Au lacs bleu de tes veines
Des oiseaux se méprennent
Aux branches de ton sang
Des oiseaux ont pris rang
C’est un silence d’oiseaux
Au long de tes vaisseaux
C’est un silence de sang
Qui vers la nuit se rend
C’est un silence de vie
Qui vers la mort descend
C’est un silence d’amour
De vie de feuille d’un jour
Sur l’arbre bleu de tes veines
Ce n’est que prison d’ailes
Capture du chasseur à l’appeau
Qu’il tendait avide aux oiseaux
Chasseur de lui-même englué
Par la proie de lui convoitée
Au lacs bleu de tes vaisseaux
Je ne suis plus qu’un oiseau
Aux branches nues de ton corps
Qu’à voix douce la neige endort
Dans un silence qui ne s’achève
De chair de chaleur et de rêve
...
Octobre 1941
…
Tu es l'arbre et je suis l'oiseau
L'oiseau qui ne dit plus mot
Pour boire mieux à tes rêves
Le captif oiseau lié de sèves
Je n'ai d'horizon que ton corps
De vie que la venue de ta mort
Tu es l'arbre et je suis ton sang
Tu es la chair et je suis le chant
Je suis joie le captif emprisonné
Dans le silence de ta liberté
Dans un silence qui ne s'endort
D'été de graine de tirage au sort
Au lacs bleu de tes vaisseaux
Je suis pris comme un oiseau
Aux branches bleues de ton sang
À côté d'eux j'ai pris rang
Tu as beau m'aimer moi de même
Le réseau bleu de tes ramilles
Toujours plus pousse en ta nuit
Tu as beau m'aimer comme je t'aime
Vers le silence plus tu m'entraînes
Je t'aime et nous mourons
C'est la mort et nous aimons
Octobre 1941
Longuement j’écoute
En toi respirer mon amour
Tu as en toi mon amour
J’ai ton amour en moi
Le plus clair de mon sang
Depuis longtemps passe en toi
Et voici que ton sang
En mes veines afflue
Je te prolonge tu me limites
Ta frontière est en moi
Ta vie se fait de la mienne
Serais-je si tu n’étais pas ?
La buée de nos haleines
C’est au froid du ciel
La preuve de nos sangs mêlés
De nos vies l’une par l’autre
Comme un halo de la lune
Mon souffle entoure le tien
Et sans la rosée de tes lèvres
Je serais sable dans le vent
Quand cessera mon cœur
Le tien cessera de battre
Il faut bien que tu saches
Que j’emporterai ton cœur
Mai 1940
À Jeanne, vivante.
Je suis l'enfant qui porte
Des fleurs à l'institutrice
Elle est l'amour et la peur
Le pensum et le bon point
Tu es la panique de ma vie
Et le champs de sa fuite
Tu es immense sous le ciel
Et tu m'égares en toi
Les voitures de ton sang
Les plaines de ton regard
Et ce mont qui s'élève
Quand tu parles à voix basse
Tu es ma source et mon sable
L'eau fraîche et la soif
Et je suis le visiteur du jeudi
Pris au filet de tes veines
Donnes-lui son goûter de quatre heures
Les tartines de tes mains
Et permets qu'il ne batte plus
Le tambour de ton cœur
De mon cœur l'angoisse
Je tremble et je suis tien
Ma peur ma certitude
Mars 1941.
POÉSIE-PENSÉE – L’exercice spirituel des poètes (Chaîne Nationale, 1964)
Une émission spéciale, par Max Pol-Fouchet, enregistrée le 21 janvier 1964 au Théâtre du Vieux Colombier pour la Chaîne Nationale. Lecture : Catherine Sellers et Michel Bouquet.
Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l’unique objet de perpétuer la Poésie sur tous les fronts.