Edmond de Goncourt a toujours nourri des sentiments contradictoires à l'égard de Maupassant. Lancé dans le monde des lettres par Flaubert que Goncourt considère comme un génie, Maupassant connaît un succès fulgurant grâce au journalisme, qu'Edmond jugeait indigne d'un écrivain. Hyperactif et polygraphe, Maupassant, comme Zola, représente l'homme de lettres moderne bien ancré dans la société de son temps. En homme d'affaires avisé, il gère au mieux sa popularité et l'argent que lui rapportent ses livres. Il s'oppose à l'image de l'auteur retiré dans sa tour d'ivoire, au milieu des objets d'un autre âge, ciselant les mots avec une précision d’orfèvre, pour les happy few.
Maupassant se montre très critique contre le système français de la colonisation, les nominations des fonctionnaires. Il pointe les méthodes d'expropriation, juge les colons, garde sa sympathie aux militaires restés au contact des populations locales. Mais sa plume se montre aussi raciste -" qui dit Arabe dit voleur, sans exception" -, antisémite : "Dès qu'on avance dans le sud, la race juive se relève sous un aspect hideux qui fait comprendre la haine féroce de certains peuples contre ces gens et même les massacres récents.". Sa description des commerçants juifs et des usuriers ? Une caricature d'époque !
Maupassant a peu évoqué la Basse-Normandie, le pays d'Auge. Il est resté accroché au pays de Caux. Est-il allé dans le Cotentin, berceau de ses ancêtres maternels ? Au cimetière de Saussemesnil, près de Valognes, la plupart des tombes portent le nom de Lepoittevin-Dubost. A-t-il visité Gruchy, près du cap de la Hague, la maison de son peintre favori, Jean-François Millet ? Il aurait aimé cette Irlande normande, ce paysage de granit, de bocage dont Barbey d'Aurevilly est le seigneur. En Normandie, l'habitant du village voisin est déjà un horsain, un étranger.
Maupassant n'aimait pas l'autobiographie. Il s'est conduit en clandestin, a volontairement oublié son état civil pour l'ouvrir, le fondre dans une région, à la fois maritime et rurale. Il n'est pas l'enfant de Miromesnil, de Fécamp ou d’Etretat mais l'amant de toute la Normandie.
Dans les contes de Maupassant, Rouen est la ville de la femme entretenue, une Babylone où les filles aguichent les militaires, les paysans enrichis, les bourgeais : la perdition.
Et si nous vivions aujourd'hui dans un territoire occupé, pris au piège de nos écrans ? C'est ce qu'affirme l'écrivain et éditeur Olivier Frébourg. "Un si beau siècle" (Éditions des Équateurs) est un pamphlet contre le totalitarisme des écrans, qui oppose le temps de la poésie, la beauté et la lenteur pour sortir de l'accélération du temps et de l'enfer des écrans.
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