Imposteur ! Tricheur ! Oui, Erik
Schroder est un imposteur. Il se fait appeler Erik Kennedy, il cache son passé d'Allemand de l'Est à tout le monde. C'est à 14 ans qu'il a commencé à « changer de vie », car en tant qu'émigré allemand dans la banlieue de Boston, on peut dire qu'il n'était pas bien vu par ses « camarades » de jeu. Il a donc tenté d'échapper à tout ça en s'inventant une autre vie, quitte à abandonner son père. Et sa mère ? Et bien sa mère...je n'en parlerai pas. D'ailleurs lui-même peine à s'en souvenir...
Et le voilà marié, et le voilà père. C'est là que tout se complique. Car quand survient le divorce et son cortège de difficultés comme la garde de l'enfant tant aimée et aussi l'Amour qui, lui, ne le quitte pas, il s'enferre, il s'enlise. Incapable de vivre sans sa fille, il profite d'un jour de garde pour l'emmener en excursion plus longue que prévue et génératrice d'un problème de taille. Problème dans lequel nous plongeons en même temps que lui et avec lequel nous faisons corps. Car oui, cet homme bavard, un peu fou, original en tout cas, que sa femme ne supportait plus, et cela, je peux le comprendre, est attachant malgré tout.
Je remercie Babelio et les éditions Belfond de m'avoir offert ce roman très psychologique rempli de désespoir et en même temps de fins traits d'ironie. Par l'intermédiaire de cette longue lettre que le narrateur écrit à son ex-femme, l'auteure a réussi à nous faire percevoir toute l'intensité de la pensée et de l'âme de cet homme très intelligent, et à fleur de peau qui par là-même ne parvient pas à accepter la monotonie ni la grisaille.
La dichotomie est présente à chaque page, comme celle par exemple du bavardage superficiel continuel dont fait preuve le héros et du silence par lequel il est irrésistiblement attiré. Il a d'ailleurs fait une thèse, non terminée, sur les pauses. Je ne résiste pas à clôturer ma critique par cet extrait significatif de toute l'oeuvre :
« J'ai toujours été fasciné – et troublé – par le silence. Mes travaux de recherche m'ont forcé à constater que de petites plages de silence se glissaient partout, et que même le son a besoin de silence pour être entendu. Toute cette page est pleine de minuscules silences. Entre les paragraphes. Entre ces mots mêmes. Ils peuvent cependant être isolés. Aussi, malgré tous les défauts de mon projet, je dirais que le pire, c'est de ne pas m'être libéré du sentiment de solitude que suscitent les pauses. Parfois, j'aimerais bien qu'il n'y ait pas de silences du tout. Et c'est donc un peu à contrecoeur que je t'impose celui-ci. »
Et c'est à contrecoeur que je quitte Erik
Schroder alias Kennedy, en formulant le voeu que son auteure,
Amity Gaige, ne choisisse jamais le silence.