On n'a pas un enfant comme on a un bouquet de roses.
Chaque femme a du sang pour quatre ou cinq enfants et lorsqu'elle n'en a pas, il se change en poison.
Les hommes ont autre chose dans la vie. Ils ont les troupeaux, les arbres, les conversations. Mais nous n'avons que les enfants.
Pourquoi est-ce que je suis sèche ? Est-ce que ma vie, en pleine vigueur, c’est d’élever des volailles et de mettre des rideaux bien repassés à mes fenêtres ? Non. Vous allez me dire ce que je dois faire et je ferai ce qu’il faut, même si je dois me planter des aiguilles au fond des yeux.
Les filles qui grandissent à la campagne, comme moi, toutes les portes leur sont fermées. Tout n'est que demi-mots et grimaces, ces choses, paraît-il, qu'on ne doit pas savoir. Et toi aussi, toi aussi, tu te tais et tu prends un air supérieur, alors que tu sais tout mais refuses de le dire à celle qui meurt de soif.
Non, pas vide, je suis pleine de haine. Dis-moi, est-ce que c’est ma faute ? Est-ce que dans l’homme il faut chercher l’homme, rien de plus ? Et que penser lorsqu’il te laisse au lit avec tes yeux tristes cloués au plafond, et qu’il se tourne et s’endort ? C’est à lui que je dois penser, ou à ce qui peut sortir de ma poitrine et m’éblouir ? Je n’en sais rien, mais toi, par pitié, dis-le-moi
Mon enfant, je te dirai oui,
déchirée par toi, endolorie.
Mes hanches me feront souffrir
mais ce sera ton premier nid !
Quand, mon enfant, vas-tu venir ?
« Quand ta chair fleurera le jasmin. »
Mensonge ! Ça c’est ce que disent les mères fragiles, celles qui se plaignent tout le temps. Alors pourquoi en faire ? Avoir un enfant ce n’est pas comme un bouquet de roses. Il faut souffrir pour le voir grandir. On y laisse, je pense, la moitié de son sang. Mais c’est bon pour la santé, ça, c’est magnifique. Chaque femme a assez de sang pour accoucher quatre ou cinq fois et quand elle ne fait pas d’enfant, le sang tourne au poison, c’est ce qui va m’arriver,