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Critique de Zazette97


Publié en 2005 aux USA et traduit en français l'année suivante, "Extrêmement fort et incroyablement près" est le second roman de l'écrivain américain Jonathan Safran Foer, également auteur de "Tout est illuminé" et "Faut-il manger les animaux ?".

Oskar Schell, petit garçon surdoué de 9 ans, a du mal à accepter la disparition injuste de son père dans les attentats du 11 septembre.
Alors qu'il s'aventure dans la chambre de ses parents, il brise un vase et trouve, parmi les débris, une enveloppe au nom de "Black" contenant une clé.
Cette découverte initiera durant plusieurs mois de nombreuses rencontres à travers New-York, à la recherche de la fameuse serrure.
Livré à lui-même tandis que sa mère se plonge dans le travail, Oskar arpente la ville en long et en large, laissant de côté ses nombreuses angoisses et questionnant tous les "Black" susceptibles d'avoir connu son père.
Oskar retrouvera-t-il la serrure, parviendra-t-il à se libérer de sa colère, de son chagrin et de ce lourd secret ancré en lui ?
Et qui est donc ce mystérieux "Locataire" qu'héberge sa grand-mère ?

Le livre

"Extrêmement fort et incroyablement près" m'avait été chaudement recommandé par Reka et bien que je n'aie pas été aussi conquise qu'elle, je ne regrette toutefois pas cette lecture.
J'ai, au départ, éprouvé beaucoup de mal à entrer de plein pied dans cette histoire et à suivre Oskar sans avoir envie de lui coller des baffes.
Petit garçon à part, plus éveillé que la moyenne, doté d'une imagination très fertile, Oskar, de par sa différence, est sujet aux moqueries de ses camarades de classe.
Aussi bavard que maladroit, il a souvent tendance à imposer l'étendue de son érudition même auprès de ceux qui n'ont rien demandé, chose qui m'a vraiment agacée.
Il m'a fallu sans cesse garder à l'esprit qu'Oskar, malgré une certaine maturité (parfois un peu trop poussée à mon goût lorsqu'il utilise des expressions comme "sauter" ou "se faire tailler une pipe"...), reste un enfant et que le fait de détenir tant de réponses a pour lui quelque chose de rassurant, sans doute parce qu'elles lui permettent de se raccrocher à ce qu'il connaît dès qu'il se voit confronté à un élément inconnu ou à un sujet sensible qui le met mal à l'aise.
Totalement obnubilé par cette recherche de la serrure qui lui permet de prolonger sa complicité avec son père, il en oublie souvent qu'il n'est pas le fils unique du tout New-York, que sa sensibilité n'est pas la seule à devoir être ménagée et que son chagrin n'est pas une excuse pour pouvoir tout exiger.
Lorsqu'il dit à sa mère qu'il aurait préféré que ce soit elle qui meure à la place de son père, j'ai ressenti un vrai malaise, l'impression qu'au fond de lui il le pensait vraiment.
Il faut dire que tout le roman met en avant la relation père-fils au détriment de la mère, personnage toujours en retrait jusqu'à cette fin surprenante qui m'a laissée perplexe et que j'ai trouvée beaucoup trop "happy end".
Difficile finalement de cerner Oskar, capable de tenir des raisonnements d'adulte mais dont le comportement et le discours restent très enfantins, marqué par des expressions récurrentes comme " se fendre la pêche", "mer de Chine", "tordant", "semelles de plomb", "mille dollars", "raisons d'être",...
Nul doute que le choix d'un jeune narrateur surdoué ait permis à l'auteur de nous emmener plus loin qu'il ne l'aurait fait avec un petit garçon ordinaire en jouant sur la complexité de ses sentiments.

S'agissant du schéma narratif de ce roman, je l'ai trouvé plutôt brouillon dans les débuts.
Chronologie pas forcément limpide, personnages portant le même prénom, incursions épistolaires délivrées sans explication, plusieurs éléments qui ont bien failli me détourner de ce roman avant la fin.
Mais à partir du moment où j'ai compris qui était qui, où et quand, il m'a été plus facile de comprendre et d'apprécier la suite.
Parallèlement à la quête d'Oskar, j'ai découvert l'histoire de ses grand-parents, drôle de couple ayant passé son temps à se dire adieu, et celle du mystérieux "Locataire" muet logeant chez sa grand-mère.
Ce personnage du "Locataire" m'a fascinée mais je ne peux pas trop vous en dire au risque de révéler une partie de l'histoire.
A travers son récit de vie marqué par le bombardement de Dresde en 1945, on comprend qu'il partage avec Oskar cette difficulté à trouver la paix intérieure en passant outre cette douleur à devoir faire le deuil d'un être cher dont tous deux savent que la sépulture ne renferme rien.

Aussi, si cette lecture ne fut pas un coup de coeur, je suis contente d'avoir pu côtoyer ces personnages secondaires qui se révèlent être des personnages à part entière et lesquels m'ont permis d'''oublier" un peu Oscar.

Le film

Comment était-il possible de transposer à l'écran un roman aussi dense ? En pratiquant des coupes dans l'histoire tout en essayant de faire en sorte que le tout tienne encore la route.
Et sur ce coup-là, je dois dire que j'ai été déçue par les choix de Stephen Daldry, particulièrement par ses libertés prises vis-à-vis du manuscrit original.
J'ai découvert un Oskar encore plus à vif, insolent (par exemple dans cette scène où il insulte le gardien de son immeuble), retournant sa colère contre lui même au point de s'auto-mutiler (dans le roman, il se faisait des bleus) et se promenant durant les 2h du film avec un tambourin faisant office de grigri pour les moments difficiles par exemple lorsqu'il lui faut traverser le pont de Brooklyn alors qu'il a une peur bleue des ponts.
Je n'ai pas réussi à m'émouvoir de cette scène comme je n'ai pas du tout adhéré à la fin qu'offre le réalisateur à son personnage, décrétant que comme Oskar a été déçu à l'issue de la recherche de la serrure, il a du coup bien mérité une petite compensation pour avoir enquêté durant des mois (le mot sous la balançoire pour ceux qui ont vu le film).
Cette scène finale va selon moi totalement à l'encontre de la leçon que Jonathan Safran Foer souhaitait inculquer à Oscar : qu'il lui faut accepter de ne pas pouvoir maîtriser son environnement, que certaines questions n'obtiennent pas de réponses et qu'il est indispensable de devoir parfois lâcher prise si l'on veut continuer à vivre.
Et que dire du personnage du "Locataire" ? Pas grand chose car celui-ci se voit presque totalement éclipsé du film.
Si il apparaît à l'écran, on ne sait quasiment rien de son histoire à commencer par la raison de sa présence.
Du coup la révélation quant à sa véritable identité tombe comme un cheveu dans la soupe.

Au final, le fait d'avoir vu le film a fait remonter le roman dans mon estime tant celui-ci se veut extrêmement plus subtil et incroyablement plus intelligent que cette production privilégiant les temps forts et l'émotion à la réflexion profonde.
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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