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Line Amselem (Traducteur)
EAN : 9782844852779
63 pages
Allia (01/05/2008)
4.15/5   31 notes
Résumé :

Pour chercher le duende, il n'existe ni carte ni ascèse. On sait seulement qu'il brûle le sang comme une pommade d'éclats de verre, qu'Il épuise, qu'Il rejette toute la douce géométrie apprise, qu'Il brise les styles, qu'Il s'appuie sur la douleur humaine qui n'a pas de consolation. Federico Garcia Lorca

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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
LE JEU DE LA VIE ET DE LA MORT

On ne définit jamais tout à fait le duende ! D'ailleurs, c'est à peine si l'on peut transcrire dans une autre langue - la notre, par exemple, proche et latine, pourtant - ce terme presque parfaitement insaisissable. Il tient un peu de la Muse si chère aux poètes romantiques allemands, de l'ange des créateurs italiens, un peu du feu follet, aussi, dont il est l'une des manifestations possibles, le "maître de la maison" comme l'indique l'expression espagnole “dueño de la casa” (pour mémoire, duende dérive directement du "dominus" latin, le maître). C'est parfois un cardon en Andalousie. L'Andalousie ! C'est sans doute sur cette terre que le duende a pris tout son sens, puise toute son énergie, donne toute sa puissance, par l'intermédiaire, la médiation et l'explosion du flamenco.

Pour Frederico Garcia Lorca, le duende, c'est rien moins que «l'esprit caché de la douloureuse Espagne » et c'est à l'occasion de cette conférence, qu'il donna à deux reprises, la première fois en 1933 à Buenos Aires) et la seconde en 1934 à Montevideo qu'il se proposa, par le biais d'une espèce de joute artistique et poétique face au public, d'en donner les contours, à défaut d'en régler une fois pour toute, une explication précise et, dirait-on, scientifique.

Car le Duende, cette chose «au charme mystérieux et indicible », cet espèce d'envoûtement du corps et de l'esprit ne se montre pas, ne se dit pas, ne s'explicite pas : il se vit. Dès lors, quelles plus étonnantes expressions de son existence, de son pouvoir, de ce jeu de vie et de mort que sont, toujours selon Garcia Lorca, les trois grands arts du mouvement : La musique, la poésie et la danse ?

«Tous les arts peuvent accueillir le duende, mais là où il trouve le plus d'espace, bien naturellement, c'est dans la musique, dans la danse, et dans la poésie déclamée, puisque ces trois arts ont besoin d'un corps vivant pour les interpréter, car ce sont des formes qui naissent et meurent de façon perpétuelle et dressent leurs contours sur un présent exact.»

De fait, c'est sans doute le Flamenco, réunissant ces trois arts, qui en sont l'évocation la plus flagrante... Mais la corrida, cet autre jeu du mouvement, mais aussi ce terrible jeu de la mort porté au rang de spectacle en est-il une autre - macabre - représentation... D'ailleurs, Garcia Lorca ne se le cache pas lorsqu'il affirme : «L'Espagne est le seul pays au monde où la mort soit le spectacle national.»

Le duende est donc opposé à l'ange créateur ou à la muse du poète tout autant par ce mouvement perpétuel dans lequel il se trouve - jusqu'à la possibilité même de son absence, de son manque - tandis que les deux autres sont des représentations pour ainsi dire statiques de ce que l'on appelle plus aisément "l'inspiration", mais par ailleurs, il n'est pas comme la Muse qui accompagne, voire souffle le créateur pas plus que comme l'ange qui survole de sa grâce le poète, non : le duende demeure à ce point insaisissable qu'il est impossible d'en attendre quoi que ce soit d'autre que cet espèce de jeu entre l'artiste et ce moment de grâce momentané entretenu par le Duende.

Ce court texte, dans lequel Garcia Lorca joue avec son auditoire, tout autant qu'il raconte ce jeu est une petite leçon, mais d'une intense profondeur, d'hispanité et de création. C'est aussi un pur hommage aux ébouriffement de l'existence, à la nature, à la chair, à la musique et à son cher Flamenco. Un bref texte plein de chaleur, d'enthousiasme, même s'il cède parfois à une certaine caricature de ce que serait l'Espagne la plus profonde (mais pas si éloignée que cela des clichés), que l'on lit cependant avec un intense plaisir, ainsi qu'il en est inévitablement des créations de cet inimitable et immense poète mort trop tôt, sans doute, mais qui, consumé par le duende, eût la grâce au bout de la plume !
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Le Duende n'est ni l'ange ni la muse. Il est cette troisième fonction créatrice.

Line Amselem, dans "Traduire le Duende", dit qu'il est, en Espagne, un esprit follet, un charbon sec d'Andalousie ou le charme inexpliqué du flamenco. Il est indéfinissable et intraduisible.
Frederico Garcia Lorca ne l'explique pas non plus. Il le frôle avec ferveur dans un discours qui nomme les corps, les voix, les mouvements qui ont été pris de Duende.
Le public, face au Duende, est saisi d'un enthousiasme qu'il exprime par des Olé ou des Dieu soit loué. Parce que le public sait que l'artiste est pris dans un combat avec la mort. Et la vie n'est jamais aussi exaltante que lorsqu'elle est vue, de l'autre coté d'un mince filtre, depuis la mort et qu'elle nous est rendue au travers d'une danse, d'un chant, d'une poésie déclamée.
Il faut lire ce livre en le déclamant. Ce n'est pas grave si toutes les références ne sont pas comprises, elles restent des sonorités et des couleurs. Il faut lire ce livre en le déclamant et peut-être entendrez-vous le Duende, ce vent de l'esprit qui annonce "le baptême permanent des choses fraichement créées".
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J'avais eu, il y déjà quelques années, l'occasion de travailler sur ce texte de Federico García Lorca, dans sa version originale, en espagnol. Je l'ai redécouvert, avec plaisir et émotion, dit par Jacques Higelin, en français, dans une belle lecture musicale enregistrée en 2014.

Jeu et théorie du Duende est le titre d'une conférence prononcée en 1933 et 1934 par Federico Garcia Lorca à Buenos Aires, puis à Montevideo. C'est une leçon sur l'esprit caché de l'Espagne en général et de l'Andalousie en particulier, un concept, un « je ne sais quoi » qui évoque à la fois une grande souffrance, un démon intérieur, un instinct ; une transe, une possession, un talent…

Si la tonalité du début est un peu ironique, dès que Federico García Lorca évoque le « duende », jeu de mot sur une contraction de « dueño de la casa », le ton devient envoûtant, lyrique, tellurique… le « duende » est un pouvoir mystérieux et inexpliqué auquel l'auteur donne, en partant de l'Andalousie, une portée universelle ; seront cités Socrate, Nietzsche, Cézanne, Paganini, Velasquez, Rimbaud… et bien d'autres.
Si le « duende » est un démon, il n'a cependant rien de diabolique au sens de possession. le « duende » est profondément intérieur, inscrit dans le sang. Ce n'est pas un doute, mais une lutte, une blessure jamais refermée.
Federico García Lorca met en balance l'ange, la muse et le « duende » car ce dernier n'est ni un guide, ni une source d'inspiration. Tous les arts peuvent accueillir le « duende » mais il est davantage à son affaire quand il s'agit de faire intervenir le corps comme dans la danse, la musique, la poésie déclamée ou encore la tauromachie. C'est un talent qui permet de revisiter avec bonheur et brio les thèmes anciens car il y apporte du sang frais ; il se charge parfois de mysticisme ; il véhicule des vibrations et des effets perçus par tous.
Mais personne ne s'amuse, ni dans le flamenco, ni dans la corrida… La mort est omniprésente dans la vision du « duende », flamboyante.

Un texte très court, à connaître.

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pour le plaisir anticipé - cela me semblait si évident - du texte, et pour le charme de ces petits livres simples et raffinés que fait Allia (sans compter leur prix infime : 3 euros) :
« jeu et théorie du Duende », texte d'une conférence donnée par Garcia Lorca, dans une édition bilingue avec une nouvelle traduction par Line Amselem.
Un ton légèrement ironique et désinvolte au début, pour remuer des phrases et une réalité qui se veut (qui est) profonde, des éclairages et comparaisons inattendues, la beauté des images.
Cela se développe en digressions, orientations divergentes pour mieux cerner l'essentiel.
On trouve, outre Socrate et Descartes, Vélasquez, Zurbaràn, Goya bien entendu et Keats, des torreros, Goethe, Paganini, Manuel Torres « grand artiste du peuple andalou » (qui ne l'a pas), Nietzsche, Cézanne, Sainte Thérèse (d'Avila bien entendu), Rimbaud, Pastora Pavpn « sombre génie hispanique » avec Ignacio Espeleta « beau comme une tortue romaine » et Elvira la Caliente « putain arisstocrate de Séville », Quevedo, Valdès Léal, des danseurs et danseuses, et un garçon de Salamanque tué par un taureau, et d'autres, et de la nuit, des plantes....
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Livre-essai sur la théorie du "duende", acte de passion au coeur des traditions espagnoles, et incarnation de l'artiste dévolu à son art. Il s'agit ici d'une esquisse de la flamme qui fait réellement vivre l'Espagne et sa relation à la mort.

Une lecture rapide, simple et agréable, qui donne envie d 'en découvrir davantage sur cet étrange fougue.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le gitan est ce qu'il y a de plus élevé, de plus profond, de plus aristocratique dans mon pays, de plus représentatif de sa manière et ce qui conserve la braise, le sang et l'alphabet de la vérité andalouse et universelle.
Mais le duende…Où est le duende ? A travers l’arche vide souffle un vent spirituel qui balaie avec insistance les têtes des morts, en quête de nouveaux paysages et d’accents inouïs ; un vent qui fleure la salive d’enfant, l’herbe broyé et le voile de Méduse, et qui annonce le perpétuel baptême des choses fraîchement créées.
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Manuel Torres , grand artiste du peuple andalou , disait à un homme qui chantait : " Toi , tu as de la voix , tu connais les styles , mais jamais tu ne connaîtra le triomphe parce que toi , tu n'as pas le duende " . dans toute l'Andalousie , roc de Jaén ou coquillage de Cadix , les gens parlent sans cesse du duende et le remarquent dès qu'il apparaît avec un instinct efficace .Le merveilleux chanteur de flamenco El Lebrijano , créateur de la Debla disait : " moi , le jour ou je chante avec duende , personne n'est plus fort que moi " ; La vieille danseuse gitane la Malena s'est écriée un jour en entendant Brailowsky : " Olé ! Çà , ça a du duende ! et elle s'est ennuyée avec Gluck et avec Brahms .....Et Manuel Torres , l'homme à avoir le plus de culture dans le sang de tous ceux que j'ai connus a dit cette phrase splendide en écoutant ( Manuel de ) Falla jouer lui-même son Nocturne du Generalife : " Tout ce qui a des sonorités noires a du duende ." Et il n'a rien dit de plus vrai .
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Pour chercher le duende, il n'existe ni carte ni ascèse. On sait seulement qu'il brûle le sang comme une pommade d'éclats de verre, qu'il épuise, qu'il rejette toute la douce géométrie apprise, qu'il brise les styles, qu'il s'appuie sur la douleur humaine qui n'a pas de consolation.
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L’arrivée du duende suppose toujours un changement radical des formes sur de vieux schémas, elle apporte des sensations de fraîcheur totalement inédites, comme la qualité d’une rose soudain créée, par miracle, produit d’un enthousiasme presque religieux.
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Où est le duende ? A travers l’arc vide, passe une brise mentale, qui souffle avec insistance sur la tête des morts, en quête de nouveaux paysages et d’accents ignorés, une brise à l’odeur de salive d’enfant, d’herbe foulée et de voiles de méduse qui annonce le baptême sans cesse renouvelé des choses qui viennent de naître.
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Vidéo de Federico Garcia Lorca
Découvrez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/sylvie-le-bihan-les-sacrifies-53498.html Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l'imposteur quand elle voit ses livres en vitrine. En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l'art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l'imposteur quand elle voit ses livres en vitrine.
En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l'art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
L'année suivante, choisissant la plume romanesque, elle signe « L'autre », récompensé au festival du 1er roman de Chambéry, histoire saisissante sur le pervers narcissique. le livre est fortement remarqué. Dès lors, Sylvie le Bihan devient un nom qui compte. « Là où s'arrête la terre », « Qu'il emporte mon secret », « Amour propre » ont crée autour de la romancière un lectorat fidèle qui se retrouve dans ses intrigues, dans les sujets abordés, dans la fragilité des personnages, dans la subtilité de son écriture
Voici son nouveau titre, « Les sacrifiés ». Et quelle réussite ! Sylvie le Bihan choisit cette fois-ci la fresque historique et nous entraine dans l'Espagne des années 30, celle qui de l'insouciance va sombrer dans la violence et la guerre civile. Juan est le personnage central de cette histoire de soleil et de sang. Il est encore gamin quand on lui fait quitter son village d'Andalousie pour devenir le cuisinier du célèbre torero Ignacio Ortega. Dès lors, dans l'ombre, le jeune Juan va découvrir une nouvelle vie de luxe et d'insouciance où les stars de la tauromachie côtoie tous les artistes de l'époque. Fasciné, il va surtout devenir le témoin d'un trio exceptionnel, celui que forment, entre amour et amitié, le sémillant torero Ignacio, la belle danseuse Encarnacion et le fragile poète Federico Garcia Lorca. Mais bientôt, le ciel d'Espagne vire à l'orage. Juan et tous les protagonistes de cette histoire vont être balayés par le vent de l'Histoire.
Là est la force du livre de Sylvie le Bihan. A l'exception du personnage fictif de Juan, tous les autres sont authentiques. Au prix de plusieurs années de travail et de recherches, elle leur redonne vie dans ce roman foisonnant, flamboyant, douloureux, qui résonne étrangement avec notre époque contemporaine et interpelle : qui sont les sacrifiés d'aujourd'hui ?
Hommage à l'Espagne et à son histoire, hommage à la littérature et à Federico Garcia Lorca, Sylvie le Bihan signe un livre au souffle puissant, parfaitement construit, à l'écriture remarquable, un livre que vous refermerez le coeur déchiré
C'est un coup de coeur ;
« Les sacrifiés » de Sylvie le Bihan est publié aux éditions Denoël.
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