J’avais envie de dire Maman… Maman… Maman… Parce que rien n’est plus doux à dire, plus bouleversant. Dire maman jusqu’à ce que le sommeil m’emporte. Le sommeil des enfants qui ne sont jamais seuls, qui ne connaissent pas la solitude des gares et des trains qui s’en vont.
Là-bas, sur les ailes déployées de l'horizon, sur les grandes ailes blanches de sa tendresse elle devient l'été, la pluie, le temps. Et chaque jour un peu plus je sens que je me rapproche d'elle, et je deviens ce qu'elle est devenue: la lumière et le vent.
Les mots reviennent à pas de loup, aussi silencieux que des papillons noirs. Les mots ne nous trahissent pas. Ils nous effraient, ils nous fuient. Lorsqu'on a vraiment besoin d'eux, ils entrent dans la maison par les fenêtres et par les portes, par le soleil et par la lune, par toutes les lumières des saisons. Ils se glissent partout, dans les chemises, dans les placards, dans les draps. Violemment ils vous accrochent le ventre, vous poussent vers la table. On ouvre un cahier, on attrape un stylo. Ils sont là, précis et rassurants comme une mère.
Écrire c'est aimer sans la peur épuisante d'être abandonné.
Si l'amour cessait d'exister du jour au lendemain notre planète s'éteindrait. L'amour, toutes les folies de l'amour, rien que l'amour, le reste n'est qu'inutile poussière de vanité.
Les vrais mots sont dans le regard d'une maman, dans son sourire. C'est le sommeil retrouvé, la grande paix de la nuit, le vol lent et bleu des rêves. Écrire c'est aimer sans la peur épuisante d'être abandonné. Seules les mères et l'écriture ne nous abandonnent jamais. Chaque cahier qui s'ouvre est un berceau calme et blanc. Chaque cahier fait de nous un enfant.
" Se faire un sang d'encre", c'est peut-être cela écrire, tracer des mots pour contenir son sang. Les écrivains sont des loups blessés qui laissent derrière eux une trace de souffrance.
Plus tard on apprivoise l’épouvante et la beauté mais elles ne vous quittent plus, il faut veiller jour et nuit, combattre, dompter. L’enfance a ses répits que l’homme ne connaît plus. Les fauves sont en nous. Il faut dormir debout une hache à la main.
Rendre une femme heureuse que peut espérer un homme de plus grand ?
Depuis quarante ans, je vivais dans la terreur que l'on m'annonce ça, le début de la mort de la mère. A l'âge de six ans, j'en avais perdu le sommeil. Et cet homme banal venait de prononcer banalement les mots les plus douloureux de ma vie, pendant que ma mère se rhabillait comme un enfant.