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EAN : 9782915540543
93 pages
Editions Chandeigne (20/08/2009)
3.69/5   13 notes
Résumé :

En 1543, les Portugais sont les premiers Européens à découvrir le Japon, où ils nouent aussitôt des liens commerciaux. François Xavier y implante dès 1549 une mission jésuite. En 1597, commencent les premières persécutions. Le "siècle chrétien" s'achève tragiquement dans les années 1640-1650 : le pays se referme alors sur lui-même, et interdit son territoire à toute prése... >Voir plus
Que lire après Européens et japonais : Traité sur les contradictions et différences de moeursVoir plus
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LE JÉSUITE AMOUREUX DU JAPON



J'avais découvert bien tardivement les éditions Chandeigne, spécialisées dans la littérature lusophone, avec le passionnant ouvrage qu'est La Découverte du Japon, somme de documents sur l'image fantasmée de Cipango aux yeux des Européens, puis, en gros, sur la première décennie d'échanges entre Européens et Japonais, vers le milieu du XVIe siècle. Ce livre convoquait des textes d'un certain nombre de grandes figures historiques, incluant, avant la « découverte » du Japon à proprement parler, Marco Polo et Christophe Colomb, mais aussi, à l'époque même, saint François Xavier – car, si ce sont des marchands portugais et espagnols qui ont tout d'abord mis le pied sur le sol japonais, ils ont été bien vite suivis par des religieux, prêtres de la Compagnie de Jésus, dont « l'apôtre des Indes » est assurément le plus célèbre ; pour autant, il était loin d'être le seul.



Or, dans cet ouvrage, les témoignages les plus fascinants et instructifs, les plus « objectifs » aussi, dans une certaine mesure, étaient dus à un autre jésuite, moins connu, et arrivé quelque temps après François Xavier : le Portugais Luís Fróis (1532-1597). Un bonhomme assez fascinant, et un observateur méticuleux du Japon et des Japonais – bien plus subtil que ses frères en Jésus-Christ. Et un véritable amoureux de ce pays si étrange, littéralement situé aux antipodes… Si les obligations du révérend père Fróis l'amenaient à voyager beaucoup, et à revenir de temps à autre à Macao, par exemple, il n'en reste pas moins que le Japon était devenu son pays d'adoption – il y a vécu une trentaine d'années, avec de brèves interruptions seulement ; lors d'un de ces séjours à Macao, sentant que la mort viendrait quelques mois plus tard, il a semble-t-il fait état de son souhait de mourir au Japon – qui était devenu sa patrie ; ce qui s'est produit en 1597, à Nagasaki. Une sorte de Lafcadio Hearn avant l'heure ?



En tout cas, Luís Fróis n'était sans doute pas un jésuite comme les autres – encore que parti sur des bases assez proches : quand il arrive au Japon, en 1563 (soit vingt ans après le premier contact entre Japonais et Européens, et une dizaine d'années après la mort de François Xavier), il ne sait pas grand-chose du pays, et rien de sa langue. Cependant, il s'attèle à la tâche, et en obtient bientôt une perception très fine des us et coutumes des Japonais, et une maîtrise admirable de leur langue – lui qui était d'abord accompagné par un interprète, fait dès lors lui-même office d'interprète pour d'autres missionnaires jésuites célèbres, ses supérieurs, comme Francisco Cabral et Alessandro Valignano. Il rencontre aussi des figures majeures de l'histoire japonaise, et surtout Toyotomi Hideyoshi, lors d'une importante audience en 1586 – dont le bilan n'est toutefois guère favorable aux jésuites : si Oda Nobunaga, son prédécesseur, avait fait preuve de son ouverture envers les chrétiens (pour des raisons toutes politiques sans doute), ce n'est pas le cas de Hideyoshi, qui initie dès l'année suivante les persécutions qui culmineraient dans les premières décennies de l'époque d'Edo, le christianisme interdit ne subsistant plus dans l'archipel que dans des petites communautés de « chrétiens cachés » ; je vous renvoie le cas échéant au roman Silence, d'Endô Shûsaku.



Quoi qu'il en soit, l'acuité et l'érudition de Luís Fróis n'échappaient certainement pas aux autres jésuites. Désireux de mieux connaître le pays qu'ils étaient supposés évangéliser, ils ont chargé le prêtre portugais d'écrire une histoire du Japon, ainsi qu'une histoire des premières années de l'implantation du christianisme dans l'empire du soleil levant. On a parfois dérivé de ces études la conviction que Luís Fróis était le premier des japonologues.



Mais un autre texte, plus obscur, est peut-être plus révélateur encore de la relation entretenue par le jésuite avec le Japon – le présent petit « traité », de moins d'une centaine de pages, un recueil d'observations très lapidaires, sans véritable argumentaire (en apparence, du moins), et qui constitue un témoignage précieux sur les moeurs des Japonais dans la seconde moitié du XVIe siècle, mais aussi sur le regard que les Européens portaient sur ces moeurs. Cependant, ce texte n'a pas eu le même retentissement initial… car il avait été perdu sans avoir jamais été publié. On n'en a retrouvé la trace que près de trois siècles plus tard, en 1946, tout au fond des archives madrilènes – et il a connu sa première publication une dizaine d'années plus tard. En français, il a fait l'objet d'une première publication chez Chandeigne en 1993, avec un appareil scientifique conséquent, qui a hélas disparu de cette version poche – laquelle est toutefois agrémentée d'une très, très brève préface de l'éminent Claude Lévi-Strauss.



TOPSY-TURVYDOM (EN PORTUGAIS ?)



Le « traité » de Luís Fróis est donc très bref, et consiste en très lapidaires paragraphes numérotés et classés par thèmes, consistant à opposer (ou nuancer, parfois) les différences de moeurs entre les Européens et les Japonais. La structure est globalement toujours la même : en Europe nous faisons comme ci, les Japonais font comme ça. Point. Pas d'autres développements, pas d'analyse à proprement parler, ce n'est pas le propos. En fait de « traité », nous avons donc des listes plus ou moins développées de « couples » de comportements, dans une relation binaire, dans des registres parfois très anecdotiques, d'autres fois plus subtilement riches.



Il est vrai que la chose était tentante alors, et l'est sans doute autant, ou presque autant, aujourd'hui. Il y a une tendance forte à remarquer que les Japonais « font tout à l'envers » – ce qui, en tant que tel, ne veut certes pas dire grand-chose. Mais… C'est comme s'ils le faisaient exprès ! dit-on. de la manière de monter sur un cheval à la manière de coudre, en passant par la construction des bâtiments, la préparation des repas, l'arrangement des coiffures ou l'art de la guerre, ou aujourd'hui la conduite automobile, le reflet dans un miroir apparaît systématique… le « traité » de Luís Fróis en est bien sûr une éclatante démonstration, mais d'autres ont eu le même ressenti, en d'autres temps. Claude Lévi-Strauss cite ainsi dans sa préface Basil Hall Chamberlain, auteur en 1890 d'un essai intitulé Things Japanese, et qui comprend un article titré « Topsy-Turvydom », qui fait exactement le même constat, en reprenant un certain nombre d'exemples déjà croisés chez Luís Fróis deux siècles plus tôt, et pour beaucoup toujours valables aujourd'hui – ceci, bien sûr, sans que l'Anglais en ait eu conscience, car le texte du jésuite était inconnu alors.



La confrontation de ces deux textes et d'autres témoignages encore semble confirmer cette curieuse impression – en en étendant le champ éventuellement, d'une manière capitale ; car il ne s'agit pas tant, ici, d'opposer le Japon et l'Europe, ce qui ne serait qu'un bien banal ersatz d'ethnocentrisme… que le Japon et le reste du monde ! En y incluant ses plus proches voisins asiatiques – à cet égard aussi éloignés du Japon que le sont la France ou l'Angleterre. Exemple bateau : au Japon on construit en bois, en Chine ou en Corée on construit en pierre, etc.



Ce jeu de contraires est par ailleurs si poussé qu'il aboutit à la fascination – et une fascination souvent empreinte de sympathie, au-delà du seul étonnement. Claude Lévi-Strauss, en exergue, cite Platon : « Car c'est le plus contraire qui est au plus haut point ami de ce qui lui est le plus contraire. »



Et, au fond, cette impression n'est peut-être pas si curieuse ? Il y a même là un réflexe assez commun, finalement. Claude Lévi-Strauss, toujours lui, en cite un intéressant exemple… il y a 2500 ans de cela, avec Hérodote décrivant la civilisation égyptienne dans des termes très proches. Mais l'anthropologue fait alors une remarque importante : chez Hérodote, Luís Fróis et Basil Hall Chamberlain, le constat est là, et appuyé, il est au coeur même du discours, mais, là où d'autres en auraient tiré sans vergogne un bête tableau eurocentré raillant la « bizarrerie » des Japonais comme une énième preuve de leur infériorité en termes de civilisation, nos trois auteurs, eux, ne tombent pas (ou seulement de manière exceptionnelle) dans ce vilain travers – décrire la civilisation d'en face en termes d'opposition, bien loin de réduire le sujet d'étude à la barbarie, revient en fait à reconnaître l'existence de ladite civilisation, et autant que possible sur un pied d'égalité (si quelques réflexes de rejet demeurent). C'est aussi cela qui fait de Luís Fróis un précurseur de l'anthropologie – et un observateur bien singulier dans le contexte de l'évangélisation du Japon dans la seconde moitié du XVIe siècle.



OBSERVER, NE PAS JUGER (SAUF DANS UN CAS)



En effet, la structure même du « traité », dans son aspect très sec, plus que laconique, est telle que le jugement n'y a que très rarement sa place – au sens le plus littéral, d'ailleurs : deux ou trois lignes pour exprimer une divergence de modes de vie sont ici bien suffisantes. Luís Fróis observe – il ne juge pas ; sans doute sait-il que juger affaiblirait la pertinence de ses observations ? L'opposition, ou la nuance – car en vérité le « miroir » n'est pas parfait, et les moeurs des Japonais, parfois, divergent d'avec les européennes plus qu'elles ne s'y opposent –, ne s'accompagnent le plus souvent pas de jugements de valeur : ici c'est ainsi, ailleurs c'est comme ça – et au fond il n'y a pas grand-chose de plus à en dire.



Certes, il ne faut sans doute pas tout prendre au pied de la lettre, ici : Luís Fróis est un homme, pas une machine « neutre », et parfois il exprime son étonnement en des termes où pointe malgré tout la possibilité du jugement et de la critique. On peut aussi supposer que la « neutralité » des termes, en un certain nombre d'occasions, s'avère trompeuse : consciemment ou pas, le jésuite emporté dans son tableau peut parfois être amené à forcer un peu le trait. Et parfois un terme connoté lui échappe (encore que pas toujours dans le même sens : c'est régulièrement l'Europe qui trinque, dans ce cas). Quelques précautions sont donc à prendre, ces observations sont parfois à manipuler avec des pincettes, mais, le plus souvent le tableau est juste et aussi « objectif » que possible. Froid, dépassionné ? Cela, je n'ose pas le dire – car, dans l'exposé le plus abstrait comme dans les rares expressions plus sentimentales qui parsèment le « traité », la fascination de l'auteur pour le Japon ne fait guère de doute, une fascination qui peut se muer en amour, même particulièrement interloqué ; car l'auteur, après des décennies sur place, conserve la précieuse possibilité d'être étonné par les gens qu'il croise au quotidien. Il y a toujours, au minimum, une sincère curiosité, et parfois bien davantage.



Mais... Eh bien, chaque règle à son exception… Pour les jésuites qui évangélisent le Japon en cette seconde moitié du XVIe siècle, les bonzes incarnent l'Ennemi – bien sûr… Luís Fróis, ici, ne diffère pas de ses frères : quand il rapporte les croyances impies et les turpitudes des bonzes tous plus immoraux, mesquins, bêtes et hypocrites les uns que les autres, la neutralité n'est plus de mise, et les dénonciations et accusations sont frontales. Une chose très sensible dans La Découverte du Japon – et pas que chez les jésuites eux-mêmes, d'ailleurs : la Pérégrination de Fernāo Mendes Pinto est probablement plus fourbe à cet égard (et incomparablement plus malhonnête) que les lettres de François Xavier et des siens. Cela se vérifie à nouveau ici, même si le ton, demeurant lapidaire, ne véhicule dès lors pas la même emphase que les protestations indignées coutumières des ministres de la foi catholique dans leur correspondance professionnelle. En contrepartie, le vague respect craintif éprouvé par les jésuites envers les moines zen, qu'ils considéraient les plus redoutables et de loin, au travers de leurs sophismes pernicieux, ne ressort guère, cette fois, du « traité » de Luís Fróis.

LE MONDE EST DIVERS ET LE MONDE CHANGE – DANS TOUS LES SENS



Le cas très particulier des bonzes mis à part, cette absence globale de jugements de valeur est donc un atout marqué du petit « traité » de Luís Fróis. Elle est aussi ce qui en fait un document précieux, un témoignage utile aussi bien aux historiens qu'aux anthropologues.



Toutefois, je ne suis ni l'un ni l'autre… Ma lecture étant celle d'un béotien, elle peut peut-être davantage s'autoriser de ces jugements de valeur, honnis à bon droit dans le champ scientifique ? C'est tentant, du moins – mais avec là aussi une appréciable contrepartie : ce petit essai contient dans son principe même les éléments qui démontrent l'inadéquation fréquente d'une approche davantage « subjective », pour ne pas dire « passionnée » ; et c'est un enseignement non négligeable de cette lecture, sans doute.



J'aurais pu citer des dizaines d'extraits – portant sur les pratiques martiales comme sur l'alimentation, le théâtre, la construction navale, la mode, etc. ; auquel cas j'aurais sans doute été tenté de mettre en avant les plus « drôles »… car nombre de comportements observés par Luís Fróis, sans même parler des oppositions qui vont avec, ont de quoi faire sourire le lecteur distant, jamais épargné par les normes de la société dont il fait partie.



Mais il m'a paru davantage intéressant de piocher plutôt dans une thématique guère drôle, mais peut-être davantage édifiante : le chapitre II, « Des femmes, de leurs personnes et de leurs moeurs ».



32. Chez nous, selon leur naturel corrompu, ce sont les hommes qui répudient leurs épouses ; au Japon, ce sont souvent les femmes qui répudient les hommes.

[…]

34. En Europe, l'enfermement des jeunes filles et demoiselles est constant et très rigoureux ; au Japon, les filles vont seules là où elles le veulent, pour une ou plusieurs journées, sans avoir de comptes à rendre à leurs parents.

35. Les femmes en Europe ne quittent pas la maison sans la licence de leur mari ; les Japonaises ont la liberté d'aller où bon leur semble, sans que leur mari n'en sache rien.

[…]

38. En Europe, l'avortement pour autant qu'il y en ait, n'est pas fréquent ; au Japon, c'est une chose si commune qu'il y a des femmes qui avortent jusqu'à vingt fois.

[…]

45. Chez nous, il est rare que les femmes sachent écrire ; une femme honorable au Japon serait tenue en piètre estime si elle ne savait pas le faire.

[…]

51. En Europe, ce sont ordinairement les femmes qui préparent à manger ; au Japon, les hommes et même les gentilshommes mettent un point d'honneur à faire la cuisine.

[…]

54. En Europe, il est très inconvenant qu'une femme boive du vin ; au Japon c'est très fréquent, et lors des fêtes elles boivent parfois jusqu'à rouler par terre.

[…]

56. Les femmes d'Europe, si elles portent un châle, se dissimulent encore davantage pour converser avec autrui ; au Japon, les femmes se découvrent pour parler, car faire autrement serait discourtois.



Bien sûr, encore une fois, les observations du jésuite ne sont sans doute pas à prendre au pied de la lettre, et il peut forcer le trait ici ou là. On relève aussi des tournures sans doute moralement connotées, même si c'est assez ambigu, parfois. Ce tableau n'en est pas moins étonnant, au regard de ce que nous savons (ou croyons savoir) de la place des femmes dans le Japon contemporain, une société notoirement patriarcale (plus que d'autres, disons). C'est un sujet que j'avais pu aborder dans ma chronique de Japon, la crise des modèles, de Muriel Jolivet ; je vous avais promis aussi un retour sur Japonaises, la révolution douce, d'Anne Garrigue… mais j'ai trop fait traîner, et serais incapable d'en traiter maintenant, mes excuses – très bon bouquin, ceci dit. En même temps, dans ces ouvrages et dans bien d'autres encore, les féministes japonaises rappellent souvent combien la condition des femmes s'est dégradée durant l'époque d'Edo, qui nous sépare du temps de Fróis, et ce sans doute en raison de la philosophie officielle de la période, qui était le néoconfucianisme.



Bien sûr, « dégradée » n'est pas un terme scientifiquement neutre, il est connoté idéologiquement, dans une perspective qu'on pourrait qualifier d'évolutionniste au sens de l'anthropologie sociale ; et c'est bien pourquoi un anthropologue ne devrait pas en faire usage – mais ces féministes le peuvent assurément, et moi de même, je suppose (je suppose...). Comme elle, je regrette cet état de fait – et cela n'a rien de neutre. J'ai une notion de progrès social et sociétal, qui me porte à juger l'évolution de la condition des femmes au Japon durant l'époque d'Edo sous un jour négatif. Mais, en même temps, pouvait-on trouver illustration plus éloquente de ce qu'il n'y a pas d'historicisme, qu'il n'y a pas de flèche du temps ? le monde change – tout le temps. Et non, l'histoire ne se répète jamais exactement. Et, non plus, il n'y a pas de schéma d'évolution prédéfini – au choix, on en dérivera un relativisme un peu las… ou une raison de plus de faire bouger les lignes, de telle manière plutôt que de telle autre, en pleine conscience – car l'autre manière n'est jamais exclue en tant que telle. Tout en sachant que chaque point de vue est idéologiquement construit, on peut s'en accommoder et ne pas s'interdire la moindre opinion sur ce qui serait souhaitable.



UNE INTÉRESSANTE CURIOSITÉ – OU BIEN PLUS



Européens et Japonais, pour un si petit ouvrage, e
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On m'avait vendu ce petit livre comme un truculent traité qui mettrait en lumière les moeurs japonaises vues par les yeux d'un jésuite, la réalité est malheureusement plus ennuyeuse. Journal de bord d'un prêtre jésuite en 1585, avant que le Japon ne se referme pour 200 ans entre 1650 et 1842, ce traité sur les contradictions et différences de moeurs égrène chapitre après chapitre les observations d'un Occidental sur le peuple qui l'entoure, consciencieusement décrites et rassemblées par thématique.

On y trouve des anecdotes sur les hommes, les femmes, les enfants, les bonzes, les habits...et même les chevaux !
J'ai été surprise par une certaine indépendance des Japonaises par rapport à leurs consoeurs européennes, que note notre missionnaire : droit de voyager, de s'habiller légèrement, de divorcer, d'avorter...Elles sont également décrites comme très instruites. Les bonzes, décrits eux comme des profiteurs bien peu spirituels, ont moins impressionné notre auteur qui s'évertue à leur dresser un portrait tout sauf flatteur !

Si cette ouverture à une autre culture mérite d'être saluée pour l'époque, l'écriture est pesante, et l'on a plutôt l'impression de lire un manuel non contextualisé et sans aucun recul...J'avoue avoir été bienheureuse en arrivant au bout de ma lecture ! J'imagine cependant que cette tentative intéressera les férus d'anthropologie.
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TRAITÉ SUR LES CONTRADICTIONS ET DIFFÉRENCES DE MOeURS - C'est un petit recueil de comparatifs entre pratiques ou moeurs japonaises et européennes, une collection d'instantanés issues de la vie quotidienne, des notations qui mettent en parallèle eux et nous à travers des descriptions de choses anodines qui le deviennent moins par ce jeu de symétrie. Parfois naïvement drôle, parfois subjectivement critique, ce texte daté garde une certaine modernité dans un exercice de style qui se limite à juxtaposer deux observations apparemment contradictoires [A fait ainsi alors que B fait autrement] et à dresser une liste aussi cohérente que possible. Et cette modernité, c'est la préface de Claude Levi-Strauss qui nous aide à mieux la comprendre, car lorsque le père jésuite Luís Fróis rédige cet opus, nous sommes au Japon, à la fin du 16ième siècle juste avant les première persécutions contre les chrétiens et avant que le pays ne se ferme jusqu'à la 2ième moitié du 19ième siècle, et l'époque, l'esprit et les yeux avec lequel le religieux appréhende ce monde alors nouveau et mystérieux (Cipango) sont autres que ceux d'aujourd'hui. Et cette modernité, notre Anthropologue national nous la fait comprendre en comparant cette démarche à celle d'Hérodote qui déjà, bien avant Luís Fróis, avait fait usage de la même méthode pour comparer Grecs et Égyptiens : en insistant sur les différences, les inintelligibilités réciproques sont dépassées et l'image irréductible d'un autre à la fois semblable et différent prend toute sa place.

" Quand le voyageur se convainc que des usages en totale opposition avec les siens, qu'il serait, de ce fait, tenté de mépriser et de rejeter avec dégoût, leur sont en réalité identiques, vus a l'envers, il se donne le moyen d'apprivoiser l'étrangeté, de la rendre familière "

Cette approche des contradictions, ou différences, voire simples absences viennent conforter le bon mot de Saint-Exupéry " Nos différences loin de nous léser doivent nous enrichir. "

le père jésuite Luís Fróis était alors parti, à la suite des premiers Portugais qui en 1543 furent les premiers Européens à atteindre le Japon, sur les traces de François Xavier arrivé en 1549 pour évangéliser le Japon. Il vécut 30 ans et fut alors le témoin du court "siècle chrétien" qui, après un premier ban énoncé par Toyotomi Hideyoshi et suivit de l'exécution de 26 Franciscains en 1597, se solda par l'interdiction du christianisme sous le shogunat de Tokugawa Iemitsu en 1635 avec le Sakoku-rei. Aujourd'hui encore, le christianisme reste très minoritaire sur l'archipel avec de 0,6 à 3 millions d'adhérents répartis dans divers mouvements.

le traité de Luís Fróis se divise en 14 chapitres regroupant chacun un nombre variable de notations sur un thème commun.

Dans cet opus, on retrouve nombre de déclarations et observations dont certaines ne sont plus d'actualités et d'autres qui contribuent à l'image, sinon aux stéréotypes qui peuvent encore aujourd'hui être attachés aux Japonais; mais sa lecture, avec l'aide de la préface permet de repenser ses relations à l'Autre, comment le comprendre et se comprendre dans notre irréductibilité commune, celle d'être humain.
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Luis Frois (1532-1597), jésuite portugais, a écrit ce texte en 1585. Par points successifs, il expose en une phrase ce qui se pratique en Europe et le
pendant dans la culture japonaise à la même époque. En voici un exemple :
" 51- En Europe, ce sont ordinairement les femmes qui préparent à manger ; au Japon, les hommes et même les gentilshommes mettent un point d'honneur à faire la cuisine."
Ainsi, ce sont des centaines de comparaisons, concises, qui nous sont livrées ici, mettant en valeur une certaine symétrie entre les cultures européenne et japonaise et ce qui les unit par de-là leurs différences.
Les notes explicatives de l'éditeur sont réduites à l'essentiel et le plaisir de lecture tient surtout à la découverte de la vision d'un Occidental sur la culture japonaise, totalement inédite en Europe au XVIe siècle. Une manière très facile de découvrir les moeurs de l'époque.
(Florence)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
"Chez nous, les hommes entrent en religion pour faire pénitence et pour leur salut; les bonzes le font pour échapper au travail et vivre en repos parmi les plaisirs."
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"Nous mettons l'honneur dans les substantifs; les Japonais dans les verbes."
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Video de Luis Fròis (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Luis Fròis
Charlotte Ortiz, traductrice de "Traité sur les choses de la Chine" de Frei Gaspar da Cruz (ouvrage à paraître) nous fait le plaisir de nous parler de deux livres importants pour elle. "L'aveuglement" de José Saramago, roman parlant d'une pandémie ... elle vous en dira plus et, "Européens et japonais, traité sur les contradictions et les différences de moeurs" de Luís Froís où il est question, entre autres, de genre, de cuisine et de belles perspectives ;) !
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