Ils s'étaient égarés entre In Guezzam et Tamanrasset, avaient raté le puits. On les avait retrouvés quinze jours plus tard : ils avaient lacérés tous leurs vêtements, s'étaient tailladé les veines du bras, mais rien n'était sorti ; ils avaient séché et leur peau n'était déjà plus qu'un parchemin durci. Sacré bled...
Quiconque n'a pas traversé les grands ergs du Sahara ne peut concevoir la perfection de lignes et de volumes de ces dunes aux chaudes couleurs, la beauté de leurs courbes, du fil pur et quasi abstrait qui relie entre elles leurs ondulations.
[…] soudain, entre deux grandes colonnes, deux yeux phosphorescents apparaissent et la regardent, immobiles. Elle entend un grand ricanement !... puis tout s'efface.
La hyène en chasse guette sa proie ; la bête immonde ne mange que les cadavres, et son instinct lui dit d'attendre ; mais cela, Nicole ne le sait pas.
« Vois, Ahmed, dit-il fièrement, une pauvre petite roumia toute seule, vois ce qu'elle a fait !
- La femme qui aime ne connaît pas de limites », dit Ahmed, et il regarde sans faiblir son lieutenant.
Il y a des ruines grouillantes de vie, comme ces temples mayas incorporés à la forêt vierge, devant lesquels l'esprit se sent envahi par une sorte d’effarement craintif et respectueux.
Mais la crainte n'est pas la peur !
Dans les branches des tamats -cet acacia ombellifère qui annonce le Soudan – jouent des chats sauvages, farouches et cruels. Un saharien averti pourrait lire sur le sable mille indications qui échappent à Nicole. Voici la foulée très longue du guépard pour suivant une jeune gazelle ; plus loin ces lourdes traces de grand carnassier sont celles de la hyène immonde en quête de cadavres. Dans le ciel, des vautours et des milans décrivent des orbes et se balancent au vent. Tout laisse entendre que l'homme ne passe pas souvent ici.
Je ne demande qu'à aimer : regardez ! Mes pensionnaires je les ai choisis parmi les ordres les plus bas, les plus répugnants de la nature : les sauriens, les ophidiens, les insectes, les arachnides ; j'ai ici des mantes religieuses, là des mygales, ici d'odieuses tarentules ! Leur étude est passionnante ; je les aime parce que tout le monde ne songe qu'à les écraser, à les détruire ! Comme c'est facile de n'aimer que des gazelles, ou encore ces adorables petits goundis, ou même ces félins dangereux et attirants que sont les guépards...
Je ne peux pas te renseigner sur la durée de mon voyage. Ténéré est très loin. Il me faudra faire attention pour ne pas avoir d'ennui. Mais je suis décidée à tout. Je n'ai plus qu'une impatience : partir ; un désir : le revoir. Je vais chercher mon bonheur, je vais le gagner.