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EAN : 9782757837665
608 pages
Points (17/10/2013)
3.7/5   169 notes
Résumé :


Ex-écrivain, ex-journaliste sportif, ex-mari, Frank Bascombe habite toujours dans le New Jersey, et travaille dans l'immobilier.
Les élections approchent. Qui sera le prochain président des Etats-Unis, Bush ou Dukakis ? Frank attend avec impatience le week-end du 4 Juillet. Justement, il s'agit d'une fête, et pas n'importe laquelle : celle de l'Indépendance.
Mais la vie dont il avait cru pouvoir se protéger va le frapper cruellement, au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Richard Ford se sert de Frank Bascombe pour proposer au lecteur une visite guidée des Etats-Unis des années 80, vue de l'intérieur agité de l'un de ses représentants. Pas ou très peu d'action, pas de rebondissements, pas de mystère caché dans le placard, ni même de tentative de faire de l'accroche en anticipant les malheurs à venir. C'est un déroulé chronologique, au fil de pensées du narrateur. Loin, très loin de la zénitude. Et si son fils, au centre du propos, a du mal à s'empêcher « de penser qu'il pense qu'il pense ». Franck lui pense en permanence au premier degré, et c'est déjà un boulot à plein temps.

Toute la première partie est consacrée à la profession de Frank, agent immobilier, aux prises avec un couple un peu paumé. C'est le talent de Richard Ford de permettre à cet épisode oh combien banal, de se muer en une mine d'infos sur le fonctionnement de la société américaine middle class. Il nous propose aussi et c'est sans doute ce qui fait adhérer le lecteur, une fine analyse psychologique des personnages, au travers de dialogues savoureux.
Encore une fois, on n'est pas dans un thriller, toute l'angoisse suscité se borne à savoir si la maison sera achetée ou pas!

C'est donc Paul, 15 ans, en proie à de nombreux démons, qui va donner l'occasion à Frank de se poser dix mille questions de plus. L'ado flirte avec la délinquance, extériorise ses angoisses par des tics vocaux. le remariage de sa mère n'arrange rien. Et c'est un curieux match de ping-pong verbal qui va peu à peu créer une connivence entre père et fils. C'est à cette occasion que surviendra une sorte de drame qui modifie le rythme du récit, et les relations entre les personnages.

Reste la vie sentimentale de Frank, pas simple. le divorce n'est pas vraiment digéré. Les relations avec Sally, sa nouvelle compagne sont ponctuelles. Mais voilà, Sally aimerait bien qu'il s'engage un peu plus, et la tension est plus que palpable.

On comprend que ça s'agite entre les deux oreilles de notre personnage, qui doit mener de front et seul ces trois combats, et les jauger à l'aune du sens de la vie et du temps qui passe. C'est même physiquement assez éprouvant.

Il y a quelque chose de proustien chez Richard Ford : dans le style d'écriture, avec de longues phrases très travaillées (rendons hommage au traducteur), et dans l'analyse psychologique fine des personnages, qui sont eux aussi en quête de sens, pris dans une farandole dont ils ne maitrisent pas la cadence et le but.

C'est aussi une lecture exigeante, qu'il est difficile de survoler, et qui prend donc du temps, sans que cela soit un pensum, bien au contraire. le roman est long et ne peut se lire que lentement. Mais l'humour allège le propos.

Pas de chance pour moi, après avoir apprécié En toute franchise, je souhaitais reprendre la saga Bascombe dans l'ordre chronologique, qui n'est pas l'ordre de parution des tomes en français.

Il eut fallu commencer par Un week-end dans le Michigan

Challenge Pavés 2015-2016
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C'est drôlement chouette l'indépendance. Les Américains fêtent la leur le 4 juillet et quand ça se goupille bien, ça leur fait un beau week-end, comme celui de Franck que décrit Independance, à la fin des années 80.
L'indépendance, c'est un peu le rêve de tout un chacun, non ? Franck y est parvenu : Il envisage de voter pour le candidat indépendant à l'élection présidentielle car le duel Dukakis-Bush ne lui convient pas vraiment.
Il a divorcé, disons plutôt qu'il s'est fait divorcer (ce sont les femmes qui tranchent la plupart du temps, comme chez nous), mais il est toujours amoureux. Il s'en accommoderait presque, de son « indépendance » retrouvée. Mais, lorsqu'elle lui annonce qu'elle se remarie, pfff… ! Gros coup de blues !
« Il n'est jamais aisé de comprendre le choix de votre ex-épouse quand elle se remarie à moins que ce ne soit avec vous. »
Pour se consoler, Franck a retrouvé une bonne amie qu'il visite à intervalle plus ou moins régulier. Ca pourrait devenir sérieux, elle semble prête, mais lui, pas encore. Pas question de renoncer à son indépendance, n'est-ce pas ?
Pour son indépendance financière, il s'est reconverti dans l'immobilier, en free-lance bien sûr. Et, profitant de sa connaissance du marché local, il s'est constitué à crédit un patrimoine locatif de deux maisons. Tout va bien même si les locataires ne sont pas toujours aussi faciles qu'on le souhaiterait et les acheteurs, ceux qui vont l'occuper pendant une bonne partie de son week-end, sont vraiment très compliqués.
Il faut quand même avouer que le pendant de l'indépendance, c'est la solitude.
« Sans Ann et mes enfants à proximité, je me sentais aussi solitaire, accessoire et exposé qu'un gardien de phare en plein jour. »
Les enfants se sont éloignés, le garçon file un mauvais coton, il serait temps de renouer un contact sérieux. le week-end Independance serait idéal pour faire un petit peu de tourisme en visitant deux « Hall of fame », ces institutions typiquement américaines. Entre ses locataires, ses acheteurs, son ex-femme, sa future ex-copine, son fils, le mari de son ex-femme et une pléthore de personnages secondaires mais non dénués d'intérêt, c'est une plongée au coeur de « l'american way of life » qui nous est proposée. C'est bavard, il ne se passe rien de vraiment extraordinaire mais pour qui réussit, comme moi, à s'identifier un peu au personnage principal, les pages se tournent sans difficulté, le lecteur étant vraiment immergé dans le quotidien de l'Amérique de l'Est, entre New Jersey et Connecticut pendant ce week-end festif si particulier.
« le long de Seminary Street, devenue depuis le boom économique une sorte de "grande rue du miracle commercial" qu'aucun d'entre nous n'appelait de ses voeux, tous les commerçants ont installé sur les trottoirs des "feux d'artifice de soldes", où ils balancent des rossignols au rencart depuis Noël, sous des stores bardés de banderoles patriotiques et d'inscriptions accrocheuses qui proclament que le gaspillage d'un argent durement gagné constitue le mode de vie américain. »
Ex-mari encore épris, amant charmant et distant, père soucieux mais éloigné, vendeur attentif, voisin courtois, propriétaire conciliant, touriste curieux, solitaire perdu dans ses pensées, Franck endosse avec succès tous ces rôles.
Original et très américain, ce roman est singulièrement à part. Une raison supplémentaire de faire preuve d'indépendance d'esprit en le lisant.
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« Indépendance » fait moins référence à la fête étasunienne du 4 juillet qu'à un véritable état d'esprit de tous les personnages du roman. Un lecteur français de ce texte, récit vigoureusement individualiste, a sans doute été tenté à l'époque de le rejeter en bloc. Il lui apparaissait probablement au moment de sa parution comme une sorte de fastidieux entracte à la fin duquel la vraie vie aurait dû reprendre ses droits. Ce lecteur hexagonal d'autrefois, avec le sentiment d'être encore emporté par léger souffle d'histoire, considérait vraisemblablement comme plus intéressant les cheminements qui se développaient dans un sens analogue au sien. Un « présentisme » à la Richard Ford, sans détermination aucune, sans la moindre espèce d'idée d'un futur collectif et sans un cours de l'histoire censé porter un peu quelque chose, était pour lui tout simplement sans aucune valeur. Cette ligne de développement autour du héros, ne signifiait naturellement pour lui rien car elle n'était pas mesurable dans les termes du système de ses références. Pouvait-il alors un peu pénétrer un Frank Bascombe écrivassier qui se reconvertissait dans le sacerdoce de l'immobilier, de la maison individuelle comme idéal de soi et des autres ; un Frank Bascombe entiché d'un marché où son agence prospérait avec l'expansion du secteur financier de Wall Street ? Pouvait-il un peu mettre à jour un Frank Bascombe formidablement épris de lui-même, toujours séparé d'Ann Dykstra sa femme mais continuant de garder un lien particulier avec elle ; un Frank Bascombe vivant des amours passagères mais soucieux d'analyser ses relations à longueur de pages, c'est-à-dire la rationalisation proprement concrète, matérielle que constituaient ses différents rapports dans la coexistence ? Pouvait-il un peu comprendre les longs échanges des amants tentant d'établir une sorte de contrat à long terme du vivre ensemble, c'est-à-dire détaillant les inputs spécifiques et partageant au téléphone dans des proportions données les outputs de leurs liaisons ?


Il est sans doute plus aisé aujourd'hui, avec la fin des Trente Glorieuses, la destruction du mur de Berlin et la révolution néolibérale victorieuse, de se reconnaitre pleinement dans les personnages de Richard Ford. Les individus du siècle dernier considèrent le plus souvent comme stationnaire ce qui se passe aujourd'hui dans le monde en opposition avec l'accumulation de ce qui s'y est passé hier. Une époque dans laquelle elles ne peuvent plus être activement engagées et pas d'avantage entreprises d'elles-mêmes, n'a plus de sens pour eux : il ne s'y passe rien ou ce qui s'y passe n'offrent à leurs yeux des caractères négatifs. Il en va naturellement tout autrement pour l'Homme du XXIème siècle qui vit cette période avec toute la ferveur qu'ont oublié ses aînés. A cet Homme, guéri des généralités délétères, il convient de savoir plus et il ne gêne point de ne comprendre rien. Frank Bascombe décide de passer le week-end d'Indépendance Day avec son second fils. Aussi, sur le chemin de quelque temple de la culture étasunienne (Halls of Fame du basketball puis du baseball), lui importe surtout l'enchevêtrement des routes et l'étalage des boutiques, certainement pas la lecture des paysages et le déchiffrement des architectures : « le long du bord de mer (…) La Garden State, Red Bank, Matawan, Cheesequake (…) La bretelle 11 grouille de feux rouges arrières : véhicules utilitaires, caravanes, camping-car, breacks, remorques, vastes berlines pare-chocs contre pare-chocs (…) Les flics sont là en force (…) les gyrophares bleus au loin et à proximité tandis que je franchis le péage (…) Après la sortie 16 Ouest et la traversée de la Hackensack River en face du Giant Stadium, j'oblique sur l'aire de repos du Centre Vince Lombardi (…) Je repars sur l'autoroute encombrée (…) A la sortie Est Ouest, à la fin de l'autoroute les voitures s'entassent (…) J'imagine des kilomètres de bouchons sur la voie express de traversée du Bronx, suivis par des accidents mortels sur la Hutch, un nouvel embouteillage sans fin au péage, une suite monotone et accablante d'écriteaux COMPLET jusqu'à Old Saibrook (…) il n'existe pas vraiment d'itinéraire de délestage, rien qu'un autre itinéraire : aller chercher la 80, puis rouler vers l'Ouest jusqu'àprès Hackensack, emprunter la 17 qui traverse Paramus, bifurquer au Nord sur la Garden State ; River Edge, Oradell Westwood, deux péage pour rejoindre la voie ferrée, repartir à l'Est vers Nyack, le pont du tarpan Zee et Tarrytown jusqu'à l'endroit où l'Est s'offre à moi (…) Et au lieu de rester sur la bonne 287, large et sûre, jusqu'à la bonne 684, large et sûre, et de parcourir la trentaine de kilomètres qui m'amènerait à Danbury, je vire au Nord vers Katonah (…) Je suis sa direction (pancarte Connecticut sur la NY 35 (…) vers Ridgefield (…) je vire à regret sur la Route 7… ».


Richard Ford essaie de dessiner dans son roman l'étasunien idéal typique Frank Bascombe : d'où vient-il, qui est-il et pourquoi est-il ce qu'il est ? « Indépendance » parait s'apparenter ainsi à une sorte de catharsis introspective de son fondamentalement inexistant et solitaire héros, une catharsis plus ou moins ancrée dans une histoire et une politique de pacotille qui tente de raconter un pays, une identité, un rapport au monde largement fantasmés par un auteur passablement désarmé. le romancier ne raconte certes pas de grandes fresques, il ne s'affronte pas à l'Histoire avec un grand H mais, inconsciemment, il exprime cependant toute la violence de la société étasunienne par le biais infime de récits qui mettent en leur centre une psychologie procédant du discours que ses personnages aliénés tiennent sur eux-mêmes. le romancier ne semble pas analyser mais sans cesse « être parlé » par le discours libéral le plus trivial. L'argumentation de Frank Bascombe aussi, qu'il s'agisse de son fil, de l'immobilier ou bien de l'affrontement Bush-Dukakis, part et aboutit invariablement à l'Emerson de « La Confiance en soi ». Frank Bascombe masque le réel de sa vie en l'intégrant à des fictions qu'il se raconte à lui-même en même temps qu'aux autres pour ne pas sombrer. Ce qui est passionnant ici, ce sont les manières de discours inconscients – comme autant d'écrans fallacieux mis entre soi et le monde – qui fondent le personnage, le retiennent, l'empêchent ou lui permettent de survivre dans un monde qui le nie en permanence. Soucié par des locataires mauvais payeurs, par un couple particulièrement difficile à satisfaire dans sa recherche d'une maison, par une maitresse en partance, Frank Bascombe part avec son fils mutique, dépressif et suicidaire pour deux jours. On peut alors déceler dans l'attitude du fils la conséquence implacable d'une parentalité toxique. le fils est la victime manifeste des adultes, de leurs discours factices qui détruisent les sentiments véritables, de leurs relations amoureuses dysfonctionnelles, de leurs adultères à répétition, de leur divorce, de la dimension projective et fantasmatique de leur sexualité comme seul refuge face à une socialité rigide. Tout la virée raconte comment le fils affronte le vide de l'existence, comment il ne supporte plus les illusions d'un univers matérialiste qui impose le succès, comment il lutte et renonce devant l'impossibilité de supporter la solitude élémentaire qui abolit tout. le père n'a pourtant de cesse de confronter son fils encore et encore à l'inutilité d'une lutte pour être soi-même perdue d'avance puisque tout l'empêche et que le courage lui manque.
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Richard Ford né en 1944 à Jackson (Mississipi) a obtenu le Prix Pulitzer en 1996 pour ce roman.
Franck Bascombe est agent immobilier, divorcé de sa femme qui a refait sa vie et élève leurs deux enfants, une jeune fille et Paul un adolescent à problèmes. En accord avec sa mère, Franck va passer le week-end du 4 juillet avec son fils, pour renouer le dialogue et peut-être l'aider à se sortir de ses problèmes psychologiques. Aux Etats-Unis à cette date on fête Independance Day, commémoration de la Déclaration d'Indépendance des colonies vis-à-vis de l'Angleterre le 4 juillet 1776. C'est le récit de ce week-end que Richard Ford va développer sur presque six cent pages assez denses, car l'écrivain n'est pas avare de détails.
Durant ces deux jours nous allons suivre Franck pas à pas, dans son boulot où il tente de vendre une maison à un couple Joe et Phillys bien indécis ou lorsqu'il veut récupérer un loyer impayé de la famille McLeod. Plus tard nous rencontrons Karl avec lequel il s'est associé dans une baraque qui vend des hots dogs et de la bière. Enfin nous accompagnons le père et le fils dans un périple qui les emmène visiter des lieux prestigieux liés à l'histoire du baseball, fondements de la culture américaine et donc à même de cimenter leurs relations vacillantes. Las ! Un accident sportif envoie Paul aux urgences pour être opéré d'un oeil. Entre-temps l'auteur nous a présenté, Claire une ex qui bossait avec lui et depuis décédée, Charlane la chef-cuisinier avec laquelle il manque de peu d'avoir une aventure, rappelé maintes fois qu'il aime encore son ex-femme, évoqué ses relations difficiles avec Sally qu'il pense aimer et à l'hôpital il renoue –par hasard- avec son demi-frère juif Irv qu'il avait presque oublié.
Entre les propres problèmes, sentimentaux et familiaux, de son héros et ceux des personnages secondaires nombreux qui interfèrent à des degrés plus ou moins importants dans ce long récit, Richard Ford tisse une fresque de l'Amérique telle qu'il la voit en ces années 90. Si parfois on peu s'agacer de digressions qui n'ont pas trop d'intérêt immédiat ou semblent ralentir le cours de l'histoire, comme lors du séjour à l'hôpital du fils et qu'on attend le résultat de ses examens, en fait tout s'imbrique à la perfection et démontre le talent du romancier.
Effectivement il ne se passe pas grand-chose même si mille détails et circonvolutions épaississent le discours, mais en même temps, tous ces riens sont le tout qui constitue nos vies faites de joies, de peines et d'interrogations existentielles.
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Challenge ABC 2013/2014
Franck Bascombe s'apprête à passer le week-end du 4 juillet avec son fils. Au programme: virée "entre hommes", avec discussion sur le mal-être de Paul, tentatives de (re)trouver une complicité père-fils après le divorce et le remariage de la mère.
Et vous voilà embarqué dans la vie de Franck: emmener des clients indécis visiter des maisons, réclamer un loyer à des locataires indélicats, regretter votre ex-femme et détester son nouveau mari, discuter avec le gérant de votre baraque à hamburgers, passer la soirée avec votre maîtresse et la quitter maladroitement, rouler dans les encombrements du 4 juillet, tenter une conversation avec votre fils, le laisser finalement prendre des risques, stupidement , et finalement laisser sa mère prendre les décisions à l'hôpital...
Un roman en nuances, qui flâne doucement d'une page à l'autre, jamais longtemps dans la même humeur, drôle et tragique, émouvant et désabusé. Un vrai plaisir!
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
"_ Je suis un optimiste, ai-je répliqué en éprouvant aussitôt le désespoir d'un exilé.
_ Votre optimisme vous incite-t-il à penser que nous finirons par être amis, vous et moi ?
Il a levé la tête à moitié pour me dévisager à travers ses lunettes à monture de métal. Je savais que le mot "ami" représentait pour lui le degré le plus élevé de la condition humaine auquel pouvait aspirer un homme de valeur, comme le Nirvana pour les hindous. Jamais de ma vie je n'ai eu aussi peu envie d'avoir des amis.
_ Non, ai-je dit sans détour.
_ Et pourquoi, selon vous ?
_ Parce que nous n'avons en commun que mon ex-femme. Et que vous finirez par vous croire autorisé à parler d'elle avec moi, ce qui me débecterait."
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"_ Tu emmènes les enfants avec toi ?
_ Aux termes de notre divorce, rien ne s'y oppose.
_ Et eux, qu'en pensent-ils ?"
Je sentais à nouveau mon coeur cogner à la pensée des enfants. C'était certes une question sérieuse, une question qui s'impose des années au-delà du divorce lui-même : la question de savoir ce que les enfants pensent de leur père si leur mère se remarie. (Il est rare qu'il s'en sorte bien. Des livres ont été écrits sur ce sujet, et ils n'ont rien de drôle : le père est perçu soit comme un figurant à la tête ornée de cornes, soit comme un traître insensible qui a obligé maman à épouser un nouveau venu poilu dont l'attitude invariable à l'égard des gosses est faite d'ironie, de mépris mal déguisé et d'irritation. Dans les deux cas, l'insulte colle à la blessure.)
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Le temps de sortir du bourg et de traverser ces retraites sylvestres de propriétaires fortunés, mon cerveau s'est mis à exercer une pression douloureuse derrière les tempes. J'ai le cou contracté, et une sensation de gonflement des tissus dans le haut du thorax, comme s'il me fallait roter, avoir un haut-le-coeur ou peut-être simplement m'ouvrir de haut en bas pour trouver un soulagement. Certes, j'ai peu et mal dormi. J'ai trop bu hier soir chez Sally, j'ai conduit trop longuement, consacré trop de temps précieux à me tracasser pour les Markham, Ted Houlihan et Karl Bernish, et pas assez à me préoccuper de mon fils.
Mais la vérité vraie, bien entendu, est que je m'apprête à rendre visite à mon ex-femme établie dans une vie nouvelle qu'elle juge préférable; que je vais voir mes enfants orphelins de moi gambader sur les vastes pelouses de leur existence présente plus classieuse; peut-être même serai-je obligé, en dépit de tout, d'avoir une conversation humiliante et pénible avec Charley O'Dell, que je préférerais ligoter sur la grève pour le livrer aux crabes.
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Je n'ai jamais compris pourquoi on irait prendre un taureau par les cornes. C'est le bout le plus dangereux.
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Une des caractéristiques pénibles de la vie d'adulte, évidemment, c'est de voir se pointer à l'horizon les réalités mêmes auxquelles on ne pourra jamais s'adapter. On perçoit les problèmes qu'elles posent, on se fait une bile de tous les diables, on prend des dispositions, des précautions, on procède à des ajustements; on se dit qu'il va falloir changer sa façon d'agir. Mais on n'y réussit pas. On ne peut pas. C'est déjà trop tard...
C'est un peu similaire à la prise de conscience que tous les magnifiques progrès de la médecine ne nous seront d'aucune utilité, même si l'on y applaudit des deux mains, si l'on espère qu'un vaccin va être mis au point à temps, si l'on croit encore à une possibilité d'amélioration. Mais là aussi, il est trop tard. Et c'est ainsi que notre vie s'écoule à notre insu. Elle nous échappe. Et "Ce qui t'échappe de la vie, c'est ta vie", comme dit le poète.
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Videos de Richard Ford (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Richard Ford
À l'occasion du festival "America" 2022 à Vincennes, Richard Ford vous présente son ouvrage "Rien à déclarer" aux éditions de l'Olivier.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2662631/richard-ford-rien-a-declarer
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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