En thèse générale : Les progrès sociaux s'opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté, et les décadences d'ordre social s'opèrent en raison du décroissement de la liberté des femmes. L'extension des privilèges des femmes est le principe général de tous progrès sociaux (I, 132-133).
Ils s'alarment si l'on élève les femmes à la culture des sciences ou des arts ; ils ne voudraient chez les jeunes personnes d'autre goût que celui d'écumer le pot-au-feu ; telles sont leurs propres paroles, qu'ils font entendre jusque sur les théâtres. Ils ne sont occupés qu'à contrarier l'amour du plaisir ; ils n'entrevoient que des cornes dans l'avenir ; ils sont hargneux et tracassiers sur les goûts des femmes, ombrageux comme les eunuques autour des odalisques (I, 133-137).
On a lieu de s'étonner que nos philosophes aient hérité de la haine que les anciens savants portaient aux femmes et qu'ils aient continué à ravaler le sexe, au sujet de quelques astuces auxquelles la femme est forcée par l'oppression qui pèse sur elle ; car on lui fait un crime de toute parole ou pensée conforme au vœu de la
nature.
Tout imbus de cet esprit tyrannique, les philosophes nous vantent quelques mégères de l'Antiquité qui répondaient avec rudesse aux paroles de courtoisie. Ils vantent les mœurs des Germains, qui envoyaient leurs épouses au supplice pour une infidélité ; enfin, ils avilissent le sexe jusque dans l'encens qu'ils lui donnent. (X, vol. 2, 173)
Supposons qu'on pût inventer un moyen de réduire toutes les femmes, sans exceptions, à cette chasteté qu'on exige d'elles, de manière que nulle femme ne pût se livrer à l'amour avant le mariage, ni posséder après le mariage d'autre homme que son mari. Cette disposition envelopperait les deux sexes dans la même servitude, et chaque homme ne pourrait avoir, dans le cours de sa vie, que la ménagère qu'il aurait épousée. Or, quelle serait l'opinion des hommes sur cette perspective d'être, toute leur vie, réduits à ne jouir que d'une épouse qui pourra leur devenir insipide le second mois du mariage? Certes, chaque homme opinerait à étouffer l'auteur d'une pareille invention qui menacerait d'anéantir la galanterie. D'où l'on voit que les hommes sont tous personnellement ennemis de leurs préceptes de chasteté antérieure et fidélité postérieure au mariage : les femmes n'y adhérent pas davantage ; et en définitive, le bonheur de l'un et l'autre sexe ne se fonde que sur la résistance balancée et réciproque de tous deux, aux préceptes de l'institution conjugale.
Si la vie de ménage peut garantir de quelques inconvénients attachés au célibat, elle ne donne jamais aucun bonheur positif, pas même dans le cas d'un parfait accord entre les époux; car s'ils sont de caractère éminemment assortis, rien de les empêcherait de vivre ensemble dans un ordre où l'amour serait libre et la société domestique différemment organisée.
Les savants et artistes, dans les voyages, ne sont aujourd'hui que des objets de stérile admiration, des reliques académiques exposées aux regards de la sotte multitude. J'ai vu à Marseille tous ces savants d’Égypte considérés comme une ménagerie de bêtes fauves : ils marchaient d'ordinaire en compagnie et la populace les poursuivait en criant sans malice : "Des savannes ! des savannes !" - comme on crierait : "Des ours! des ours!".
Une circonstance qui a beaucoup contribué à abuser les esprits sur la destination du sexe féminin, c'est que les femmes, comme tous les classes en état de servilité, se haïssent entre elles, révèrent le sexe oppresseur, méprisant tout homme qui prendrait leur parti et plaindrait leur esclavage.
Simone Debout, née en 1919, reçoit Mediapart chez elle, à Paris (XIVe), pour évoquer Charles Fourier (1772-1837), comparé à Sade, à l'occasion de la publication (chez Claire Paulhan) d'un ouvrage remarquable : « Simone Debout & André Breton – Correspondance 1958-1966 ».
Entretien réalisé par Antoine Perraud (décembre 2019)