Le suicideur

Elle n'entendit pas sa secrétaire frapper doucement sur le battant de la porte ouverte.
- Alors, ça fait quoi d'être célèbre ? D'occuper la première page ?

Elaine Morton entra dans la pièce et s'assit sur l'accoudoir du canapé en souriant devant la photo de sa patronne.

- Je ressemble à une vieille institutrice...

Elaine gloussa et s'empara du quotidien.

- Tu as l'air très professionnelle. En outre, l'image est vraiment touchante, elle montre au public que les Barker savent comment dire merci.

Elle tapota la pomme du doigt.

- Tu t'es remise à la nourriture bio ou alors tu n'as plus rien dans ton frigo ?
- J'ai fait un trop bon repas hier soir.

Elaine renifla la pièce.

- Des plats préparés chinois, je dirais.

Le meurtre-suicide attira aussitôt son attention. Un homme âgé avait été abattu dans son fauteuil roulant. La balle avait traversé sa clavicule, puis son poumon, pour se loger à l'arrière de sa paroi thoracique. A en juger par le volume de sang dans sa cavité pleurale, l'agonie avait été lente, proche sans doute de la demi-heure.

- Ce n’est peut être pas une BM, mais on peut lui faire confiance.
L’individu se retourna sur son siège en regardant fixement par la lunette arrière intacte, tandis qu’ils roulaient vers la sortie.
- Je ne pense pas qu’ils nous suivent, reprit Clare, sans trop savoir lequel avaient le plus besoin de se rassurer.
Une fois hors du parking, elle s’arrêta au stop, en attendant de pouvoir se glisser dans la circulation.
Son passager reprit enfin la parole :
- Eh bien Clare… je commençais à me faire du souci. D’habitude, vous n’arrivez pas aussi tard à la gare !