La Belle aux oranges

De mon père, j’ai hérité d’un profond chagrin, celui de devoir un jour quitter ce monde. Mais j’ai aussi hérité d’un œil pour voir combien la vie est fantastique.

Si le temps des miracles est révolu, il nous reste tout de même un jour magique où tout peut arriver. Tout. Les anges descendent du ciel en catimini...

J'allais suivre mon cours de peinture et je ne pouvais pas me lier à quelqu'un juste avant mon départ. Mais quand deux personnes passent la majeure partie de leur temps à se chercher, il n'est pas surprenant qu'elles se rencontrent par pure coïcidence.



Celui qui jamais maintenant ne vit ne vie jamais. Et toi, que fais-tu ?



Ne vient pas me dire que la nature n'Est pas un miracle. Ne vient pas me dire que le monde n'Est pas un conte de fées. Celui qui ne l'a pas compris ne le comprendra peut-être pas avant que le conte soit sur le point de se terminer.

À partir du moment où le monde existe, les limites de l'invraisemblable sont dépassées.

Ne viens pas me dire que la nature n'et pas un miracle. Ne viens pas me dire que le monde n'est pas un conte de fées. Celui qui ne l'a pas comprris ne le comprendra peut-être pas avant que le conte soit sur le point de le terminer. On dispose alors d'une dernière chances d'arracher ses oeillères, d'une dernière occasion de se frotter les yeux de stupéfaction, d'une dernière possibilité de s'abandonner à ce miracle dont on prend congé et que l'on va quitter

Sache qu'écrire une lettre à un fils abandonné me brûle à vif, j'imagine que c'est un peu douloureux de la lire aussi. Mais tu es un petit homme maintenant. Si j'ai réussi à coucher ces lignes sur le papier, tu supporteras bien de les lire.

Nul besoin de faire ici l’inventaire de toutes mes tentatives infructueuses pour revoir la Belle aux oranges. Pendant des jours et des semaines, j’avais passé au peigne fin tout le quartier de Frogner, mais je m’abstiendrai d’en parler. Faute de quoi l’histoire serait bien trop longue et circonstanciée. Au moins quatre fois par semaine je m’étais promené longuement dans le parc de Frogner, et plus d’une fois j’avais cru l’apercevoir, sur le grand pont devant Parkkafeen ou en haut, au Monolithe, mais ça n’avait jamais été elle.

Ou, pour emprunter quelques paroles de sagesse à mon père : la vie est une gigantesque loterie dont seuls les bulletins gagnants sont visibles.
Toi qui lit ce livre, tu es l'un de ces bulletins gagnants.

Si nous croulions tous sous le poids de lettres écrites par des pères et des aïeux défunts, nous ne pourrions pas vivre nos propres vies.

Ce sont les gentilles maladies qui clouent immédiatement le patient au lit. La vilaine maladie, elle, a en règle générale besoin de beaucoup de temps pour finalement te culbuter et te terrasser pour de bon. (p.23)