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Laurence Lenglet (Traducteur)
EAN : 9782211031172
332 pages
L'Ecole des loisirs (10/03/1993)
4.64/5   14 notes
Résumé :
Linlow est un village qui s'est arrêté à la guerre de Sécession.
Un village où les parents racontent que les Nègres kidnappent les enfants blancs pour les manger, où l'on parle des yankee, " les amis de négres" comme du diable, où le pasteur terrifie son assemblée tous les dimanches matin, où l'on éduque les enfants au fouet, où les mères font croire à leurs filles que le péché est en elles depuis leur naissance.
C'est aussi un village où les gens le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il y a des livres qu'on regretterait presque d'avoir lu tant la tâche d'en parler semble difficile voire insurmontable. Pourtant, je n'échangerai cette lecture pour aucune autre tant ce qu'elle m'a apporté est inestimable. Sudie de Sara Flanigan est paru pour la première fois en 1986. L'abolition de l'esclavage est votée depuis près d'un siècle, depuis 1865, mais la ségrégation raciale de la population noire américaine continue de sévir et ce même encore aujourd'hui de diverses manières. Ce roman se passe à Linlow, un petit village américain dont le temps s'est littéralement arrêté, comme suspendu. Quand ? On ne nous le dira jamais vraiment et c'est une des nombreuses forces de ce roman : faire de notre indignation, de l'absurdité manifeste de la ségrégation, un sentiment intemporel.

Mais trêve de bavardage, je vous ai déjà embarqué dans ma chronique avant même de vous avoir dit de quoi Sudie allait nous parler. Place au résumé !

Mon résumé

Linlow, un petit village reculé du sud des États Unis, abrite une population majoritairement blanche qui placarde des pancartes à l'entrée de la ville clamant « nègre, sache que tu n'es pas le bienvenue sous le soleil de Linlow », tu n'es pas le bienvenue ici ». Tous les dimanches, un pasteur leur sermonne avec rage et dégoût la nature dangereuse et prédatrice des nègres qui s'approchent des enfants pour les manger et pointe du doigt les yankees comme des engeances du diable. Mais à Linlow il y a aussi Marie-Agnès, une jeune adolescente de 11 ans, bien sous tout rapport, qui serait même carrément angélique si elle ne persévérait pas à entretenir son amitié avec Sudie, une enfant qui préfère se réfugier dans la forêt et marcher pieds nus sur les rails. Jusqu'au jour où Marie-Agnès découvre ce que Sudie fait lorsqu'elle disparaît.

Mon avis

Il vous est sans doute déjà apparu que j'ai aimé ma lecture. Mais même plus que cela je l'ai adorée. Peut-être que, si je l'avais lu en 1986, elle m'aurait effrayée tant ce qui s'y déroule est aussi absurde que dramatique. du haut de mes 24 ans, en pleine année 2022, je dois dire que certaines de ces situations m'ont parfois fait rires tant elles l'étaient, absurdes. Mais revenons-en à nos moutons : le début.

Le début est terrifiant. Vraiment. Marie-Agnès, du haut de ses 11 ans, est absolument insupportable, jugeant son amie aussi sûrement que ses parents posent un regard de mépris et de pitié sur Sudie. Mais Marie-Agnès est une enfant, ce n'est pas elle qui est terrifiante, mais tout ce qu'on lui a inculqué, enfoncé dans la tête à coup de fouets, de remontrances et de sermons ; mais également tout ce qu'elle ignore et qui l'entraîne dans des situations aussi rocambolesques que tristes, la plongeant dans le désarroi le plus total, l'obligeant à choisir entre son amie et la « bienséance ». A travers son regard c'est Linlow autant que Sudie que l'on découvre tant les deux « personnages » semblent s'opposer. Naïve, mais aussi un peu curieuse, la petite Marie-Agnès continue de fréquenter son amie malgré la réprobation de ses parents et cela est d'une grande beauté, assurément. On découvre une Sudie effrontée, un peu « sauvageonne » en comparaison de sa jeune amie, préférant de loin la compagnie de la forêt, des animaux qu'elle soigne et du chemin de fer à celle de l'école et de ses camarades. La peau foncée par le soleil, Marie-Agnès soulignera plusieurs fois sa ressemblance avec les « nègres » avec dégoût.

Linlow commence à devenir résolument inquiétant quand les deux jeunes filles commencent à parler de leur « Truc », et des « Trucs » des garçons, qu'elles se retrouvent obligées d'agiter contre quelques pièces. Vous avez bien compris. le plus terrifiant ? C'est normal puisque le pêché vient du leur, de truc, ce pour quoi elles ne sont jamais rachetées auprès de Dieu et finiront en enfer. Un avenir formidable et enthousiasmant pour une enfant n'est-ce pas ? Sans parler de ce qu'elles subissent au quotidien. Un rayon de soleil apparaît pourtant dans la vie de Sudie en la personne de Simpson, un noir qu'elle a entraperçu et dont elle a décidé de s'approcher malgré les avertissements entendus toute sa vie. Pour la première fois, la jeune fille se sent aimée. Pour la première fois elle comprend que ce que disent les bonnes gens de Linlow se reflètent d'une manière ou d'une autre ailleurs dans les grandes villes. Cette place dans le bus, l'impossibilité de s'asseoir dans un lieu de restauration, la possibilité de mourir pour le simple fait d'exister.

Tous ces moments que conte Sudie à Marie-Agnès, semblent empreint de bonheur, de joie, de tendresse, et c'est si réconfortant à lire, si magnifiquement retranscrit qu'il est impossible de ne pas sourire, de ne pas rire aussi devant sa naïveté parfois, de ne pas trouver tous ces interdits absurdes. de nombreuses scènes restent gravées dans ma mémoire, dont celles des châteaux de sable, de la pancarte offerte en cadeau, de la nappe, des petits cadeaux mais surtout ce moment aussi extraordinaire qu'improbable où Sudie découvre que sa peau est couleur sable. Celle de son ami couleur terre. Celle des amérindiens couleur argile rouge. Et si Dieu tout simplement n'avait pas pris la « poussière » qu'il avait sous la main pour créer les hommes ? Et si les noirs étaient donc bel et bien façonnés ainsi qu'Il l'avait voulu ? On rit de cette découverte autant que Simpson parce qu'elle est belle et touchante, innocente et formidable dans la bouche de cette enfant. du côté de Marie-Agnès, c'est sans doute cette scène absurde et rocambolesque où elle devient une « femme » qui m'aura fait le plus rire, vraiment j'en pleurais, alors que Sudie et elle faisaient tout pour réparer la plaie qu'elle s'était sans aucun doute faite à son « Truc » alors que celui-ci saignait encore. L'explication de sa mère, elle, est pétrie de religion et de non sens.

Beaucoup de sujets sont donc abordés dans ce roman, des sujets qui prêtent à rire aujourd'hui mais qui sont terrifiants parce qu'ils ont existé, et existent encore de par le monde, que ce soit envers les noirs, mais envers toute sorte de personne pour leur sexualité, leur genre, leur couleur de peau, leur religion. On vibre de colère et de rage envers ces « bons citoyens » qui abusent de leur pouvoir, leur pouvoir d'homme et celle de leur fonction. On a envie de se battre, de rire, de pleurer, de hurler, face à des situations insoutenables. le tout aurait sans aucun doute était d'autant plus terrible s'il n'avait pas été raconté par Marie-Agnès à la voix aussi agaçante que naïve et que l'on finit par apprécier, voire aimer, alors qu'elle se dépatouille comme elle peut des préjugés, des mensonges et des humiliations de sa famille et des habitants de Linlow.

En résumé

Sudie de Sara Flanigan, paru en 1986, n'a rien perdu de sa superbe, combattant avec une certaine brillance l'obscurantisme, le racisme et l'ignorance inerrants à l'époque qu'elle décrit. Les préjugés et les mensonges des habitants de Linlow apparaissent d'autant plus abjects et absurdes dans les yeux de Marie-Agnès et Sudie, aussi franches que naïves et auxquelles on s'attache indubitablement alors que le monde qui les entoure semble aussi terrifiant qu'irrécupérable. Un roman qui dénonce, décrie, mais qui n'oublie pas de se montrer tendre et drôle pour pallier l'horreur de certaines situations. Un immense coup de coeur et immense merci aux éditions d'eux pour l'avoir réedité. Tout enfant et adulte de plus de 14 ans devrait le lire.
Lien : https://lesdreamdreamdunebou..
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critiques presse (2)
Ricochet
05 octobre 2022
Sudie est un gros, très gros roman, dont l’épaisseur, la densité, et la langue peuvent décourager un grand nombre des adolescent·e·s auquel il est destiné par les éditions D’Eux. Pourtant, le message de l’autrice est d’une grande contemporanéité, et absolument universel : il suffit juste de modifier le nom des lieux, l’époque, et celui des boucs émissaires.
Lire la critique sur le site : Ricochet
CNLJ
06 septembre 2022
La narration prise en charge par la meilleure amie de Sudie concourt grandement à la force de ce roman. Marie Agnès raconte avec ses mots d’enfant ce qu’elle perçoit et comprend, abordant sans filtre le racisme, l’ignorance, la religion dans ce qu’elle a de plus punitif et primaire.
Lire la critique sur le site : CNLJ
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
" Alors pourquoi on ne peut pas y aller ?"
" Petite-fille ,il est interdit aux Noirs de s'asseoir dans les lieux publics, où les blancs s'assoient "
"alors, ça ! J'ai jamais entendu un truc aussi stupide. Où est-ce qu'ils ont le droit de s'asseoir, les nègres, alors?
"Pratiquement nulle part"
" Ils doivent rester debout ?"
" Quand on nous laisse entrer, on doit rester debout"
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