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Dominique Goy-Blanquet (Traducteur)
EAN : 9782848050751
136 pages
Sabine Wespieser (27/08/2009)
3.1/5   10 notes
Résumé :
Géomètre et poète à Eureka Springs, Lester exerce sur son entourage une véritable fascination. Dans ce roman aussi bref qu'envoûtant, Forrest Gander tente de percer à jour le mystère de la courte trajectoire de son personnage. Sa naissance, âpre et violente mise au monde, laisse augurer le drame dont il sera le protagoniste. Son collègue Clay, sur les chantiers qu'ensemble ils arpentent, vit dans l'ombre de ce compagnon imprévisible et désinvolte. Séducteur impénite... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Voilà une belle découverte de ces derniers jours : un premier roman publié aux éditions Sabine Wespieser d’un poète américain confirmé, Forrest Gander.

Qui est Lester, cet homme qui fascine et ensorcelle tous ceux qui le côtoient ? Trois points de vue (sa naissance, son meilleur ami, sa maîtresse) se confrontent, jusqu’à un quatrième point de vue complémentaire un peu étrange ?

Le récit s’ouvre, après une citation du Livre des marges d’Edmond Jabès, sur dix pages d’anthologie décrivant une scène d’accouchement. Un accouchement qui se passe mal, et qu’on observe du point de vue de la mère de la jeune fille en travail, une mère médusée et pétrifiée devant l’événement, qui assiste impuissante aux souffrances de sa fille jusqu’à la délivrance finale : une toute petite chose, le cordon ombilical autour du cou.

Dans la seconde partie, la plus longue, on retrouve le personnage de Lester, l’enfant qui a été abandonné après cette naissance difficile, devenu géomètre mais aussi poète à Eureka Springs. Et c’est au travers du regard de Clay, son collègue et ami, qu’on va découvrir ce jeune homme de vingt-cinq ans, déjà marié pour la seconde fois avec une prénommée Cora, qu’on ne verra pas, mais cohabitant avec Sarah, une militante lesbienne, qu’on découvrira. Car Lester est aussi un fieffé menteur. Il mène double vie et vénère le mensonge.

Tous les personnages qui le côtoient sont séduits par Lester. Clay au premier chef . « Ils savaient tous combien je l’aimais », avoue-t-il. Une fascination sans borne, sans limites.

« C’est parce qu’il m’attirait tellement et n’avait pas de temps à perdre pour moi que je me suis mis à voir Sarah plus souvent. J’allais lui rendre visite à la librairie où elle travaillait, et je l’écoutais, chez eux, pendant qu’elle s’exerçait au violoncelle. On parlait de Lester. Il était notre narcotique. »

Et de quoi parlent Lester et Sarah ? De François Villon ! « Très sérieusement, comme si cela devait orienter la façon dont ils conduiraient le reste de leur vie. » Et Clay s’en ressent exclu, lui qui ne connaît rien à ce François Villon, son domaine privilégié étant plutôt la campagne où il pratique l’arpentage avec Lester et Quinton.

J’ai rarement lu des pages aussi précises sur la pratique de la géométrie : on y parle de théodolite, de canne à prisme, de lunette, de nivelle sphérique et de carnet de chantier. Les scènes en pleine nature sont d’une grande précision et décrites avec beaucoup de poésie.
« Comme la tête d'aigrette que nous avons trouvée tranchée près du sentier dans les bois de pins, l'œil mandarine ouvert, limpide » : une phrase de poète, sans aucun doute.

Mais dès que Clay quitte la campagne où il officie avec Lester, les choses se gâtent, et la jalousie n’est pas loin.

« J’étais venu à cette table heureux de voir Lester, allègre, avec cet air crâne un brin poseur dont j’aimais penser que c’était tout moi, et bien résolu à offrir la prochaine tournée. Sans douter un instant que j’aurais des choses à dire. Mais j’étais toujours déchu de toute qualité par Lester. Vidé. Il avait une espèce de grigri qui me transformait en pantin. Dans le meilleur cas, chacune de nos rencontres m’infligeait une blessure. Et je me mis à penser, mes coudes appuyés sur la table, mon regard allant de son visage à celui de Sarah, que je guérirais seulement s’il lui arrivait quelque malheur. »

Humilié, impuissant à susciter un quelconque intérêt auprès de Lester, incapable de s’immiscer dans la relation entre Sarah et son ami, Clay s’achemine tout droit vers le drame. Car de la fascination à la haine il n’y a qu’un pas.

La troisième partie, la moins intéressante à mon avis, donne la parole à Sarah. Dressant une élégie à la mémoire de celui qu’elle a aimé, et tentant vainement de percer l’énigme de cet homme pas comme les autres, qui l’a trahie, elle aussi.

Le récit se terminera sur une quatrième et dernière partie, censée reproduire des chutes d’une interview filmée de Lester, uniquement avec les réponses du poète géomètre aux questions posées. Un quatrième point de vue donc sur cet homme fascinant, livré par bribes, dont on ne connaîtra jamais vraiment le point de vue personnel.

En ami traite donc de l’amitié, du charisme, du magnétisme qu’un être peut exercer sur d’autres. Mais aussi de la vulnérabilité, de la complexité humaine, du mensonge. Et surtout de la trahison.

D’une écriture très poétique (on sent que l’auteur a derrière lui de nombreuses publications poétiques, qu’il maîtrise le langage), la clef finale est peut-être à chercher dans la citation initiale de Jabès : « Mais peut-être que tout livre n’est que l’expression écrite d’une amitié qui se cherche dans l’amitié d’un inconnu devenu notre double : un adversaire et un complice. »

Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Décidément, je n'ai pas la main heureuse ces derniers temps ou alors je ne suis sûrement pas assez "réceptive" à la vision poétique du deuil, façon Forrest Gander ? J'ai trouvé que même le héros, Lester, aurait gagné a être davantage décrit en profondeur. J'ai pas franchement accroché au-delà du 1er chapitre car les 2 suivants m'ont semblé plutôt "perchés"... Nouvelle que je qualifierai pour ma part de "surréaliste". Mais pour ce qu'il en est, j'apprécie davantage et beaucoup Dali. Désolée pour la franchise qui me caractérise, mais bon, je regrette d'avoir passer ma fin de soirée à lire cet ouvrage, et ce n'est bien sûr pas le but recherché de mes lectures. Tant pis pour moi : comme quoi, l'indulgence au-delà d'un certain nombre de pages ne me réussit guère… le prochain livre qui ne m'emballe pas plus ou encore bien moins - car je mets quand même un 3 étoiles pour le niveau linguistique - car c'est largement possible, retournera direct en Médiathèque où Dieu merci il y a une multitude de livres qui me font des clins d'oeil dès que je lorgne les rayons...
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Lester est admirable et admiré, menteur et brutalement honnête, désinvolte et imprévisible, géomètre et poète. Abandonné à sa naissance, aimé des hommes et des femmes, séducteur invétéré mais qui porte un regard sur le monde d'une incroyable acuité.
Ils sont deux à évoquer leur amour pour lui, d'un amour incarné, viscéral, tumultueux.
Dans ce bled aride, François Villon surgit, Lester cite Camus, Gide et Miles Davis.

Ce n'est ni un roman choral, ni un poème, ni rien de ce que à quoi je m'attendais lorsque j'ai commencé ce livre. C'était tout ça à la fois et rien non plus. C'était époustouflant.
Un roman court, une plume incisive et subtile, qui n'est pas sans rappeler l'écriture de Steinbeck, de celle qui nous fait reconnaître sans faille la grande littérature américaine.

Comme dit Sabine Wespieser, son éditrice : « Forrest Gander a su, avec une remarquable économie de moyens, dire les frontières ténues entre l'amitié, l'amour et la mort, donnant à un fait divers somme toute banal une étonnante intensité tragique. »
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J'ai lu ce roman très court une première fois très vite et en diagonale, puis je l'ai repris pour le lire plus posément et m'imprégner des mots de Forrest Gander.
J'ai pu ainsi apprécier la manière dont Clay, le narrateur, décrit son ami Lester dont il est en réalité amoureux. Clay décrit très précisément les sentiments ambivalents que lui inspirent Lester -mélange d'amour, d'admiration, de haine et de jalousie- son charisme extraordinaire et le magnétisme qu'il exerce sur toutes les personnes qu'il croise. Son charme puissant paraît presque "diabolique". Car Lester est loin d'être un ange. Il mène des vies multiples : marié à Cora, il vit également avec Sarah, qu'il trompe avec d'autres femmes. Il est égoïste, cynique, toujours en représentation...Un personnage complexe qui m'a fascinée moi aussi.
Les premières pages décrivant la naissance Lester m'ont parues assez pénibles. J'ai beaucoup aimé les bribes de souvenirs de sa vie avec Lester évoquées par Sarah vers la fin. Les dernières pages consacrées aux extraits d'interviews de Lester m'ont parues un peu ardues mais donnent quelques clés pour mieux comprendre le personnage.

Lien : http://leslecturesdeclarinet..
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A Eureka Springs, Arkansas, une mère adolescente abandonne son enfant, Lester, le jour de sa naissance. Géomètre et poète, Lester vit avec sa maîtresse Sarah et retourne toutes les semaines chez sa femme. Clay, ami géomètre de Lester, va mettre fin à ce trio. Après le suicide de Lester, Sarah prend la parole en écrivant une élégie à sa mémoire.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
J’étais prêt à tout pour qu’il me remarque, pour qu’il me prenne en amitié. Mais je n’avais rien à offrir à un être comme lui. Mon adoration était sans valeur. Il avait éveillé en moi quelque chose d’essentiel, un bouleversement radical. La faculté d’imaginer une autre manière d’être au monde. Il était résolu et posé avec aisance dans son propre corps. Dès qu’on le regardait, avec sa démarche déliée, on pensait sexe. Son torse chevauchait ses hanches comme un serpent ses anneaux. Peut-être n’avait-il même pas pleinement conscience de l’effet qu’il produisait sur moi. Mais ce qu’il m’insufflait entre autres c’était l’horrible certitude que jamais je ne pourrais être la seule personne que maintenant je voulais devenir.
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Je ne l'ai jamais entendu lire un seul texte de son cru, mais il lui arrivait parfois de citer un poème, de lui ou d'un autre, au cours d'une conversation. Cela paraît bizarre, narcissique ou prétentieux ou chiqué mais face à nous dans le box du Gibus il était capable de faufiler sans suture des vers du poème au flot de la conversation. Son visage était lesté d'une telle beauté mélancolique qu'il lui donnait l'air plus âgé et plus convaincant que nous tous. Sa gravitas nous aspirait en lui comme un siphon. Il pouvait river les yeux sur vous et vous entraîner vers un royaume inconnu où vos habitudes de pensée avaient tendance à se mettre en veille. On aurait dit qu'il arrivait d'un lieu où l'enthousiasme n'était pas jugé inversement proportionnel à l'intelligence et où on trouvait normal de mêler dans la même phrase Cocteau et les barbues de rivière. Aucun de nous n'avait une telle envergure, aucun n'avait lu autant que lui. La noirceur opalescente de ses yeux était magnétique.
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S'approcher de l'autre et du monde avec toute la vulnérabilité qu'on est capable d'endurer. S'ouvrir au dehors. De tout notre esprit, notre corps et notre imagination, toujours s'ouvrir.
*
C'est comme je disais. En poète. En ami.
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Il aimait insérer des silences entre les choses remarquables qu'il disait, de l'absence entre ses gestes extravagants. Avec le recul, j'imagine qu'il s'entraînait à sa propre mort. Et quant il s'est introduit dans mon appartement cette nuit-là et m'a tendu un poème, il s'assurait du rôle que je devais y jouer.
J'ai pensé alors : il m'aime. C'est ça que ça veut dire. C'est pour ça qu'il est venu exprès jusqu'ici m'apporter ce papier où il a écrit un poème et me dire qu'il ne pouvait pas rester. J'ai pensé : il y a entre nous une intimité incomparable. Il a écrit quelque chose pour moi.
Le poème s'intitulait « Enclos ».
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Video de Forrest Gander (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Forrest Gander
5 questions posées à Forrest Gander, à l'occasion de la sortie de son livre En ami (Sabine Wespieser). Forrest Gander était présent dans le cadre du festival des Belles Etrangères.
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