Je n'aime pas les biographies... et grâce à cet ouvrage je sais pourquoi... (en fait je l'ai toujours su, sans réellement mettre des mots sur mon ressenti).
Il y a deux types de biographies. D'une part, les documents conçus comme une somme, alternant les détails insignifiants et les informations capitales. Les premiers noyant les secondes. On a droit à des passages comme "Lors de cette réunion, X, Y et Z étaient présents, il était 12h17, ils burent une coupe de champagne et on servit quelques toasts au saumon. Il en resta 4 sur un plateau de 25. Selon X, cependant, Y les reprit pour les donner à son chien. A cette époque, Y avait une femelle braque de 8 ans. C'est lors de cette réunion que se décida la rétrocpective au centre
Georges Pompidou qui allait consacrer Z."
D'autre part, des biographies sont moins exhaustives et vont à l'essentiel en ajoutant des éléments de contenu artistique, philosophiques, et incluant les témoignages, recoupant les sources, etc.
Catherine Francblin nous livre une biographie du premier type... Tout y est. Je pense qu'on peut lui faire confiance. Tout y est, dirais-je, sauf l'âme de l'artiste. Ses sentiments. Ses émotions. Et les sources principales (pour 80% du livre) sont des faits (dates, heures, lieux, tableaux) et les mots mêmes de Niki de
Saint Phalle. Assez peu de recul de la part de l'auteure sur ces éléments. Ensuite viennent quelques sources annexes, mais pas de travail d'heuristique ou d'herméneutique, de recoupement ni de confrontation des sources. Ou très rarement.
Pas de mise en contexte, pas d'esprit critique. Il est vrai qu'alors on prend parti et on sort un peu du cadre de la biographie stricto sensu.
On sent (et cela m'a gêné aussi)
Catherine Francblin acquise fait et cause à
Niki de Saint Phalle. Tout est positivé. Tout est "bel et bon". Même les échecs patents sont évacués délicatement en les enrobant. On n'aborde pas non plus la question de l'argent et des amis bienveillants. La production en série des Nanas est une bonne chose pour Francblin. Pas de discours contradictoire. Niki le dit, alors c'est vrai. Même quand d'autres sources semblent indiquer le contraire. Ce manque de mise en perspective me pose des problèmes. Je peux comprendre cette approche, mais pas l'admettre. Je constate la masse d'informations (faussement) "objectivées". Et je ne peux pas m'empêcher de ne pas être transporté ou convaincu.
Au final, j'ai énormément appris, bien sûr. Mais j'ai "trop" appris. Que retiendrais-je d'une telle masse? Pas grand-chose. C'est une approche d'agent artistique, de propriétaire de galerie ou de directeur de musée. Pas de sociologue ou d'historien de l'art.
Ouvrage de référence? Sans doute le dira-t-on. Mais pour que cela soit ainsi, il faudrait un double index en fin de tome. Pas mots-clés et par dates, par lieux. Il faudrait une table des matières qui permette d'entrer dans le texte à d'autres endroits que suivre simplement l'ordre chronologique des choses. Or, la table des matières est assez chiche si on veut voir l'oeuvre de Niki de
Saint Phalle de manière thématique ou transversale, plutôt que longitudinale.
Bref, je pense que les biographies ne sont pas faites pour moi.