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Si tous les témoignages de jeunes filles ayant subi les assauts incestueux de pères, géniteurs ou beaux-pères nous choquent tellement, c'est qu'un des interdits de toutes les sociétés humaines, c'est justement l'inceste.
Freud commence son exposé en réaffirmant cet interdit universel y compris « chez ces cannibales nus et pauvres » dont nous ne pouvons pas imaginer leur moralité ni « la répression de leurs pulsions sexuelles ».
Car la première conscience morale repose sur le totem, et l'interdiction pour ceux qui appartiennent à ce point de ralliement qu'est le totem, de se marier entre eux : l'exogamie.
L'inceste devient donc tabou, et Freud analyse longuement, à l'aide des anthropologues comme Frazer ce qu'est un tabou : il s'agit de préserver les personnes éminentes (chefs et prêtres) et de protéger aussi, dans le même temps, les faibles (femmes et enfants).
Freud fait, à ce moment de son exposé, un clin d'oeil aux lecteurs et preuve de son esprit philosophique en ajoutant : « j'ose à présent affirmer qu'après toutes ces données sur le tabou ils savent encore moins qu'avant ce qu'ils doivent entendre par là. ».
Continuons donc : le tabou de tuer des animaux forme le noyau du totémisme. Les morts sont craints par l'action néfaste qu'ils peuvent entreprendre contre nous les vivants, craints en même temps que regrettés. Vénération et exécration sont les deux sentiments mêlés quant aux tabous : « le tabou des morts repose lui aussi sur l'opposition entre la douleur consciente et la satisfaction inconsciente qu'inspire le décès ». 
Voilà, nous arrivons à un grand principe qui englobera anthropologie, psychologie et psychanalyse : L'ambivalence affective. le mot tabou lui-même est ambivalent : sacré et impur.
Et toutes les fois qu'il y a un interdit, c'est qu'il y a eu désir.
Rapprochant les primitifs des névrosés, Freud analyse leurs interdits de contrainte, aux uns comme aux autres, et leur croyance en la toute-puissance de la pensée.
Mais revenons à l'ambivalence, qui se manifeste dans l'interdit de tuer l'animal totémique, qui n'est autre que le père. En lui rendant honneur au cours d'un sacrifice, finalement il y a ingestion ( ou communion) après mise à mort de l'animal, comme si la communauté assumait l'interdit en mangeant ensemble.
« Une fête est un excès permis, mieux, ordonné, une violation solennelle d'un interdit ». 
Tuer se transforme en festivité, on tue l'animal et on en porte le deuil, en même temps que l'on fait la fête.

Très étrangement, trente pages avant la fin de son essai, et se basant sur la horde primitive darwinienne, Freud abat ses cartes : ces fêtes de repas totémique reproduisent le meurtre du père originel, celui qui gardait toutes les femelles pour lui et chassait ses fils. Ceux-ci, toujours selon le sentiment ambivalent, l'admirent et le haïssent.
Et le tuent.
Et le mangent, pour s'approprier les forces du patriarche.
Puis, par une sorte d'obéissance rétrospective, et l'impossibilité où ils sont de se partager les femmes sans se faire la guerre, ils désavouent leur acte en interdisant la mise à mort du totem (leur père) et l'interdiction de rapports sexuels avec leurs « mères ou soeurs. »
De cette scène primitive est née la civilisation, et aussi la culpabilité, le péché originel «  qui n'a cessé de tourmenter l'humanité » et qui aboutit aux deux grands interdits de toute l'humanité : l'inceste et le meurtre du père, ce qu'Oedipe a, malgré lui, commis.
La fête totémique serait une commémoration de l'interdit qui reste interdit, une répétition annuelle et collective.
Je dis « serait », comme Freud, qui avance l'hypothèse de cette scène originelle, sans en paraitre évincer tous les doutes, d'où sa valeur : «  Où se trouve dans cette évolution la place des grandes divinités maternelles qui ont peut-être précédé partout les dieux-pères ? Je ne saurais le dire. »
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Un livre qui m'avait été imposé lorsque j'étais au lycée et que j'ai voulu relire. Toutefois Sigmund Freud l'écrit lui-même : "Ce livre, tout en s'adressant à un public de non spécialistes, ne pourra cependant être compris et apprécié que par des lecteurs déjà plus ou moins familiarisés avec la psychanalyse". Cet essai est donc, et je le dis sans rougir de honte, assez complexe, ardu et demanderai pour des passages entiers une relecture car je ne suis pas psychanalyste. Un essai qui nous mène du tabou et du totem, jusqu'à l'interdit de l'inceste et au complexe d'Oedipe... le mettre entre les mains de lycéens n'était-ce pas préjuger un peu de leur force, de leur maturité, et de leur aptitude à aborder la psychanalyse?
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Partant du postulat que l'enfance est à l'individu ce que le peuple primitif est à notre société, Freud se propose d'analyser la vie des peuples primitifs pour enrichir notre connaissance psychanalytique, sans laisser sur le côté les ethnologues et linguistes qui sauraient également venir enrichir la réflexion. La méthode pourrait paraître moralement incorrecte car elle porte à croire que Freud établit un jugement de valeur entre société primitive et société moderne. La lecture de l'ouvrage nous apprend cependant que Freud n'assigne absolument aucune valeur à chacun des états de la société, se contentant de reconnaître que trois systèmes se succèdent, celui de l'animisme, celui de la religion et celui de la science, chacun accordant une place décroissante à l'homme au profit de l'entité supérieure sur laquelle sont projetés les fantasmes ambivalents de l'homme.


Pour son analyse, Freud part du postulat que les peuples sauvages contemporains représentent les peuples primitifs à l'origine des civilisations ultérieures. Il observe alors deux phénomènes principaux : le tabou et le totémisme.


Le tabou est un mot polynésien qui désigne le sacré. Il s'apparente au « sacer » des anciens Romains et, dans une certaine mesure, à notre « impératif catégorique » issu de Kant. le tabou semble imposé de l'extérieur et concerne un désir inconscient et puissant. Sa violation remet en cause l'équilibre du clan. Il faut alors procéder à un acte d'expiation dont la nature serait identique à celle du désir normalement écarté.


Le totem est un objet superstitieusement respecté. le totémisme est une pratique religieuse et sociale qui implique le respect de l'homme vis-à-vis du totem, et le respect d'un certain nombre d'obligations à l'intérieur du clan rattaché au même totem. Freud se demande si l'exogamie, découlant de la peur de l'inceste, existait déjà avant le totémisme, ou s'il n'en fut qu'une conséquence.


Le tabou et le totémisme se retrouveraient, sous une forme plus individuelle et nuancée, chez le névrosé obsessionnel. Celui-ci fonctionne en effet sur le mode de la superstition et réalise des actes qui ont valeur d'expiation. Leur origine est inconsciente mais vise certainement à surmonter un désir puissant.


« Résumons les points sur lesquels porte la ressemblance entre les coutumes tabou et les symptômes de la névrose obsessionnelle. Ces points sont au nombre de quatre : 1° absence de motivation des prohibitions ; 2° leur fixation en vertu d'une nécessité interne ; 3° leur facilité de déplacement et contagiosité des objets prohibés ; 4° existence d'actions et de commandements cérémoniaux découlant des prohibitions. »


La névrose s'éclaircit par comparaison avec la mentalité des peuples primitifs et, à son tour, l'histoire du tabou devient plus claire lorsque Freud tente de la reconstruire en appliquant ses connaissances sur les prohibitions obsessionnelles des névrosés. L'origine du tabou remonterait donc à une privation qu'il s'agit de nommer. Pour Freud, les deux interdits fondamentaux du totémisme –la prohibition de tuer le totem et d'épouser une femme du même totem- renvoient au complexe d'Oedipe. La religion totémique traduirait donc la culpabilité mais aussi la gloire des enfants qui se souviennent du meurtre du père. Ce meurtre peut être aussi bien réel que fantasmé car Freud estime que, dans le système animiste des peuples primitifs, la pensée et la parole ont autant de pouvoirs que les actes réels.


« Nous savons déjà qu'étant donné leur organisation narcissique, ils attachent à leurs actes psychiques une valeur exagérée. Aussi bien les simples impulsions hostiles à l'égard du père, l'existence du désir imaginaire de le tuer et de le dévorer auraient-elles pu suffire à provoquer la réaction morale qui a créé le totémisme et le tabou. »


On trouve encore une trace de ce tabou et des pratiques totémistes dans le système religieux chrétien. le péché originel traduirait l'offense envers Dieu le Père, rachetée par le Christ qui mourut sur la Croix. L'Eucharistie découlerait ensuite du processus qui est à la base du repas totémique. Sous quelle forme se manifestera ou se manifeste déjà la résurgence totémique dans le troisième système, celui de la science ?


Cette analyse démontre encore une fois l'ouverture d'esprit de Freud qui a voulu concilier de nombreuses disciplines afin qu'elles s'enrichissent mutuellement. Bien que l'on puisse contester les conclusions de cet ouvrage par désaccord avec ses axiomes, il faut reconnaître que le rapprochement effectué entre le phénomène obsessionnel de la névrose et les phénomènes religieux et social du totémisme est une idée porteuse et riche en implications.

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Ouvrage de référence pour qui s'intéresse à la psychanalyse, "Totem et tabou" est l'une des pièces maîtresses de Sigmund Freud car c'est ici que, se basant sur des données anthropologiques, linguistiques et cliniques, il aborde pour la première fois les origines de son célèbre Complexe d'Oedipe.
Revenant sur des thèmes tels que la peur de l'inceste, l'ambivalence des sentiments et la toute puissance des idées, Freud nous promène à travers l'espace, de l'Australie à l'Europe, et à travers de temps, de l'ère de l'homme préhistorique à celle de la bonne société viennoise du 19ème siècle, afin de nous démontrer que certaines choses sont universelles, et que le tabou d'inceste et le complexe d'oedipe sont de cet ordre.
"Totem et tabou", en fait, c'est un peu le conte des origines, celles de l'humanité et celles de chacun de nous... Très intéressant et d'une grande richesse théorique, je le recommande chaudement, même si, de par son style, ce n'est pas l'ouvrage du père de la psychanalyse que j'ai pris le plus de plaisir à lire...
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Quelles sont les sources psychiques des religions? Freud invoque bien sûr le complexe d'Oedipe, cette volonté de tuer le père qui touche tous les enfants. Un père tout-puissant, jadis, a été tué par la horde des fils. Ils l'ont dépecé, l'ont mangé, puis se sont sentis coupables, en ont fait leur totem, sous la forme d'un animal vénéré devenu, à la longue, pour faire renaître le père, un dieu. La démonstration semble convaincante, même s'il ne nous est plus donné de voir la religion telle qu'elle était à l'origine, et que tout repose sur des observations fragiles et sur l'assimilation de la vie psychique des individus à celle des peuples. de tout cela découlerait aussi l'interdit de l'inceste, car toutes les femmes appartenaient au père assassinée et vénéré. Tout serait ambivalent, mélange d'adoration et de haine, à la fois mal et bien, tentation et interdit. Tout serait donc humain, trop humain.
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Un essai intéressant sur les tabous en général, ceux que l'on a à la naissance et ceux qui viennent avec la société, c'est toujours intéressant de lire le père de la psychologie car on peut constater l'évolution des travaux sur le sujet. Maintenant, c'est pas facile à lire, le but est de vulgariser pour ses pairs et non pour le grand public, donc il faudra s'armer de vos meilleures connaissances en psychologie et psychanalyse pour comprendre l'écrit.
Il reste toutefois intéressant et relativement lisible, on y parle des sociétés primitives aussi bien que des sociétés modernes (et futures), mais les plus important ce sont les réflexions de Sigmund Freud sur le sujet du tabou, il offre de bonnes pistes, censé et claires pour qui sait les décrypter.
Intéressant mais pour public ayant déjà des bases solides en psychanalyse et je n'ai moi-même pas compris tous les propos de l'auteur.
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Oeuvre majeure de Sigmund Freud qui a participé à la fondation de la psychanalyse, à travers la mise en évidence d'un inconscient collectif.
Dans cette oeuvre, largement inspirée de l'anthropologie de l'époque (début XXème siècle), Freud s'appuie sur l'étude des peuples dits "primitifs" pour élaborer le concept d'une psychologie collective, en lien avec les grands mythes fondateurs, où l'interdit de l'inceste est au premier plan. de là, Freud, fera un zoom pour échafauder un parallèle avec la psychologie individuelle, et notamment la dynamique névrotique.
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Comment dire ? Freud et moi ne sommes pas amis, mais alors loin de là.
Déçue dès le premier tiers, si ce n'est dès les premières pages, la notion de Totem n'est que survolée, ce qui intéresse Freud correspond aux relations au sein d'une fratrie totémique, quant à la notion de tabou, elle se rapproche du sacré ou de l'intouchable (c'est à voir). J'espérais trouvé un essai évoquant l'élaboration des totems au sens élaboration personnelle de totem et non celle d'un symbole d'identification du groupe ou famille en vue d'éviter l'inceste dit "de groupe".

Dans le premier tiers, Freud n'évoque pratiquement que les "sauvages" (les aborigènes australien), et les moeurs afin d'éviter l'inceste de groupes, le mariage en dehors du clan totem, et l'évitement entre homme et femme tenant pratiquement de la caricature (même si j'ignore tout de la véracité de ces moeurs). Il sous-entend d'ailleurs, que les "sauvages" sont plus enclin à l'inceste, que ni les Dieux et ni les démons n'existent.

La suite de l'essai s'améliore (pour moi), on s'éloigne du "sexe", pour aller vers d'autres désirs source de tabou : le désir de mort notamment entraînant des sentiments de culpabilités du survivant, l'aspect intouchable du chef pour pallier au désir de prendre sa place. Même si de temps en temps, son obsession préféré refait surface.

Je reste un peu déçue par l'essai, même si je ne suis pas autant en colère que lors de la lecture freudienne précédente car il aborde aussi des thêmes moins portés sur la chose et les troubles obsessionnelles, les phobies, lesquels portent selon lui, sur les tabous inconscients de l'individu : et CA m'a paru pertinent.
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Excellent... le type il a une paire de burnes extraordinaire. Il te dit comme ça, serein en te regardant dans les yeux "il semblerait que, sans tirer d'hypothèse trop précipité et ce serait simpliste de résumer le tabou à me propos, mais je dois dire avec certitude que les frères ont mangé le père dans un repas totémique.." C'est qui est fou c'est que des gens le croient mais en plus ils le remercient.
Ce bouquin faut le lire, je me suis régalé, je suis toujours aussi adepte des tours de passe passe de Sigmund, de ses raccourcis où il te balance une vérité à la gueule et que si tu le contredis c'est qu'il a raison car ton inconscient s'oppose à sa vérité.
Chapeau l'artiste, seul Paco Rabanne a tenté de nous la faire à l'envers comme tu sais si bien le faire mais il avait pas ton talent.
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Même si les anthropologistes ont démontré qu'il s'était trompé et que les peuplades ne passent pas tous par le parricide se transformant en tabou rappelé par le totem... Et comme avec la bible, l'important n'est pas la vérité mais le message, la symbolique voulant être transmis.


Le plus accessible de ses ouvrages aux non psychologues.
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