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Critique de Nastasia-B


Ce recueil " Poésies II " de la NRF Gallimard regroupe trois ensembles poétiques (Chansons, Poèmes du Cante Jondo et Romancero gitan) que je trouve très différents tant par la forme que par le fond et que je ne place pas du tout au même niveau. C'est la raison pour laquelle je préfère donner des avis séparés.

— CHANSONS —
Il s'agit d'une compilation assez homogène de 86 poèmes, tous assez courts et bâtis sur un schéma comparable. C'est de très loin l'ensemble que je préfère du recueil.

Ici, la poésie de Federico García Lorca est très sobre, très courte, très épurée. Pas de rime, peu de rimes, peu de lexique, peu de pieds, peu de vers calibrés. Ce n'est pas une poésie de rythme ni une poésie de musique. Pourtant, pas de doute, ces quelques mots posés là, côte à côte, sont bel et bien de la poésie. C'est une poésie de l'idée, de l'association et de la métaphore.

À beaucoup d'égards, j'aurais tendance à rapprocher cette forme poétique du haïku et de l'esthétique d'Extrême-Orient. Il a le pouvoir de faire jaillir en peu de mots (parfois seulement deux ou trois) un univers, une ambiance, un sentiment, un souvenir.

En fait, c'est un poète du pourtour et de la béance ; il pose deux points et c'est le lecteur qui trace le trait pour les relier avec ce qu'il a en lui. C'est un parti pris risqué car il n'emmène pas son lecteur visiter d'autres cieux, il n'embarque jamais son lecteur hors de ce qu'il connaît. Il est le révélateur et le fixateur de la poésie qui était déjà présente en nous et qui se taisait.

Je dis que c'est risqué parce que s'il n'y a rien en nous, alors il n'y a rien à révéler ni à fixer. Mais quand il y a un terrain favorable chez son lecteur, beaucoup de matière poétique inflammable en réserve, la magie opère souvent, quasiment à tous les coups. Pour ma part, ça ne démarre pas à tous les coups mais parfois je prends beaucoup de plaisir à ses métaphores. À d'autres, ça sonne creux en moi et ça ne me fait strictement rien passer.

Quand la magie opère, c'est un grand raffinement, un pépiement de toutes ces petites choses sans vie qui se mettent à gazouiller autour de vous sans que vous les ayez jamais remarquées. Tous les objets inanimés se mettent à avoir une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer, comme aurait suggéré Lamartine.

Ce premier ensemble, c'est comme un écran blanc et une main qui prend des poses. Pour que le spectacle commence, il faut allumer la petite lampe et regarder l'ombre projetée. Oserez-vous allumer la petite lampe ?

— POÈMES DU CANTE JONDO —
Ce second ensemble m'a lui fortement déplu. Il regroupe 55 poèmes ayant une structure et une longueur très comparables à ceux de l'ensemble précédent, mais un propos tout autre.

Federico García Lorca y célèbre, ou en tout cas y dépeint l'Espagne du sud, celle qu'il nous livrait aussi dans Noces de Sang. L'Espagne rurale, rude et brûlante. Parfois, ce sont aussi des incursions dans les grandes Villes d'Andalousie que sont Séville, Cordoue, Grenade ou Malagá.

Ici, il n'est plus du tout question de lyrisme, c'est l'âpre vie des gens, la noirceur crépusculaire, une célébration triste de l'Andalousie, de ses meurtres incessants et sans nombre.

Je ne m'attarde pas trop sur ces poèmes car ce que j'en pense est équivalent à ce que je pense du troisième et dernier ensemble :

— ROMANCERO GITAN —
Il s'agit d'un regroupement de 18 poèmes. Ceux-ci sont beaucoup plus longs et ont une forme rimée et cadencée beaucoup plus classique que ceux des deux ensembles précédents. C'est beaucoup moins expérimental quant à la forme.

Quant au fond, aïe, aïe, aïe, on est exactement dans le même registre qu'avec les Poèmes du Cante Jondo et c'est insupportable, très pénible à lire. Certes, et avant toute chose, je tiens à préciser que toute poésie pâtit de la traduction et celle-ci ne déroge pas à la règle. Je m'interroge même sérieusement sur la pertinence éditoriale de toute traduction en matière de poésie, tellement liée à la langue dans laquelle elle a été fondue puis coulée dans un moule si particulier et non transposable.

Mais, outre ce débat que je n'ouvrirai pas maintenant, il n'est question dans ces deux ensembles que de meurtres, que de coups de couteau, que de massacres ou de viols, que de sang, que de règlements de comptes, que de gens bafoués, que de morts injustes et inutiles. C'est déprimant au possible et ça s'accorde si mal avec ma conception de la poésie et du lyrisme !

Désolée, Señor Gacía Lorca, mais cette Andalousie-là, cette poésie-là ne me fait pas du tout rêver, elle ne m'enchante pas, telle que la fine dorure, telle que la broderie de mots qu'elle est censée être, telle que l'invitation à la rêverie, à l'enivrement et à l'extase qu'elle est censée être. Les coquelicots qui fleurissent sur les chemises blanches, ça va cinq minutes, mais à longueur de poèmes, ça finit par faire beaucoup de boudin et la charcuterie, c'est pas trop mon truc !...

De même, je ne suis pas convaincue que l'écrit poétique soit le meilleur médium pour véhiculer et soutenir la lutte politique ou la contestation sociale, telles que les pratique souvent l'auteur.

En somme, une première partie assez plaisante avec de temps en temps des trouvailles poétiques auxquelles j'adhère complètement mais les deux parties suivantes me sont pénibles à tous égards, même poétiquement parlant. Cependant, souvenez-vous que ce que j'exprime ici n'est que mon avis, un tout petit avis solitaire, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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