un lâche et un brave. Il est difficile pour ceux qui ont vécu les camps de reconnaître qu’il n’a été ni un héros ni un méchant, seulement un être humain.

Pourquoi avez-vous écrit ce livre?

Il n’y a pas de pourquoi. Je ne pouvais y échapper. Je n’ai jamais voulu l’écrire mais je n’avais pas le choix. Je devais le faire. Sinon j’aurais été incapable de continuer à écrire. C’est un fardeau dont je devais me débarrasser. Mais je n’ai jamais vraiment compris ce qui m’a poussé. Et ça m’a terrorisé.

Dorrigo est le héros. Mais vous suivez d’autres personnages. Ycompris des Japonais. Était-ce nécessaire?

Auschwitz, le Rwanda, le Cambodge, le Moyen-Orient aujourd’hui, ça ne commence pas avec la première balle tirée, mais bien des années auparavant quand des politiciens, des intellectuels, des écrivains, des leaders spirituels ont commencé à dire que des êtres humains n’étaient pas complètement humains. Dès lors, toute atrocité peut être positive: ces gens ne sont pas humains, on peut en faire ce qu’on veut. Si j’écris un roman où je ne présente que les gens qui souffrent, le lecteur ne verra dans les bourreaux que des moins qu’humains parce que leurs actes sont inexplicables. Il me paraissait donc indispensable de voir du côté des bourreaux. Je voulais montrer comment ces êtres humains, et non ces monstres, que sont les officiers japonais, en étaient arrivés à commettre ces crimes, pénétrés par leur «devoir» envers l’Empereur et la spiritualité des haïkus.

Que peut faire la littérature dans notre monde déboussolé?

Il y a un mythe dans la civilisation occidentale que le mot peut exister en tant que perfectionnement moral. C’est un terrible fardeau que porte la littérature. Mais le roman est une des plus grandes inventions de l’esprit humain, qui permet de deviner le chaos au plus profond de nous-mêmes. La littérature n’offre pas un manuel de savoir vivre, mais elle nous rappelle, via le meurtre, la famine, les catastrophes, les désastres, que nous ne sommes pas seuls. Cela ne me semble pas dérisoire. Ce qui nous différencie des autres espèces, c’est qu’on perçoit le monde à travers des histoires et la forme la plus sophistiquée des histoires, c’est le roman. Il offre un aperçu de notre âme. Je ne crois pas que d’autres formes peuvent donner une si belle compréhension de qui et de ce que nous sommes.

Le but de la littérature est de se connaître soi-même?

Je ne crois pas que la littérature a un but. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a un lecteur et qu’elle lui rappelle qu’il y a une autre route, qu’il peut en prendre de la force et de l’espoir et du sens. Et rien d’autre ne peut offrir cela à ce point.

JEAN-CLAUDE VANTROYEN
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Il comprend le culte voué par le Christ aux vertus de la souffrance. Il avait eu une grande discussion avec le père Bob à ce sujet. Il espère que le Christ a raison. Mais lui-même n'est pas d'accord. Non, pas du tout d'accord. Il est médecin. La souffrance est la souffrance. Ce n'est pas une vertu, pas plus qu'elle ne rend vertueux, ni qu'elle engendre nécessairement la vertu. Le père Bob est mort en hurlant, dans la terreur, la douleur, le désespoir ; il était veillé par quelqu'un dont Dorrigo savait par ouï-dire qu'il avait été l'homme de main brutal d'un gang de Darlinghurst avant-guerre. La vertu est la vertu, et comme la souffrance, elle est inexplicable, irréductible, inintelligible.
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Seuls ses pleurs restaient gravés dans la mémoire de Dorrigo Evans. Le son de quelque chose qui se brisait. Leur rythme décroissant lui avait rappelé le martèlement sur le sol des pattes arrière d'un lapin pris au piège, seul bruit qu'il connaissait s'en rapprochant. Il avait neuf ans, était entré pour montrer à sa mère une cloque de sang sous l'ongle de son pouce, et ne connaissait rien de comparable ou presque. Il n'avait vu qu'une fois un homme pleurer, spectacle sidérant quand son frère Tom était descendu du train à son retour de la Grande Guerre en France. Il avait jeté son paquetage sur le ballast brûlant et brusquement éclaté en sanglots.
Regardant son frère, Dorrigo Evans s'était demandé ce qui pouvait faire pleurer un homme. Plus tard, les pleurs devinrent une mode et les émotions un théâtre où les acteurs ne savaient plus qui ils étaient dès qu'ils quittaient la scène. Dorrigo Evans vivrait assez longtemps pour assister à ces changements. Et il se souviendrait de l'époque où les gens avaient honte de pleurer. Peur de la fragilité que trahissaient les larmes. Peur des ennuis qu'elles causaient. Il vivrait assez longtemps pour voir des individus recevoir des félicitations qu'ils ne méritaient pas, simplement parce que la vérité aurait pu froisser leurs sentiments.
Le soir du retour de Tom, on avait brûlé le Kaiser dans un feu de joie. Tom ne disait rien de la guerre, des Allemands, des gaz, des chars et des tranchées dont chacun avait entendu parler. Il ne disait rien du tout. Les sentiments d'un homme ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu'est la vie. Parfois ils ne sont pas à la hauteur de grand-chose. Tom s'était borné à contempler les flammes.
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L'enjeu, dit-il, ce n'est pas seulement la voie ferrée, bien qu'il faille la construire. Ni même la guerre, bien qu'il faille la gagner.
L'enjeu, c'est d'apprendre aux Européens qu'ils ne sont pas la race supérieure, compléta Nakamura.
Et de nous convaincre que c'est nous, ajouta le colonel.
Pendant quelques temps les deux hommes se turent, puis le colonel Kota récita :

"Même à Kyoto
Quand j'entends le coucou
Je rêve encore de Kyoto"

Bashо̄, dit Nakamura.
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Nakamura travaillait avec des cartes, des plans et des graphiques japonais pour imposer l'ordre japonais et la raison japonaise à une jungle sans ordre ni raison, à des prisonniers de guerre malades ou agonisants, dans un vortex apparemment sans cause ni effet, un maelstrom vert grandissant qui tournoyait de plus en plus vite. Ce maelstrom recevait et produisait des ordres, des flots interminables de "romusha" et de prisonniers de guerre qui apparaissaient et disparaissaient, aussi imprévisibles et inconnaissables que la rivière Kwaï ou le bacille du choléra.
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Rencontre avec Richard Flanagan à la librairie La Galerne du Havre pour la parution de "Première personne". 11 septembre 2018.
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