Extraire de rutilantes pépites dans l'oeuvre de
Montaigne ne demande qu'à s'y pencher pour puiser selon ses besoins du moment.
Bernard Frank y a trouvé le très bon titre de son recueil dans une phrase du célèbre philosophe moraliste, citée en exergue : « L'écrivaillerie semble être quelque symptôme d'
un siècle débordé ». Faudrait-il donc le reborder, ce siècle remuant, afin qu'il s'endorme enfin sur ses lauriers ?
Bernard Frank (1929-2006), journaliste à la plume bien trempée, va s'évertuer à frapper la fourmilière où critiques littéraires et mauvais écrivains s'agitent et s'excitent afin de bronzer comme des idiots sous les feux de la rampe. La hauteur des railleries à la mesure de leur insignifiance. Avec la publication de ses
Antimémoires,
Malraux commence le bal mais de trappe, point encore.
Bernard Frank hésite entre l'encensoir et le grattoir : « Les six cents pages de
Malraux, c'est la fraîcheur, la brise même de la littérature » ; Plus loin, on peut lire : «
Malraux monologuait l'autre soir à la télévision devant
Roger Stéphane… qui n'y comprenait rien… » ; « A la trappe,
Malraux, à la trappe ! ».
Bernard Frank sait être drôle et sans complexe. Il se fera congédier de la revue des Temps modernes par
Sartre car le philosophe cogneur n'apprécie pas d'apparaître dans le roman de Frank,
Les Rats. Inventeur des « hussards » et des « grognards » des lettres, il fréquente
Françoise Sagan, l'alcool et les casinos. Pourtant, à travers ses chroniques (Le Matin de Paris, le Monde,
Le Nouvel Observateur) et ses livres dont peu aboutiront, il place la littérature sur un piédestal et son babillage n'est plus seulement brillant, il en devient croquant d'intelligence.