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EAN : 9782914704762
256 pages
Jigal (15/02/2011)
4/5   3 notes
Résumé :
Pour le Président et ses conseillers, les arguments sécuritaires ont toujours été des instruments très favorables aux bons sondages... Pour l'ultra-gauche, l'insurrection tant attendue justifie tous les moyens et plus si affinités... Constance Sicardi, fille d'un député proche du pouvoir, est l'égérie la plus active d'un de ces groupuscules. Elle vit en communauté dans un village reculé du centre de la France, soutient les grèves, les ouvriers, les occupations d'usi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Je ne suis pas venue vous dire que les gens souffrent, on vous l'a dit avant moi, la compassion est à la mode. Je suis venue vous dire, moi, qu'il y a des gens désespérés, oui, désespérés! ... Ceux-là se sentent aussi perdus et oubliés, reprend Constance, mais pas seulement: ils ont compris qu'on leur a menti, qu'on leur a fait de fausses promesses, qu'on leur a joué l'air des lampions. ...

Ceux-là sont le peuple qui se soulève contre le vol, l'oppression et le fascisme rampant que nous connaissons tous et que vous, vous craignez de dénoncer. Et, comprenons-le bien, ils se soulèvent aussi contre eux-mêmes car les révoltés d'aujourd'hui feront les terroristes de demain! Ceux-là, je vous le dis solennellement, nous, nous sommes à leur côtés!"

Ce sont par ces mots que s'est exprimée Constance Sicardi, lors d'un meeting unitaire de la gauche, dans la salle du Dôme, à Marseille. Constance, jeune fille dans la vingtaine, est une figure montante du milieu ultragauche et son charme, son charisme et sa grâce suscitent déjà bien des émois. Mais contrairement à certains de ses semblables, cette fille cultivée et éclairée, attachée à la lecture et à l'Art, semble être plutôt modérée. Très active, elle se bat pour le monde ouvrier, soutient les grèves ou encore met en place quelques actions ponctuelles.

Constance, c'est aussi la fille d'Albert Sicardi, un député proche du pouvoir, influent, qui s'affiche plutôt du côté de la droite, même très à droite. Cela ne l'enchante guère de voir sa fille s'engager dans ce milieu alter mondialiste, soit une position tout à l'opposé de son parti. D'autant plus que cela lui fait de l'ombre et perturbe sa carrière prometteuse. Mais pourrait-il tout de même la comprendre, elle qui ressasse sans arrêt qu'il fait partie d'une politique de faux-culs, de menteurs? Aurait-elle raison? Position difficile pour cet homme politique qui voit sa fille s'éloigner de plus en plus, sa petite fille qui était sa complice, sa fierté, l'enfant bien en avance sur son âge, qui lui a appris tant de choses. Sentiments mitigés, gros dilemme; il l'aime et il la hait.

Au terme de ce meeting gauchiste à Marseille, Constance se fait enlever dans la rue par de faux journalistes. Il s'agit au fait d'un commando issu d'une organisation appelée "La Cellule Grise", mise en place par des personnes très proches du pouvoir français. le président de la République semblerait être impliqué dans la conception de cette structure, mais délègue tout à son conseiller en lui laissant "carte blanche". Un manque de contrôle désolant de la part d'un président qui paraît bien décevant et immoral! Un pantin aux mains propres, style "je ne suis au courant de rien!". Mais bon, ce qui compte c'est d'être au pouvoir et de bien se faire voir des américains!

Comment? Par exemple en acceptant d'organiser des opérations commando en tout genre - bien entendu orchestrées par le gouvernement -, soit des enlèvements de terroristes oeuvrant sur le territoire américain, en coordonnant des recherches, des filatures, mais aussi des éliminations... Quel beau service rendu! D'où la création de cette organisation "La Cellule Grise". Ces basses besognes sont exécutées par des professionnels venant de milieux militaires, criminels voir même peut-être d'anciens flics pourris? Quoiqu'il en soit, mieux vaut ne pas être dans le collimateur de cette organisation. Devrais-je dire dans le viseur de l'Etat?

"Un autre type qu'on avait éliminé proprement après l'avoir enlevé tout aussi proprement, c'était un syndicaliste, un syndicaliste de Marseille qui foutait le bordel dans le port. Pourquoi lui? Gomez ne s'était même pas posé la question; les syndicalistes, les communistes, toute cette clique, il ne pouvait pas les encadrer, il les aurait tous fait déporter dans des camps, des goulags, en Sibérie, pour y crever, y crever de froid, ils ne méritaient que ça. Ils étaient responsables du déclin de la France, des ennuis de l'occident et de la mort de quantité de camarades, surtout. Ce connard de syndicaliste, tout bien considéré, il ne pouvait que les remercier, pas de camp, pas de goulag, pas de froid. Tué sans bavure et, puisqu'il aimait le port de Marseille, bienheureux qu'on en ait fait ensuite sa sépulture! Il devait en ce moment reposer par le fond, bien arrimé à un solide bloc de béton, sa pierre tombale.

Quatre autres y étaient encore passés dont deux, des islamistes, qu'on avait enlevés pour les Américains qui n'en avaient plus voulu ensuite. Comme il n'était pas question de les relâcher et qu'on savait bien ce qu'auraient répondu les Amerloques si on leur avait posé la question, l'élimination s'était imposée d'elle-même. On avait fait le job, le minimum, on le leur avait même pas tourné la tête vers La Mecque, faut pas trop en demander!"

Suite à l'enlèvement de Constance, le juge Galtier va tout mettre en oeuvre pour mettre la main sur les auteurs de cet acte inconsidéré et retrouver la jeune fille. le magistrat va peut-être tomber sur une vérité qui troublera sa vision de la Justice. Ou alors le savait-il déjà au fond de lui?

Ce récit politico-judiciaire nous est écrit par une plume tenue par un ancien juge d'instruction et cela se remarque agréablement bien. L'auteur connaît son sujet, à savoir le milieu de la justice, ses faiblesses, ses finesses, mais aussi ses contacts navrant avec la sphère politique. le roman est écrit à la troisième personne et nous avons donc une vision globale sur chaque personne impliquée, présentées et décrites par le narrateur. Qui? On ne le sait pas. Par contre, lorsqu'il s'agit du juge Galtier, qui est en charge de cette affaire, nous pouvons suivre ses propres sentiments et sa propre vision de ce qui se passe. C'est lui qui nous parle directement. Ses confidences, son intimité, ce qu'il pense de la justice d'aujourd'hui et ce qu'il pense de l'affaire qui l'occupera lorsqu'il en sera en charge. Concrètement, nous pourrons nous fier qu'à son jugement, chose qui semble bien maigre pour nous, lecteurs curieux de connaître VRAIMENT ce qui se trame!

André Fortin, par la voix du juge Galtier, nous livrerait-il sa propre vision de la justice? Une justice cassée par le manque de séparation des pouvoirs, où le milieu politique semblerait se mêler d'un peu trop près aux valeurs fondamentales d'une justice indépendante, peut-être jusqu'à vouloir manipuler les magistrats? Toutefois, ce récit - aberrant? - fait froid dans le dos si l'on essaye d'imaginer une seule seconde qu'il est vraisemblable. L'auteur, au début de l'oeuvre, nous met en garde en nous mentionnant que ce roman est une fiction et que toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite. Franchement, je le crois, mais est-ce vraiment QUE de la fiction? Allez savoir... Ce qui est sûr, c'est que l'auteur s'auto-flagelle en dénonçant une justice passablement malmenée avec des magistrats devenant de plus en plus malléables et influençables. Venant d'un juge d'instruction, c'est assez courageux de sa part!

L'auteur appuie peut-être là où ça fait mal et bien que le milieu politique soit totalement bafoué et humilié dans ce roman, par ses personnages lamentables, nous pouvons tout de même nous demander où s'arrête la fiction. Entre un conseiller du président totalement lâche, abject et méprisable, un président de la République tout aussi répugnant, qui ne pense qu'à son ego et à son pouvoir ou alors des ministres qui ne dégagent pas franchement un sentiment de respect et de confiance, le lecteur ne pourra qu'éprouver du dégoût et peut-être même de la pitié envers ces "grands" personnages sordides et crapuleux. Mais bon, c'est de la fiction nous rassure-t-on...

Mais heureusement il y a ce juge d'instruction Galtier qui est là pour faire pencher la balance - de la Justice? - du bon côté, un homme envers lequel le lecteur se sentira très proche, un magistrat humain, perspicace et droit - enfin un! - qui va tenter de mettre de l'ordre dans cette affaire d'enlèvement, respectivement dans tout ce ramassis de connerie politique. Mais finalement ce "petit" juge de Marseille, que peut-il faire contre ce mastodonte qu'est ce milieu de pouvoir politique? Quoiqu'il en soit, il restera un homme d'honneur, et ceci envers et contre tous.

L'auteur nous plonge également dans ce sous-sol, à Barcelone, où Constance se trouve en captivité. Nous la suivons jours après jours, surveillée par quatre membres de ce fameux commando. Toutefois, elle ne va pas se laisser dominer - c'est une femme d'action! - et ses tortionnaires vont en faire les frais. Par ses gestes d'abord, mais surtout par ses paroles... Des remises en question qui pourront peut-être la sauver? Mais le sens de l'honneur et de la mission de ces hommes sera tout de même fort et Constance va commencer à franchement douter sur l'issu que lui réserve ses bourreaux.

Dans ce roman, l'honneur d'un de ces hommes justement sera mis à l'épreuve et la vie de Constance en dépendra. André Fortin nous offre un dénouement assez logique, dur mais logique, lors duquel cet homme d'honneur, ce soldat, va donner la direction finale. Bonne lecture et vive la politique!
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Elle est sûre d'elle. Sa démarche impose le regard, et ses paroles réduisent au silence. Quand elle pénètre dans une salle comble, ses premiers pas en direction du pupitre sont déjà une invitation envoyée à l'assistance à déposer les armes. Elle est belle, elle le sait. Sa plastique est une arme aussi redoutable que les mots qu'elle prononce. Sa force de caractère n'a d'égale que la passion qui l'anime à porter ses convictions en étendard. Elle, c'est Constance.

Figure de proue de l'ultra gauche, au fil des meetings elle porte le même message combatif contre cette société capitaliste qu'elle exècre, qui broie les hommes, éteint les rêves et enterre les destins. A partir du petit village du Quercy où elle s'est repliée avec quelques amis qui partagent ses opinions, elle sillonne les villes et les villages, participe aux réunions grandes ou petites, pour délivrer son message.

On commence à parler d'elle.

Quand elle se présente au meeting de Marseille, l'enjeu est important. Ce soir là, toute la gauche est réunie dans la ville phocéenne. On a bien voulu lui laisser un strapontin et un bout de table. Elle ne pourra parler qu'à la fin, une fois que tous les ténors politiques se seront exprimés. Mais rien n'y fait. Quand son tour vient, c'est en véritable passionaria qu'elle s'empare du micro et qu'elle subjugue son auditoire. Elle parle de désespoir, elle parle de ceux qui veulent encore exister, elle parle de résistance. de ce droit à se révolter pour rester debout. L'ambiance s'électrise. L'émotion se repend. Au final la salle se lève et applaudie !

Pourtant Constance n'aura pas le temps de profiter de ce succès oratoire qui cloue aux piloris les mensonges des vieux roublards établis de la politique. En sortant du meeting, Constance est brutalement enlevée par des individus qui l'embarquent de force dans une voiture.

Est-ce parce qu'elle est la fille d'un député de droite proche du pouvoir, possible ministrable, qu'elle a été enlevée pour atteindre celui-ci ou le Président qu'il soutient ? Ou bien au contraire, est ce en raison de ses positions politiques extrêmes et de son succès grandissant qu'elle inquiète ce même pouvoir qui aurait décidé d'enlever ce petit cailloux qu'il a dans sa chaussure et qui commence à l'agacer ?

Toujours est-il qu'en haut lieu on s'agite. Un conseiller du Président s'affaire. le député Sicardi quant à lui, décidé à retrouver sa fille qu'il n'a pas revue depuis qu'elle s'est éloignée de lui à cause de ses convictions politiques et depuis qu'elle a pris les sentiers de la lutte sociale et du combat radical, fait pression pour qu'un juge , étiqueté « rouge » mais intègre et efficace ,s'occupe de l'affaire. Aidé d'un flic celui va se lancer sur la trace des ravisseurs.

Constance est retenue prisonnière quelque part, en Espagne suppose t'elle, avec pour seule compagnie de vieille revues et son geôlier, le chef du commando qui l'a privé de sa liberté.

A partir de là, le lecteur pourrait penser deviner facilement la suite du scénario. L'un des deux protagonistes va finir par rallier l'autre à sa cause, d'autant que le syndrome de Stockholm n'est pas une invention d'écrivain. Mais il n'en sera rien. L'issue de cette histoire, ne sera pas sans rappeler d'ailleurs à certains cinéphiles et fans de Ridley Scott la fin en apothéose d'un de ses meilleurs films.

Dans ce huit clos entre le geôlier et sa prisonnière, chacun va progressivement devenir un miroir pour l'autre, où les protagonistes trouveront dans les convictions de l'adversaire les contradictions de ses propres idéaux. Une révoltée qui finit par se dire que s'épuiser sur des micros ne fait pas avancer la cause qu'elle défend et que seule la radicalisation de l'action peut porter des fruits révolutionnaires, et un barbouze aguerri aux coups de force, pour qui, agir toujours dans l'ombre en s'affranchissant des lois , finit par pervertir son propre idéal pour le plus grand bénéfice de quelques profiteurs avides de pouvoir.

André FORTIN réalise un roman qui fait s'entremêler politiciens véreux, barbouzes assassins et désabusés, et jeunes idéalistes encore convaincus de la justesse de leur combat.

A partir de thèmes pourtant déjà longuement traités dans le roman noir, et de caricatures communément admises dans l'imaginaire collectif ( Les manipulations étatiques, la justice entravée, les baroudeurs durs et froids, la femme fatale, jeune et rebelle, en quête d'un monde meilleur…) André FORTIN arrive à tirer son épingle de jeu en nous offrant un roman qui évite les pièges attendus. Un roman sombre ou l'espoir n'est plus une échappatoire n'y même un point d'horizon, où les acteurs de se drame, sans se renier sous peine de se perdre, vont prendre conscience de leur combat sans issue.

Quand ces mondes que tout oppose se retrouvent confronter l'un à l'autre à travers les personnages de ce huit clos, que ces derniers finissent de se déshabiller momentanément de leurs idéaux respectifs, reste l'appréhension et la découverte de l'autre. de cette essentielle humanité qui finira par s'exprimer, comme une main tendue au moment où les destins se scellent dans l'éternité.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ce n'était pas de la défiance, au contraire cela ressemblait à une sorte de communion. Une communion entre piliers de bar, c'est vrai.
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Vidéo de André Fortin
http://polar.jigal.com/index.php?page=liens&p=90
« UN ROMAN NOIR CAPTIVANT QUI CONFIRME TOUT L?INTÉRÊT DE L'?UVRE D?ANDRÉ FORTIN » Claude Mesplède
Ce matin-là, ça devait être un paisible départ en vacances, avec femme et enfants, vers le soleil de la Grèce. Mais quand le Juge ouvre le dossier de ce gamin retrouvé noyé dans les calanques, il a la terrible intuition que cela ne va pas être simple. 40 ans plus tôt à Athènes, à l'aube du 21 avril 1967, Marina et Apostolos, jeunes étudiants révoltés, s'aiment fougueusement alors que les chars investissent la ville et la junte, le pouvoir ! L'engrenage des années a fait son ?uvre, les bourreaux sont morts, les illusions perdues, mais pour le Juge le doute subsiste encore?
En 1967, les colonels prennent le pouvoir à Athènes. En 2009, le Juge Galtier prépare nonchalamment ses vacances en Grèce? D?un côté, la dictature et son cortège d?infamies, de l?autre un tragique fait divers : André FORTIN va tricoter ici deux histoires en parallèle, deux histoires apparemment sans rapport, enfin, jusqu?à preuve du contraire? Juge d?instruction, juge pour enfants, vice-président du tribunal de Marseille, André FORTIN a non seulement une imagination fertile, mais également une très fine connaissance du microcosme politico-judiciairo-policier. Il en connaît les méandres, les ombres et les recoins, il y a constaté les alliances contre-nature, les luttes d'influence, il y a croisé les hommes qui organisent ou subissent collusions et corruptions? Son parcours professionnel lui a permis de les voir à l??uvre et parfois même de mettre un terme à leurs affaires? Il lui a également permis de s?interroger sur la place de la justice dans une démocratie comme la nôtre ! Juger un homme ou juger L Histoire, c'est le terrible dilemme qu'il aborde ici avec justesse et sensibilité, à travers cette tragique histoire d'amour écrasée sous les bottes de l'Histoire. Un roman bouleversant.
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