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Le Temps des Cerises (01/01/2015)
4/5   4 notes
Résumé :
Patricia Galvao (Pagu)
Parc industriel

Ce livre, écrit en 1932, et publié début 1933, est sans doute le premier roman « prolétaire » publié au Brésil, pendant urbain et industriel, thématiquement, du roman social nordestin qui est apparu dans les années 1930 (Jorge Amado, José Lins do Rego, Graciliano Ramos…) ; à la perspective marxiste s’ajoute par ailleurs une très évidente dimension féministe.

Le récit se situe à São Paulo, et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Parc industriel est un livre étrange.
Celle qui l'a écrit aussi.
Parc Industriel parait à Sao Paulo en 1933.
Signé Mara Lobo. C'était un des nombreux pseudonymes de Patricia Galvao.
Mais c'est sous le nom de Pagu qu'elle se fera connaître.



Dans cette édition française, en prologue, un poème de Liliane Giraudon.
Bien que ce poème n'apparaisse pas dans Les Pénétrables, Pagu est une Bien-Aimé(e) de Liliane Giraudon.
C'est d'ailleurs dans la revue Banana Split en 1985, que paraissent, pour la première fois traduits en français (par Inès Oseki-Dépré), des textes de Pagu.
Le livre se referme sur une postface scrupuleusement documentée du traducteur Antoine Chareyre.



Elle est toute jeune Pagu, lorsqu'elle écrit ce livre. 22 ans seulement.

Avant, elle a déjà fait pas mal de choses comme : fréquenter l'Avant-garde artistique, rejoindre le groupe Anthropophage, écrire des poèmes, participer à des concours de beauté, épouser Oswald de Andrade

En 1931, elle adhère au Parti Communiste Brésilien. Son désir de Révolution ne peut se satisfaire de la fréquentation des salons bourgeois. La même année, elle est interpellée dans un meeting de soutien à Sacco et Vanzetti.

Emprisonnée, le Parti lui fait signer un document dans lequel elle le dédouane de ses agissements.

Et c'est pour regagner la confiance de ce Parti-là qu'elle décide d'écrire Parc industriel.

Elle veut écrire un texte de propagande pour prouver son engagement.
Mais là, elle se trompe terriblement !
Le Parti n'est pas dupe. Il trouve dans son livre le souci de la forme et de l'invention.
Dans son roman prolétaire, elle insère des slogans mais ces fragments de propagande qui apparaissent en titre de chapitres ou sous forme de poèmes-conversations, ont plus à voir avec les collages de Schwitters qu'avec des pratiques d'agit-prop.

Elle enchâsse dans son roman divers éléments empruntés au langage de la rue, de la presse, des meetings. Toutes sortes de langages non-littéraires, collectifs, anonymes, traités sans distinction.

Pagu ne méprise pas ses lecteurs, elle ne cherche pas à abêtir les masses, elle ne désire pas le pouvoir.

Alors c'est plus fort qu'elle, quand elle croit écrire un livre de propagande, elle écrit un roman dont la forme tout à fait neuve ne s'attache à aucun modèle préexistant.



Dès la première page, un document chiffré : c'est la statistique industrielle de Sao Paulo en 1930. Plus bas en quelques mots, Pagu fait valser la statistique.
Du début à la fin, on voit s'étirer la longue file des enfants naturels de la société.
Pagu tente de les nommer, avant que toute trace d'eux ne soit effacée.
Corina fait partie de cette longue file. Enceinte, elle perd son emploi. le corps déformé par la grossesse, elle travaille au bordel et enrichit peu à peu son vocabulaire érotique .
Pagu parle des corps qui se sexualisent , des langues malicieuses , des seins délibérés.
La sexualité doit aussi être le lieu de la révolution et le corps des femmes cesser d'être un objet exploitable.

Est-ce que Marie-Madeleine a connu la faim quand elle était pute ?

Les phrases sont courtes, des éclairs sur la page, puis du blanc, de la grande lumière sur le corps des prolétaires.
Au lieu de longues descriptions, des listes.
Une table, une vieille nappe. Une cruche, des verres. Une cloche défectueuse. La direction.

Le texte est lacéré. Les phrases, le récit, entaillés. Comme les vies prédécoupées des êtres qui s'égarent dans le Parc industriel.

La seule chose qui intéresse Pagu c'est la matière absolument brute de la vie.

En cela elle ouvre la voie du roman prolétaire ou roman social brésilien.

Dont on attribuera la paternité à Jorge Amado.

Ainsi le nom de l'étrange Pagu restera longtemps effacé.

http://www.sitaudis.fr
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« Zola sous cocaïne » par Éric Dussert

Patrícia Galvão (1910-1962) n'était pas une Brésilienne de tout repos : féministe scandaleuse et militante communiste trop ingérable pour un parti communiste dépassé, elle mena de petits métiers en activités suspectes une existence vouée à l'agit-prop sous les pseudonymes de combat de Pagu ou de Mara Lobo. Au point de devenir la première prisonnière politique du Brésil et d'écoper de plus de cinq ans de prison durant la décennie 1930. Et dès 1932, outre un journal satirique, elle rédigea un roman, Parc industriel, qui s'avère être le premier roman prolétarien publié au Brésil. D'inspiration aussi féministe que marxiste, on y suit le parcours de femmes de São Paulo sur un mode vif et imagé par des dialogues que la traduction d'Antoine Chareyre sert très bien.
Enfants mal nourris, grèves, maris au chômage, drapeaux rouges, ateliers textile, c'est la vie du lumpenprolétariat du quartier du Brás qui se déploie sous sa plume à un rythme trépidant, saynète après saynète. « Elle n'a plus jamais travaillé. Quand elle a faim elle écarte les jambes devant les hommes. Elle était sortie de prison. Avait voulu mener une vie nouvelle. Sollicité un emploi de domestique au Diário Popular. Elle est prête à rendre n'importe quel service à n'importe quel prix. » Pagu, c'est Zola revu par Fénéon, Frapié sous cocaïne — pas le temps de se lancer dans des descriptions —, une rage de témoigner de la réalité ouvrière comme les journalistes tiennent la chronique des grands boulevards : à la six-quatre-deux. Sans recherche esthétique, et même avec brutalité. On en sort sonné, mais ébahi par le talent de cette jeune journaliste en herbe, sorte de Roberto Arlt énervé qui porte le couteau entre les dents pendant qu'elle écrit. Bref, une découverte particulièrement frappante.

(Le Matricule des Anges, n°162, avril 2015; article repris, dans une version revue et augmentée, sous le titre « Patricia Galvão » dans : É. Dussert, Cachées par la forêt (138 femmes de lettres oubliées), préf. de Cécile Guilbert, La Table Ronde, 2018, p. 419-421)
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La misère ouvrière et la lutte sociale dans les années 1930 à São Paulo. Saisissant.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/06/15/note-de-lecture-parc-industriel-patricia-galvao/
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Matilde a écrit à Otavia :
" Je dois te donner une de ces petites nouvelles bien mauvaises. Comme tu me l'as appris, pour le matérialiste tout est entendu. Ils viennent de me renvoyer de l'Usine, sans explication, sans raison. Parce que j'ai refusé d'aller dans le bureau du chef. Comme je ressens, mon amie, plus que jamais, la lutte des classes ! Comme je suis révoltée et heureuse d'être consciente ! Quand le gérant m'a mise à la rue j'ai senti toute la portée de ma définitive prolétarisation, si souvent remise à plus tard !
C'est fatal. C'est impossible que les prolétaires se révoltent pas. Maintenant, oui, je ressens toute l'injustice, toute l'iniquité, toute l'infamie du régime capitaliste. J'ai qu'une chose à faire, lutter bec et ongles contre ces canailles de la bourgeoisie. lutter à côté de mes camarades d'esclavage. (p. 95)
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Dans le grand pénitencier social, les métiers à tisser se dressent et avancent en hurlant.
Bruna a sommeil. Elle est restée tard à un bal. Elle s’arrête et frotte avec colère ses yeux brûlants. Ouvre sa bouche cariée, baille. Ses cheveux frustes sont couverts de soie.
– Zut ! Comme ce dimanche est passé vite… Les riches peuvent dormir autant qu’ils veulent.
– Bruna ! Tu vas te faire mal. Regarde tes tresses !
C’est son compagnon à côté.
Le Chef de l’Atelier s’approche, lentement, mauvais.
– J’ai déjà dit que je ne veux pas de bavardage ici !
– Elle aurait pu se faire mal…
– Vauriens ! C’est pour ça que le travail ne rapporte pas ! Petite misérable !
Bruna se réveille. Le garçon baisse sa tête révoltée. Il faut la fermer !
Ainsi, dans tous les secteurs prolétaires, tous les jours, toutes les semaines, tous les ans !
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En ville, les théâtres sont pleins. Les palais dépensent en tables copieuses. Les ouvrières travaillent cinq ans pour gagner ce que coûte une robe bourgeoise. Elles doivent travailler toute leur vie pour acheter un berceau.
– Ils tirent tout ça de nous autres. Notre sueur est transformée tous les jours en champagne qu’ils jettent par les fenêtres !
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– On a pas le temps de connaître nos enfants !
Séance d’un syndicat régional. Des femmes, des hommes, des ouvriers de tous les âges. De toutes les couleurs. De toutes les mentalités. Conscients. Inconscients. Vendus.
Ceux qui recherchent dans l’union le seul moyen de satisfaire leurs revendications immédiates. Ceux qu’attire la bureaucratie syndicale. Les futurs hommes de la révolution. Révoltés. Anarchistes. Policiers.
Une table, une vieille nappe. Une cruche, des verres. Une cloche défectueuse. La direction.
Les policiers commencent le sabotage en interrompant les orateurs.
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-- Camarades !
L'impérialisme se défend ! Chaque impérialisme envoie son opium pour tromper notre jeunesse inconsciente. Ce qu'ils veulent c'est étouffer la révolte qui mène les exploités à la lutte.
Les Etats-Unis envoient le cinéma. L'Angleterre, le football. L'Italie, le curé. La France, la prostitution.
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