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EAN : 9782070360505
220 pages
Gallimard (07/03/1972)
4.11/5   989 notes
Résumé :
«C'était un chien gris avec une verrue comme un grain de beauté sur le côté droit du museau et du poil roussi autour de la truffe, ce qui le faisait ressembler au fumeur invétéré sur l'enseigne du Chien-qui-fume, un bar-tabac à Nice, non loin du lycée de mon enfance.
Il m'observait, la tête légèrement penchée de côté, d'un regard intense et fixe, ce regard des chiens de fourrière qui vous guettent au passage avec un espoir angoissé et insupportable.
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Critiques, Analyses et Avis (113) Voir plus Ajouter une critique
4,11

sur 989 notes
le décor est vite planté, c'est sur fond historique d'assassinat de Martin Luther King et d'émeutes généralisées que Romain Gary dévoile un pan de sa vie américaine avec Jean Seberg et leurs animaux plus ou moins domestiques, dont Batka le petit dernier recueilli, "chien blanc" qui n'aime pas les humains noirs. Un berger allemand raciste. Qui dérange, forcément. A tel point qu'il sera vite envoyé en pension, aux mains de Keys le black qui ne s'en laisse pas conter. L'angle du chien raciste pour traiter du racisme, rien à dire, c'est malin. D'autant plus que le chien n'est bien entendu qu'un miroir de l'âme humaine, on ne nait pas raciste quand on est chien, on le devient, par dressage :
"Il me semblait jusqu'à présent que, là où il y a de la haine, il n'y a pas d'éducation. Il y a déformation. Dressage.
Je suis en train de me dire que le problème noir aux Etats-Unis pose uen question qui le rend pratiquement insoluble : celui de la Bêtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie."
Récit ou roman biographique peu importe, Romain Gary s'y livre à un festival de réflexions sur la condition des opprimés dans nos sociétés contemporaines, avec son talent désabusé habituel, où se mêle dérision, cynisme, ironie. Sans être toutefois au niveau des racines du ciel ou d'une vie devant soi. Moins de verve romanesque, moins de fluidité narrative, plus hâché et déstructuré à mon goût. Comme si l'ancrage dans la réalité historique avait freiné ses ardeurs créatives. A titre d'exemple, je n'y ai pas retrouvé la présence forte de ses personnages romanesques si habilement construits, que j'ai tant aimés par ailleurs. Mais le plaisir reste là, c'est quand même du bon, du très bon même il me semble, avec un final haletant.
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Alors qu'il vit aux États-Unis avec son épouse, Jean Seberg, Romain Gary recueille un berger allemand. L'animal trouve rapidement sa place dans la maison, auprès de l'autre chien et des chats. Il est ce qu'on appelle communément une bonne pâte, affectueux avec tout le monde. Tout le monde, sauf les noirs. Batka est un chien blanc, un chien dressé par les hommes blancs pour chasser les hommes noirs. Pour Gary et Seberg, il est impensable d'abattre le chien : ils le confient à un chenil qui a pour consigne de le guérir de cette haine que l'homme lui a chevillée au corps. Et c'est Keys, un soigneur noir qui se charge de réformer Batka.

Quand Romain Gary recueille le chien, le pays est au bord de l'explosion. L'assassinat de Martin Luther King est pour bientôt, la guerre de Vietnam traumatise les foules et les haines raciales mettent le pays à feu et à sang. « Je suis en train de me dire que le problème aux États-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble : celui de la Bêtise. Il a des racines dans la profondeur de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. » (p. 37) Romain Gary observe de loin les implications de son épouse dans la cause noire, mais c'est un militant désabusé en qui le feu sacré de la révolution couve encore. Son action à lui, c'est l'écriture et il y met toutes ses réflexions. « J'éprouve le besoin dévorant d'une ségrégation absolument sans précédent dans l'histoire de la solitude. Avec en moi un tel besoin de séparatisme, il faudrait pouvoir créer un monde nouveau. Je m'y mets immédiatement : je passe tout l'après-midi à écrire. » (p. 128)

Outre la chronique du sauvetage du chien, Romain Gary interroge son rapport à l'autre, cet étranger à lui-même. « le seul endroit au monde où l'on peut rencontrer un homme digne de ce nom, c'est le regard d'un chien. » (p. 152) Ni meilleur, ni plus généreux qu'un autre, l'auteur fait face à ses démons. « Je me suis résigné à admettre une fois pour toutes le fait que je ne parviens pas à civiliser entièrement l'animal intérieur que je traîne partout en moi. » (p. 17) En s'identifiant à l'animal, en prenant plus qu'à coeur le traumatisme que le chien a subi, Romain Gary écrit un bel hymne à l'homme. Et finalement, sauver le chien, c'est sauver l'espoir. « Toujours cet infernal dilemme : l'amour des chiens et l'horreur de la chiennerie. » (p. 182) C'est bien pour cela que la fin de ce texte est un crève-coeur, une véritable tragédie pour tous ceux qui aiment les animaux et la race humaine « C'est assez terrible, d'aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un chien dans l'homme et de l'aimer. » (p. 212)

Ce livre m'a véritablement émue, à tel point qu'à deux reprises, des jeunes hommes m'ont proposé des mouchoirs dans le métro (Technique de drague à creuser, donc…) Il y a beaucoup de choses à prendre et à retenir dans ce livre, notamment l'humilité un peu caustique de l'auteur et son immense sensibilité qui le dispute à la raison quand il s'agit de causes perdues. Je voulais lire ce livre pour préparer la prochaine sortie de l'adaptation cinématographique, en version augmentée. Je doute maintenant de voir le film : s'il est aussi poignant que le texte, mon coeur d'amie des bêtes et des hommes ne va pas résister.
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Je ne ferai pas une longue critique.
Le sort de ce chien blanc, dressé pour sauter à la gorge des Noirs, m'a troublée, plus que le destin des hommes, car lui n'avait rien demandé, il voulait juste être le meilleur ami de l'homme et lui obéir.
Ce chien blanc est devenu agressif envers les Noirs, car on l'a éduqué ainsi. Tout comme l'homme Blanc, dans les années 60 aux États -Unis est formaté pour la haine des Noirs.
Le sort réservé à ce chien est épouvantable, comme si les hommes ne se satisfaisaient pas de s'entre déchirer, il faut qu'ils y mêlent leur soi-disant meilleur ami.
Ce roman est un miroir sur l'Histoire de ce pays à cette époque. Une réalité qui est hélas trop souvent encore d'actualité.
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Quelle claque ! Ce livre est vraiment exceptionnel !
Autofiction ? Essai ? Conte ? Un peu de tout ça à la fois.
En effet Romain Gary se met en scène ici avec sa femme Jean Seberg. Mais c'est aussi un texte qui étudie la ségrégation qui en 1969, gangrène encore et toujours les Etats-Unis. La violence des relations entre Blancs et Noirs. La violence tout court. L'hypocrisie des combats pour l'égalité. Combat parfois intéressé, hypocrite....
C'est incroyablement d'actualité ! D'ailleurs ça a un côté triste car ce livre est terriblement d'actualité alors qu'il a plus de 50 ans... Ce livre est également totalement dénué de manichéisme. L'étude est fine, sans parti pris.
Mais c'est aussi un conte où le chien Batka est le personnage central. Une pauvre bête dressée initialement pour attaquer et tuer uniquement les Noirs.... En fait j'aurais envie de dire que c'est presque le seul personnage humain....
.
Et comme d'habitude avec Romain Gary, un style exceptionnel. Que ce texte est bien écrit, savoureux ! Gary est capable d'intégrer de l'humour (parfois grinçant) dans un texte plutôt noir.
C'est finement écrit, quelle écriture !
C'est mon 3e livre écrit par cet auteur, c'est une évidence, ce ne sera pas le dernier.
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Alors qu'il vivait à Los Angeles avec sa femme Jean Seberg, Romain Gary trouva un jour un chien perdu, un beau berger allemand doux et affectueux. En amoureux des bêtes, l'écrivain le recueille. Très vite il découvre que l'animal est un "white dog", un chien dressé pour attaquer les Noirs. Il décide d'essayer de le "guérir" en le confiant à un employé de chenil spécialisé dans le dressage d'animaux.

A partir de ce point de départ, l'auteur aurait pu simplement raconter l'histoire de ce chien. Cela aurait été déjà fort intéressant. Mais on est dans un livre de Romain Gary et Gary n'est pas un romancier ordinaire. Cet esprit brillant, lucide, éclairé ne pouvait se contenter de narrer une histoire de chien, aussi intéressante soit-elle. A travers ce récit, Gary va s'intéresser à l'humanité en général, à la société américaine des années 60 en particulier. Il va particulièrement s'intéresser à la problématique des tensions "raciales". Gary aborde ce thème, et d'autres, avec toute la finesse et la subtilité qu'on lui connait. Ici point de simplisme ni manichéisme, juste un grand humanisme, au ton souvent désabusé mais parfois illuminé par des lueurs d'espoir.
Je n'ai pas envie de résumer ici les réflexions de Gary, ce serait réduire la pensée de l'auteur, une pensée riche, profonde, complexe qui doit être lue dans son ensemble.
En plus de l'intelligence du propos, "chien blanc" bénéficie de la toujours superbe écriture de Gary.
Un très très bon livre.
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Citations et extraits (267) Voir plus Ajouter une citation
J'appelle "société de provocation" toute société d'abondance et en expansion économique qui se livre à l'exhibitionnisme constant de ses richesses et pousse à la consommation et à la possession par la publicité, les vitrines de luxe, les étalages alléchants, tout en laissant en marge une fraction importante de la population qu'elle provoque à l'assouvissement de ses besoins réels ou artificiellement créés, en même temps qu'elle lui refuse les moyens de satisfaire cet appétit. Comment peut-on s'étonner, lorsqu'un jeune Noir du ghetto, cerné de Cadillac et de magasins de luxe, bombardé à la radio et à la télévision par une publicité frénétique qui le conditionne à sentir qu'il ne peut pas se passer de ce qu'elle lui propose, depuis le dernier modèle annuel "obligatoire" sorti par la General Motors ou Westinghouse, les vêtements, les appareils de bonheur visuels et auditifs, ainsi que les cent mille autres réincarnations saisonnières de gadgets dont vous ne pouvez vous passer à moins d'être un plouc, comment s'étonner, dites-le-moi, si ce jeune finit par se ruer à la première occasion sur les étalages béants derrière les vitrines brisées ? Sur un plan plus général, la débauche de prospérité de l'Amérique blanche finit par agir sur les masses sous-développées mais informées du tiers monde comme cette vitrine d'un magasin de luxe de la Cinquième Avenue sur un jeune chômeur de Harlem.
J'appelle donc "société de provocation" une société qui laisse une marge entre les richesses dont elle dispose et qu'elle exalte par le strip-tease publicitaire, par l'exhibitionnisme du train de vie, par la sommation à acheter et la psychose de la possession, et les moyens qu'elle donne aux masses intérieures ou extérieures de satisfaire non seulement les besoins artificiellement créés, mais encore et surtout les besoins les plus élémentaires.
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Cette ruée au pillage est une réponse naturelle d'innombrables consommateurs que la société de provocation incite de toutes les manières à acheter sans leur en donner les moyens. J'appelle "société de provocation" toute société d'abondance et en expansion économique qui se livre à l'exhibitionnisme constant de ses richesses et pousse à la consommation et à la possession par la publicité, les vitrines de luxe, les étalages alléchants, tout en laissant en marge une fraction importante de la population qu'elle provoque à l'assouvissement de ses besoins réels ou artificiellement créés, en même temps qu'elle lui refuse les moyens de satisfaire cet appétit. Comment peut-on s'étonner, lorsqu'un jeune Noir du ghetto, cerné de Cadillac et de magasins de luxe, bombardé à la radio et à la télévision par une publicité frénétique qui le conditionne à sentir qu'il ne peut pas se passer de ce qu'elle lui propose, depuis le dernier modèle annuel "obligatoire" sorti par la General Motors ou Westinghouse, les vêtements, les appareils de bonheur visuels et auditifs, ainsi que les cent mille autres réincarnations saisonnières de gadgets dont vous ne pouvez vous passer à moins d'être un plouc, comment s'étonner, dites-le moi, si ce jeune finit par se ruer à la première occasion sur les étalages béants derrière les vitrines brisées ? Sur un plan plus général, la débauche de prospérité de l'Amérique blanche finit par agir sur les masses sous-développées mais informées du tiers monde comme cette vitrine d'un magasin de luxe de la Cinquième Avenue sur un jeune chômeur de Harlem.

J'appelle donc "société de provocation" une société qui laisse une marge entre les richesses dont elle dispose et qu'elle exalte par le strip-tease publicitaire, par l'exhibitionnisme du train de vie, par la sommation à acheter et la psychose de la possession, et les moyens qu'elle donne aux masses intérieures ou extérieures de satisfaire non seulement les besoins artificiellement créés, mais encore et surtout les besoins les plus élémentaires.

Cette provocation est une phénomène nouveau par les proportions qu'il a prises : il équivaut à un appel au viol.
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La tête me tourne un peu, l'absurdité, la folie du paradoxe et le délire logique de cette "fierté" de père sont tels que la colère monte en moi, une colère d'autant plus douloureuse qu'elle ne vise personne, il n'y a pas de cible, sinon nous-mêmes. Les idéologies posent avec de plus en plus d'urgence la question de la nature de notre cerveau chaque fois qu'elles croient poser celle des sociétés... Je sais depuis longtemps que notre intelligence est au service d'une aberration congénitale qui s'ignore. Mais, dans le cas de Red, c'est vraiment le cerveau qui crie au secours. Car sa fierté, cette satisfaction paternelle de savoir que son fils fait là-bas, au Viet-nam, son "devoir" dans un "corps d'élite" et que ce merveilleux combattant donnera un jour au black power un chef dans la lutte contre ceux-là mêmes qui sont aujourd'hui ses frères d'armes et qui l'ont entraîné ainsi sur le dos des Viets à la guerre contre eux-mêmes, se situe dans une irréalité fantasmagorique totale, dans une sanglante abstraction qui peut germer seulement dans un psychisme de ghetto sans sortie de secours...
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Il y a quelque chose de profondément démoralisant, troublant, dans ces brusques transformations d'une bête paisible et que vous croyez connaitre en une créature féroce et comme entièrement autre. C'est un véritable changement de nature, presque de dimension, un de ces moments pénibles où vos petits rangements rassurants et catégories familières volent en éclats. Expérience décourageante pour les amateurs de certitudes. Je me trouvais soudain confronté avec l'image d'une brutalité première, tapie au sein de la nature et dont on préfère oublier la présence souterraine entre deux manifestations meurtrières. Ce qu'on appelait jadis humanitarisme s'est toujours trouvé pris dans ce dilemne, entre l'amour des chiens et l'horreur de la chiennerie.
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Je ne devrais pas leur en vouloir : ils ont des siècles d'esclavage derrière eux. Je ne parle pas des Noirs. Je parle des Blancs. ça fait deux siècles qu'ils sont esclaves des idées reçues, des préjugés sacro-saints pieusement transmis de père en fils, et qu'ils ont pieds et poings liés par le grand cérémonial des idées reçues, moules qui enserrent les cerveaux, pareils à ces sabots qui déformaient jadis dès l'enfance les pieds des femmes chinoises. J'essaie de me dominer, pendant qu'on m'explique une fois de plus que "vous ne pouvez pas comprendre, vous n'avez pas dix-sept millions de Noirs en France". C'est vrai : mais nous avons cinquante millions de Français, ce qui n'est pas jojo non plus.
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Vidéo de Romain Gary
"Un monument ! Une biographie indispensable pour (re) découvrir Romain Gary, cet auteur incroyable ! " - Gérard Collard.
Dans le Jongleur, Agata Tuszyska peint un portrait unique de Romain Gary, unique auteur à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt (pour Les Racines du Ciel et La Vie devant soi), diplomate, scénariste, pilote de guerre, voyageur; et montre comment son personnage va au-delà des limites de la pirouette artistique et des responsabilités humaines.
À retrouver en librairie et sur lagriffenoire.com https://lagriffenoire.com/le-jongleur.html
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