Avengers/X-men : Utopia

En 2009 dans l'univers Marvel, les États-Unis ont confié la responsabilité de leur sécurité nationale à Norman Osborn qui a mis en place des criminels paradant comme des héros. Cet état de fait a été qualifié de Dark Reign. Par ailleurs, les X-Men ont emménagé à San Francisco, où des factions mal intentionnées ont ravivé le sentiment anti mutant. La situation en est là au début d'Utopia. L'histoire principale comprend un prologue "Utopia" (Matt Fraction + Marc Silvestri), les épisodes 513 et 514 d'Uncanny X-Men (UXM en abrégé, par Matt Fraction et Terry & Rachel Dodson), les épisodes 7 et 8 de Dark Avengers (Matt Fraction et Luke Ross) et un épisode de conclusion "Exodus" (par Matt Fraction et Mike Deodato).

L'opposition aux mutants dégénère à San Francisco qui est le théâtre de d'affrontements violents entre les mutants et la populace aiguillonnée par Simon Trask. Norman Osborn intervient avec ses Dark Avengers (Karla Soffen, Venom, Bullseye, Ares, Sentry et Daken) pour imposer un couvre feu et l'équivalent d'une loi martiale mise en oeuvre par ses Avengers. Après avoir analysé la situation, il estime que la meilleure façon de récupérer l'opinion publique est de créer une nouvelle équipe de mutants (Dark X-Men) dirigée par Emma Frost qui lui doit allégeance.

Cette histoire constitue la suite logique de la série UXM dont Matt Fraction est le scénariste régulier à ce moment. Il vaut mieux avoir lu les tomes précédents pour comprendre qui sont ces mutants et quels sont les enjeux qui les font courir. À cette condition, "Utopia" est un récit plutôt savoureux qui montre comment Scott Summers prend la tête de la nation des mutants et fait face à la récupération médiatique de Norman Osborn. Fraction joue avec une pléthore de X-Men, et les infobulles qu'il accole à chaque personnage se révèlent rapidement utiles pour savoir qui sont tous ces gugusses. Ce tome apporte également une réponse aux questions soulevées par la participation d'Emma Frost à la Cabale d'Osborn. Pour le reste, l'opposition entre les X-Men et les Dark Avengers reste anecdotique même si elle renvoie à une séance de psychanalyse de Sentry par Emma dans New Avengers 2: Sentry. Il n'y a par exemple aucun échange indispensable entre Daken et son père.

Pour ce qui est des illustrations, Marc Silvestri a bâclé son travail pour l'épisode d'introduction (une horreur). Rachel et Terry Dodson semblaient un peu pressés pour l'épisode 513, par contre l'épisode 514 est magnifique. Luke Ross essaye d'imiter le style de Deodato pour les 2 épisodes des Dark Avengers : il aurait mieux fait de s'abstenir, le résultat brille par sa laideur. Mike Deodato a également bâclé ses dessins pour l'épisode de conclusion, à oublier.

Si "Utopia" n'avait été constitué que de ces 6 épisodes, il aurait constitué une histoire agréable des UXM, avec les Dark Avengers en guest stars de luxe et je lui aurais attribuée 4 étoiles. Mais le lecteur a aussi le droit à 1 épisode "Dark X-Men : the confession" dans lequel Emma Frost et Scott Summers ont une conversation à coeur ouvert pour s'avouer leurs petits secrets. le scénario de Craig Kyle et Chris Yost atteint l'objectif, mais dans une forme très pépère et peu mémorable. Les dessins de Bing Casino sont purement fonctionnels et totalement insipides.

"Utopia" contient également 2 épisodes (226 & 227) de la série X-Men : legacy" (scénario de Mike Carey et dessins de Dustin Weaver). le résultat est anecdotique : l'histoire est centrée sur Rogue qui vient en aide à Trance (Hope Abott), une jeune mutante maîtrisant mal son pouvoir. Elle dispose de l'aide de Danger et de Gambit. Mike Carey fait son boulot, sans plus de conviction que ça. Et les dessins sont très professionnels, tout en manquant cruellement de saveur.

Vient ensuite le numéro spécial "Dark Reign : the cabal". La première partie est consacrée à Emma Frost (scénario de Matt Fraction et dessins de Daniel Acuña). Les illustrations sont superbes, l'histoire n'apporte absolument aucune information intéressante. La deuxième partie est consacrée à l'enrôlement de Namor par Norman Osborn dans sa Cabale (scénario de Kieron Gillen, dessins de Carmine di Giandomenico). Cette équipe réussit à rendre absolument improbable l'allégeance de Namor à la cause d'Osborn alors que c'était l'inverse qui était recherché.

Et le tome se clôt sur les 3 numéros de "Dark X-Men : the beginning" qui exposent comment Osborn a recruté Namor (histoire et dessins nuls), Mimic (histoire et dessins sympas), Dark Beast (scénario et dessins moyens), Cloak & Dagger (scénario et dessins sympas qui expliquent pourquoi ils sont enrôlés alors qu'ils ne sont pas des mutants), Weapon Omega (scénario et dessins nuls), Daken (scénario et dessins nuls), Mystique (scénario de Jason Aaron et dessins de Jock, remarquable) et Aurora (scénario rigolo, dessins très moyens).

Pour la série UXM, "Utopia" se déroule après Sisterhood et avant Uncanny X-men: Nation X 1.
Pour la série "X-Men : legacy", "Utopia se déroule après X-men Legacy: Salvage et avant X-men Legacy: Emplate.
Pour la série "Dark Avengers", "Utopia" se déroule après Dark Avengers 1: Assemble et avant Dark Avengers 2: Molecule Man.

J'ai donc bien aimé l'histoire principale, mais je suis un peu énervé par la vente forcée que constituent tous les épisodes supplémentaires dont la qualité laisse à désirer.

Ce tome contient les chapitres 513-514 de "Uncanny X-men", les épisodes 7 et 8 de "Dark Reign", un prologue et une conclusion, qui forment une histoire complète. S'y ajoutent les 226-227 de X-men Legacy, "Dark X-men: The Beginning", "Dark X-men: The Confession" et des extraits de "Dark Reign : the cabal".

Le départ de l'histoire : des extrêmistes anti-mutants demandent leur castration chimique. Beaucoup de mutants, de façon compréhensible, vont leur taper dessus. Les X-men essaient d'empêcher le massacre, même s'ils ne se sentent pas non plus très bien disposés envers les manifestants. Osborn décide d'envoyer ses propres X-men régler la situation, pour montrer qu'ils sont mieux que les vrais. A cette occasion, le fait qu'Emma ait fait partie de la Cabale est dévoilé. Ceci dit, elle suit son propre agenda, Scott a des plans qui impliquent le club scientifique, et Osborn n'est pas le seul à savoir réfléchir.

Et au milieu de la répression des émeutes (et des tentatives pour sauver à la fois les mutants et des civils qui ne le méritent pas forcément), et de la libération des mutants prisonniers qu'Osborn a enfermés dans sa cave pour des usages louches, commence le vrai combat, dont le but est de savoir qui fera bonne impression devant les media, et qui passera, à tort ou à raison, pour un sale type ou un minable.

Le contrôle de l'opinion publique est d'une grande importance pour Osborn dans tout Dark Reign. le fait que les X-men soient détestés des humains malgré leurs accomplissement répétés pour sauver le monde est un des thèmes importants de la série. Il est, pour moi, intéressant que les deux séries se rencontrent justement sur une histoire ou c'est l'enjeu principal, ces moments où il s'agit d'obtenir l'adhésion de la population globale, qui n'a pas les connaissances nécessaires pour distinguer un jeu de manipulation de déclarations sincères. L'énorme organisation d'Osborn et son contrôle factuel sur les media se heurte aux talents de manipulation d'Emma et aux dons de leader de Scott.

Malheureusement, même si cette idée est brillante et intéressante, les autres aspects de l'histoire sont traités de façon beaucoup moins réussie. Il y a des problèmes de rythme. Les passages dans les manifestations réussissent à la fois à être un peu longs, un peu répétitifs, et à ne pas montrer la fin de tous les combats commencés - on doit la déduire en voyant qui est toujours debout, sans connaître le développement. La capture de Mindee et ce qu'elle réussit à faire est très importante, mais est traitée avec trop d'ellipses, trop peu de cases. Les combats sont traités en mode "quelle astuce réussiront à trouver les X-men pour battre tel Dark Avenger ?" et négligent les interactions personnelles.
Le combat de Rogue contre Karla Sofen a plus de développement psychologique que les autres, et montre comment Rogue commence à agir en mentor pour les jeunes X-men maintenant qu'elle contrôle son pouvoir et veut aider ceux qui ont eu les mêmes problèmes qu'elle. En tant que tel, même s'il s'intègre dans cet arc presque par hasard, il a plus de place dans la continuité de X-men Legacy, et est d'ailleurs raconté à part ; cela peut d'ailleurs surprendre et décevoir de voir que les chapitres ne sont pas du tout dans l'ordre chronologique.

Les Dark Avengers eux-mêmes sont très peu exploités, à part pour le combat, et une sorte de rivalité avec les Dark X-men, qui leur volent la vedette. J'ai d'ailleurs aimé cette équipe, ceux qui sont fidèles à Osborn comme ceux qui le trahissent. J'aime les petites scènes d'"entretien d'embauche" qui concluent le tome sous le titre "Dark X-men: The Beginning", elles montrent bien à quel point Osborn ose tout en tant que manipulateur, parfois il réussit brillamment, et parfois il a les yeux plus gros que le ventre.

Enfin, "Dark X-men: The Confession" était décevant pour moi. Cela raconte comment Scott et Emma réagissent à apprendre tout ce qu'ils se sont mutuellement caché. Au lieu de donner une discussion intéressante, des questions qui auraient mérité une réponse (qu'il s'agisse de choix éthiques ou de la relation entre Emma et Namor) sont ensevelis sous quelque chose qui ressemble à "je te pardonne tout parce que je t'aime". Pour les lecteurs qui aiment lire la romance Scott/Emma comme extrême et passionnée plutôt que comme une relation équilibrée entre adultes matures.

Globalement, j'ai trouvé ce tome intéressant, sans pouvoir m'empêcher, plusieurs fois, de soupirer en pensant qu'il aurait pu être encore bien meilleur avec juste quelques changements.