Brice, illustrateur, un peu las, d'une série d'albums pour enfants (qui m'a fait penser à la série des «Martine») délaisse Lyon pour s'installer dans le village vigneron de Saint Joseph où plus rien ne lui plaît «Les piquets de vigne, noirs comme des allumettes brûlées, plantés en rangs serrés à flanc de coteau, faisaient penser à une sorte de cimetière militaire.» Lui et sa femme Emma y ont acheté une maison ancienne qui lui semble immense. Il se sent perdu .
«Mais qu'est-ce que je fous ici ?... Qu'est-ce qui nous a pris d'acheter cette foutue baraque ?... Je devais être soûl, c'est ça, j'étais soûl.
(...) Il ouvrit les persiennes de la salle à manger et du salon mais la lueur d'eau de vaisselle qui s'y déversa ne parvint pas à réchauffer l'atmosphère. On se serait cru dans un aquarium sans poisson.
--- Une concession à vie, voilà ce qu'on s'est acheté.»
Qui ne s'est pas senti déprimé après un déménagement qui demande de rompre ses habitudes, entouré de
cartons, seul dans une maison vide qui paraît hostile ? Rien d'étonnant au prime abord à ce qu'il en soit de même pour Brice qui espère le retour proche de sa femme reporter, alors en Egypte. Mais l'ennui le gagne...
«Il s'accoutumait à l'ennui comme d'autres à l'opium»
Comme dans tous les romans de Pascal Garnier on ne sait pas trop où l'on a mis les pieds, on est désarçonnés et l'on voit mal où il va nous entraîner tout en sentant que quelque chose cloche et que le dérapage n'est pas loin.
Brice va rencontrer Blanche, solitaire, attirée par sa ressemblance avec son père.
«Elle parlait à mi-voix, grignotant le silence. On aurait dit l'écho de sa propre solitude.»
Elle va s'installer doucement, insidieusement, dans la solitude de Brice.
Rapprochement factice de deux êtres fragilisés par tout ce qui leur est tombé dessus au cours de leur vie qui tentent de rassembler les morceaux, de renouer des liens mais sans succès. Ils sont trop cabossés pour parvenir à se redresser malgré leurs efforts.
On ne peut en dire beaucoup plus. le titre prend entièrement son sens à la toute fin de ce roman noir dont les personnages sont très attachants comme tous les personnages de Pascal Garnier malmenés par la vie, tendres et cruels à la fois. Et puis il y a la tonalité de l'auteur, faite d'humour noir lié à une tendresse désespérée et une attention aigüe envers les êtres qu'il croisent, qui fait mouche et touche à chaque lecture.